César 2024 : "Anatomie d'une chute" triomphe, Judith Godrèche émeut, Monia Chokri crée la surprise... Ce qu'il faut retenir de cette 49e édition
Anatomie d'une chute poursuit sa moisson de récompenses. Sa réalisatrice Justine Triet sort grande gagnante de la 49e cérémonie des César, vendredi 23 février, à L'Olympia (Paris), avec six trophées, dont celui du meilleur film. Ce drame psychologique, qui continue d'attirer les spectateurs en salles, a également obtenu la meilleure réalisation, la meilleure actrice (pour Sandra Hüller), le meilleur scénario (un prix partagé avec son conjoint Arthur Harari), le meilleur second rôle masculin (pour Swann Arlaud) et le meilleur montage.
Le film sort vainqueur du duel qui l'opposait au Règne animal, autre grand favori, avec douze nominations. Le long-métrage aux accents fantastiques de Thomas Cailley a été sacré dans cinq catégories techniques (meilleure photographie, meilleure musique originale, meilleur son, meilleur costume, meilleurs effets visuels).
La soirée a par ailleurs été marquée par le discours très attendu de Judith Godrèche, longuement ovationnée, alors que son témoignage au début du mois a lancé une seconde vague #MeToo sur le cinéma français. Franceinfo vous résume cette 49e édition des César.
Justin Triet domine la soirée
À 45 ans, Justine Triet est devenue la deuxième femme lauréate du César de la meilleure réalisation (après Tonie Marshall en 2000 pour Vénus Beauté Institut). "C'est un peu flippant et génial à la fois, ça donne de l'espoir pour la suite. On l'espère très fort en tout cas", a-t-elle déclaré sur scène. Elle est également la troisième réalisatrice de l'histoire à avoir décroché une Palme d'or à Cannes.
La grande gagnante de la soirée prend un nouvel élan pour la cérémonie des Oscars, qui aura lieu le 10 mars, et pour laquelle elle est nommée cinq fois, notamment dans la catégorie meilleure réalisation. "Je voudrais dédier ce César à toutes les femmes (...) à celles qui réussissent et celles qui ratent, celles qu'on a blessées et qui se libèrent en parlant, et celles qui n'y arrivent pas", a également dit Justine Triet.
D'une durée de 2h30, son thriller enneigé a attiré plus d'un million de spectateurs en France. Il retrace le procès d'une femme accusée d'avoir tué son mari, campée par Sandra Hüller, meilleure actrice pour ce rôle complexe et énigmatique.
Judith Godrèche rêve d'une "révolution"
"Pourquoi accepter que cet art que nous aimons tant, cet art qui nous lie, soit utilisé comme une couverture pour un trafic illicite de jeunes filles ?", a lancé Judith Godrèche, ovationnée debout par les représentants du septième art, lors de son entrée sur la scène de L'Olympia. L'actrice a tenu un puissant discours pour dénoncer le "niveau d'impunité, de déni et de privilège" du milieu.
"Il faut se méfier des petites filles. Elles touchent le fond de la piscine, elles se cognent, elles se blessent mais elles rebondissent", a poursuivi celle qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des violences sexuelles et physiques pendant son adolescence.
"Les petites filles sont des punks qui reviennent déguisées en hamsters [un clin d'œil à sa série Icon of French Cinema sur Arte] et pour rêver à une possible révolution", a-t-elle ajouté, sur une note d'espoir.
Raphaël Quénard fait le show
Sacré révélation masculine pour Chien de la casse, réalisé par Jean-Baptiste Durand(Nouvelle fenêtre) (qui a décroché le César du meilleur premier film), Raphaël Quenard est passé, en quelques mois, du statut de jeune acteur cantonné aux seconds rôles à celui de gloire montante du cinéma français. L'Isérois de 32 ans, à la tchatche inimitable, était d'ailleurs nommé dans deux autres catégories lors de cette soirée (meilleur acteur dans Yannick de Quentin Dupieux et meilleur court-métrage documentaire avec L'Acteur).
"J'ai une phrase que j'ai entendu : 'Nos vies sont jalonnées de souffrance et de chagrin.' Mais la plus terrible d'entre elles, c'est de nous voir tous les jours nous acharner à étouffer le p'tit enfant qui est en nous'", a-t-il lancé sur scène, en recevant son prix, avant de remercier les agriculteurs "qui travaillent d'arrache-pied".
