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Coupe du monde 2022 : de la psychose autour des blessures jusqu'à la finale, comment les Bleus ont surmonté les obstacles

Touchés par de nombreuses mésaventures en début de rassemblement, les joueurs de l’équipe de France ont su trouver la formule en cours de compétition pour arriver jusqu’en finale.
Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Doha
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Kylian Mbappé déçu après la défaite de la France en finale de la Coupe du monde contre l'Argentine au stade Lusail, le 18 décembre 2022. (JOSE BRETON / AFP)

Vidé émotionnellement après la finale perdue contre l’Argentine (3-3, 2-4 t.a.b), Hugo Lloris se présente dans la zone mixte du stade Lusail, dimanche 18 décembre. "C’est douloureux, mais je le répète, il faut donner beaucoup de crédit à l’équipe de France, lance le gardien, avec une voix plus faible qu’à l’accoutumée. Parce qu’avec tout ce qui s’est passé lors de la première semaine, avec les blessés et toutes les circonstances, on a montré un bon visage."

Le capitaine de l’équipe de France n’est pas du genre à chercher des excuses, mais en rembobinant le fil de ce mois passé par les Tricolores à Doha, il y a de quoi valoriser leur résilience. Quand ils débarquent dans leur luxueux hôtel d’Al-Messila, camp de base jalousé par toutes les autres sélections du Mondial, la psychose règne. Après les forfaits de Paul Pogba, N’Golo Kanté et Presnel Kimpembe, c’est Christopher Nkunku qui s’est gravement blessé avant le grand départ de Clairefontaine.

Alors, quand au troisième jour à Doha, le destin décide de frapper une nouvelle fois l’équipe de France, un vent de panique touche la caravane des suiveurs des Bleus. Pour son premier vrai entraînement après son retour de blessure, Karim Benzema se blesse à la cuisse. Les heures qui suivent sont interminables. Un passage à la clinique Aspetar pour y effectuer un diagnostic, finalement sans appel : le forfait est inévitable. La France vient de perdre son Ballon d’or.

Deschamps trouve la recette magique

Alors que l’état de santé de Raphaël Varane, de retour de blessure, est aussi scruté, le moindre contact à l’entraînement sur la pelouse du stade Jassim bin Hamad est épié. Quand un joueur reste au sol, des regards inquiets sont échangés. On se crispe en voyant Benjamin Pavard mettre beaucoup d’engagement dans les contacts et Didier Deschamps n’hésite pas à rappeler le latéral droit à l’ordre. Les joueurs, eux, ne cèdent pas à la psychose. "Il faut s’entraîner normalement, sans se prendre la tête, faire comme si de rien n’était", avance Olivier Giroud lors de la toute première conférence de presse à Doha.

Ce dernier ne sait pas encore qu’il va être propulsé attaquant titulaire à la pointe du 4-3-3 imaginé par Deschamps. Sans période de préparation, la recette trouvée par le sélectionneur fonctionne contre l’Australie (4-1) et passe surtout avec brio le test du Danemark (2-1), qui avait battu deux fois les Bleus en 2022. Après plusieurs ajustements tactiques lors des mois pré-Coupe du monde, et une série de mauvais résultats, Deschamps a trouvé la recette.

Le jeu est léché et est sublimé par le nouveau rôle d’Antoine Griezmann, grandiose contre les Danois puis lors de la suite de la compétition. "Il est tellement utile, très intelligent pour faire les compensations. Il permet à l’équipe d’avoir un bon équilibre tout en ayant beaucoup de joueurs offensifs", lance un Deschamps conquis par son attaquant reconverti en milieu de terrain. Sa finale ratée contre l’Argentine, dimanche, n’est pas étrangère à la mauvaise performance collective des Bleus.

Kylian Mbappé et Olivier Giroud célèbrent un but lors du huitième de finale de la Coupe du monde contre la Pologne au stade Al-Thumama, le 4 décembre 2022. (JOSE BRETON / AFP)

De l'art de souffrir 

Déjà auteur de trois buts en début de compétition, Kylian Mbappé décide par la suite de s’occuper de tout contre la Pologne. L’attaquant est discret, légèrement en retrait au sein du groupe. Il se murmure qu’il ne parlera pas de toute la compétition, mais s’exprime après la victoire en huitièmes de finale. Sa seule prise de parole de la Coupe du monde. Le prodige de Bondy veut surtout parler avec ses pieds. Ses deux buts et sa passe décisive contre la Pologne éblouissent le monde.

L'attaquant du PSG est en mission et personne ne semble en mesure de l’arrêter. Le show Mbappé, qui se poursuivra en finale, sera mis entre parenthèses en quarts et en demies. Joueuse depuis le début de la compétition, alors que Deschamps a souvent été décrit comme un adepte du pragmatisme, la France revient à ses amours de 2018 : savoir souffrir, sans périr. Contre l’Angleterre (2-1), les Bleus se font peur mais se qualifient. "Ce soir, ce match me rappelle étrangement la demi-finale contre la Belgique de 2018", glisse Olivier Giroud après la rencontre.

Battus dans l’envie contre la Tunisie (0-1), avec une équipe de "coiffeurs", les Bleus répondent présents face au défi physique que leur proposent les Anglais et les Marocains. Dans la tempête, le navire bleu tangue mais ne chavire pas. Deschamps accepte d’écouter ses joueurs quand ça ne va pas : contre les Lions de l’Atlas en demi-finale (2-0), il se fie à Griezmann, relais sur le terrain, pour effectuer un changement afin de renforcer le côté gauche de la défense française qui prend l’eau.

Un kaléidoscope d'émotions en finale

"On a tellement souffert qu’on sort de ce match vidés, mais satisfaits du travail accompli. Tout n’a pas été parfait, mais on a su souffrir et être forts quand il le fallait", explique Lloris après la victoire contre le Maroc. Le capitaine évacue les doutes sur le virus qui touche les Bleus à quelques jours de la finale et se félicite surtout de la prestation des entrants, Marcus Thuram et Randal Kolo Muani.

Alors que des interrogations émergent en cours de compétition sur la capacité des remplaçants à changer le cours d’un match, Deschamps se montre rassurant : "Le banc peut faire des différences." Il le fait encore lors de cette finale totalement dingue, dimanche, contre l’Argentine au stade Lusail. Le choc Mbappé-Messi tient toutes ses promesses, la rencontre tient en haleine les supporters des deux camps et les journalistes en tribunes de presse.

La finale de rêve se transforme en finale de légende. Les Bleus ne lâchent rien pour tenter de conserver leur titre de champion du monde. Mais la "pièce est tombée du côté argentin", explique Varane en zone mixte après le match. Le vice-capitaine est le seul avec Lloris à s’arrêter pour répondre aux questions des journalistes après la défaite. "Pas ce soir", lance Adrien Rabiot. Aurélien Tchouameni refuse poliment en faisant un petit clin d’œil. Kylian Mbappé, lui, file directement au bus, tête basse.

Auteur d’un triplé, le prodige de Bondy n’a pas suffi. "On est tristes mais fiers", assume Lloris, qui dit "ne plus avoir trop de force. Après un tournoi comme celui-là, on a juste envie de retrouver les siens et d’être au contact de ses enfants". "On a le sentiment d’avoir tout donné. On a respecté notre titre de champion du monde 2018", ajoute le capitaine des Bleus. Peu de monde aurait cru à ce parcours il y a un mois. Les Bleus ont atteint la finale et offert des montagnes d’émotions à leurs supporters. Le repos des guerriers les attend désormais. 

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