Tennis : blessures, forfaits... Carlos Alcaraz, c'est quoi le problème ?
Carlos Alcaraz pousse son rocher. Absent à Monte-Carlo et Barcelone pour une blessure au bras, l'Espagnol a fait un retour éphémère à Madrid (éliminé en quarts de finale). Il pensait avoir enfin dompté la montagne de blessures. Mais le sort s'acharne sur Alcaraz comme les dieux sur Sisyphe, le poussant à déclarer forfait vendredi, en raison d'un "œdème musculaire" au même bras, pour le Masters 1000 de Rome, dernière répétition avant Roland-Garros. Sa préparation pour le Grand Chelem parisien est loin d'être idéale et l'enchaînement de blessures qu'il subit depuis un an et demi pose question, alors qu'il ne fêtera que ses 21 ans dimanche 5 mai.
Neuf blessures différentes en moins de deux ans
Depuis l'automne 2022, Carlos Alcaraz a subi neuf blessures différentes, l'obligeant à abandonner ou renoncer à onze tournois. "Ce qui est le plus surprenant, c'est qu'il se blesse à des endroits différents à chaque fois", remarque Paul-Henri Mathieu, capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis, qui alertait après sa carrière sur les risques de surentraînement chez les jeunes, dans les colonnes du Parisien.
Le double vainqueur en Grand Chelem (US Open 2022 et Wimbledon 2023) ne s'en sort plus, entre gênes musculaires (avril et octobre 2023), déchirures des ischio-jambiers (février 2023) et des abdominaux (octobre 2022), arthrite post-traumatique à la main (avril 2023) et entorse de la cheville puis blessure au bras en 2024.
Guillaume Levavasseur, médecin du sport et membre de l'équipe médicale de Roland-Garros, distingue les blessures "liées à une hyperutilisation, une surcharge de travail sur la zone concernée", comme la plupart des lésions musculaires et tendineuses, et celles liées à "un accident traumatique", comme les entorses.
Concerné par ces deux catégories de causes, Carlos Alcaraz admet une certaine impuissance, dans un entretien au quotidien sportif espagnol Marca : "Souvent je ne comprends pas les situations et je leur [à son staff] demande pourquoi les blessures arrivent alors que je fais les choses correctement : je dors bien, je mange bien, je m'entraîne bien."
Un jeu "très sollicitant pour son corps"
Au-delà d'une fragilité désormais établie, le jeu tout en puissance et en dynamisme de Carlos Alcaraz, comme Rafael Nadal, est très exigeant physiquement. Arnaud Clément, consultant pour franceinfo: sport, acquiesce : "Quand on observe son jeu spectaculaire, son explosivité, la violence de ses frappes, on sent que c'est très sollicitant pour son corps". Même si sa palette est plus vaste que celle de son aîné au même stade de sa carrière, lui permettant déjà de gérer ses efforts par séquences.
"Au même âge, il est bien plus complet que Rafael Nadal, même si l'intensité est la même. Il est très fort physiquement mais il peut jouer aussi en deux coups de raquette, il monte au filet, il peut abréger les échanges en faisant des amortis..."
Paul-Henri Mathieu, capitaine de l'équipe de France de Coupe Davisà franceinfo: sport
L'Espagnol n'a peut-être pas encore pris totalement conscience de sa vulnérabilité, condition préalable à son adaptation. "Il est dans la catégorie fragile, maintenant il le sait, affirme Paul-Henri Mathieu. S'il veut jouer longtemps, il va devoir faire attention et aménager ses entraînements ou commencer à s'entraîner un peu différemment. C'est ce qu'a fait Nadal : en début de carrière, il a été beaucoup blessé. Finalement, il a réussi à gérer et à jouer longtemps." Le docteur Levavasseur souligne également la nécessité pour le Murcien d'apprendre à appréhender son corps, rappelant "ses crampes en demi-finales de Roland-Garros 2023, dès la troisième manche" contre Novak Djokovic, de 16 ans son aîné.
Les voyages brisent la jeunesse
Même si Arnaud Clément remarque "déjà beaucoup de précautions prises et de sagesse, en se retirant des tournois quand c'est nécessaire", Carlos Alcaraz doit encore trouver son rythme de compétition. "Il y a aussi une gestion du calendrier lors de l'année, donc choisir ses tournois et peut-être jouer un peu moins, suggère Paul-Henri Mathieu. Il a fait beaucoup d'exhibitions, il faut peut-être faire attention à tous ces voyages répétitifs, qui n'aident pas dans la récupération." Dans la gestion de ses saisons comme de ses matchs, l'expérience l'aidera à mieux appréhender son corps. "Il faut trouver le bon équilibre entre préparation physique et récupération", confirme le docteur Levavasseur.
"C'est un travail permanent, zone par zone, d'identification des causes et de prévention des blessures."
Arnaud Clément, consultant franceinfo: sport
Arrivé dès 18 ans au plus haut, encore en pleine croissance, Carlos Alcaraz espère qu'avec les années ses muscles le laisseront tranquille : "J'ai 20 ans et mon corps n'est pas prêt. J'ai besoin de quelques années pour que mon corps s'adapte à cette exigence. Je pense qu'en prenant soin de moi au cours des prochaines années, cela ira mieux."
En attendant, l'Espagnol soigne ses blessures comme il peut. Il est apparu à Madrid avec un manchon de compression qui limite les traumatismes musculaires à son bras blessé, comme à Wimbledon en 2022. Selon Marca, il a aussi suivi un traitement à l'aide d'une pompe diamagnétique, une nouvelle technologie censée accélérer la régénération des tissus, mais dont l'efficacité scientifique n'a encore jamais été établie. De petits remèdes à des maux entêtants, qui minent la carrière du plus jeune numéro 1 mondial de l'histoire depuis un an et demi.
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