Monia Chokri crée la surprise
"I'm so sorry Mr. Nolan". C'est par ces mots que la réalisatrice québécoise s'est adressée au réalisateur d'Oppenheimer après avoir remporté le César du meilleur film étranger pour Simple comme Sylvain, une comédie sur une professeure de philosophie qui tombe amoureuse d'un charpentier, issu d'un milieu social très différent du sien.
ll était hautement improbable que cette récompense n'aille pas à Christopher Nolan, qui a reçu le César d'honneur au cours de la soirée. C'était toutefois déjà arrivé, en 1995 : Steven Spielberg avait reçu le César d'honneur et était nommé pour le meilleur film étranger avec La Liste de Schindler. Mais il lui avait échappé, au profit de la comédie culte Quatre mariages et un enterrement, réalisée par Mike Newell, comme le relate Première(Nouvelle fenêtre).
Agnès Jaoui joue du ukulélé
Elle est la seule femme du cinéma français à avoir remporté six César : un comme actrice, un comme réalisatrice et quatre comme scénariste. Ce palmarès a valu à Agnès Jaoui un César d'honneur, faisant d'elle l'artiste féminine la plus primée de l'histoire de la cérémonie. "Elle est l'une des comédiennes les plus engagées dans le combat contre les inégalités, les violences, les a priori, la médiocrité, la petitesse", a assuré Jamel Debbouze dans un touchant discours d'introduction.
"Je sais qu'en m'offrant ce prix, vous saluez aussi le travail que j'ai accompli avec Jean-Pierre Bacri", a déclaré Agnès Jaoui, très émue. L'immense acteur s'est éteint à l'âge de 69 ans en janvier 2021. Tous deux étaient inséparables et formaient un tandem complice à l'écran et dans la sphère privée.
L'actrice, que l'on a récemment vu dans Le Dernier des Juifs, s'est ensuite emparée de son ukulélé. "Bien sûr, les films du milieu sont à la traîne et l'argent va toujours aux mêmes. Ce soir, j'ai choisi de chanter du cinéma français, l'exceptionnelle vitalité", a-t-elle entonné.
Le palmarès complet
Meilleur film : Anatomie d'une chute, de Justine Triet
Meilleure actrice : Sandra Hüller (Anatomie d'une chute)
Meilleur acteur : Arieh Worthalter (Le Procès Goldman)
Meilleure réalisation : Justine Triet (Anatomie d'une chute)
Meilleur montage : Laurent Sénéchal (Anatomie d'une chute)
Meilleure photo : David Cailley (Le Règne animal)
Meilleur film étranger : Simple comme Sylvain, de Monia Chokri
Meilleur documentaire : Les Filles d'Olfa, de Kaouther Ben Hania
Meilleur film de court-métrage documentaire : La Mécanique des fluides, de Gala Hernández López
Meilleur scénario original : Justine Triet et Arthur Harari (Anatomie d'une chute)
Meilleure musique originale : Andrea Laszlo De Simone (Le Règne animal)
Meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud (Anatomie d'une chute)
Meilleurs effets visuels : Cyrille Bonjean, Bruno Sommier et Jean-Louis Autret (Le Règne animal)
Meilleur court-métrage de fiction : Alice Douard (L'Attente)
Révélation masculine : Raphaël Quenard (Chien de la casse)
Révélation féminine : Ella Rumpf (Le Théorème de Marguerite)
Meilleur film d'animation : Linda veut du poulet !, de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach,
Meilleur court-métrage d'animation : Été 96, de Mathilde Bédouet
Meilleur premier film : Chien de la Casse, Jean-Baptiste Durand.
Meilleur son : Fabrice Osinski, Raphaël Sohier, Matthieu Fichet et Niels Barletta (Le Règne animal)
Meilleurs décors : Stéphane Taillasson (Les Trois mousquetaires)
Meilleur costume : Ariane Daurat (Le Règne animal)
Meilleure adaptation : L'Amour et les Forêts, de Valérie Donzelli
Meilleure actrice dans un second rôle : Adèle Exarchopoulos (Je verrai toujours vos visages)
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