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Il n'y a pas que la taille qui compte au basket

Alors que l'Euro de basket a commencé mercredi en Slovénie, retour sur un mythe tenace de ce sport, selon lequel il faut être grand pour réussir.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le meneur de jeu de l'équipe de France de basket, Tony Parker, lors d'un entraînement avant l'Euro 2013, en Slovénie (ici à Ljubljana), le 3 septembre 2013.  (URBANC / SPORTIDA / SIPA)

Avec ses 1,88 m, Tony Parker est le plus petit joueur de l'équipe de France, et mesure une bonne tête de moins (25 cm) qu'Alexis Ajinça, le pivot de l'équipe. Après la défaite de la France contre l'Allemagne et les 2,15 m de Tibor Pleiss mercredi 4 septembre, et alors que la Bosnie de Nedzad Sinanovic (2,22 m) pourrait se trouver sur la route des Bleus au cours de l'Euro de basket en Slovénie, revenons sur cette croyance tenace que pour briller au basket, il faut être grand. Très grand. 

Cherche joueurs taille patron

Etre grand au basket, c'est indispensable. Le magazine américain Sports Illustrated (en anglais) relevait en 2011 une statistique ahurissante : 17% des Américains mesurant plus de 2,10 m entre 20 et 40 ans jouent en NBA. Un échantillon restreint, certes, mais une particularité extrêmement lucrative : qui dit joueur grand dit gros salaire, note Forbes (en anglais). Comme le résume Slate.com, au moment du coming-out du basketteur Jason Collins (2,13 m), ce qui est anormal chez lui, c'est sa taille.

La chasse au grand est ouverte, et ne se limite pas qu'aux Etats-Unis. La NBA a mis en place des programmes de détection en Afrique, rapporte CNN (en anglais). Dans plusieurs tribus sénégalaises et soudanaises, la taille moyenne est d'1,98 m, un gabarit équivalent à la moyenne des joueurs du championnat nord-américain. "Je fais faire un essai à n'importe qui mesurant plus de 2,13 m et qui respire", reconnaissait dans Sports Illustrated Ryan Blake, le patron des recruteurs de la NBA. 

Cette mystique de la taille est-elle due à l'incroyable équipe soviétique des années 50, avec le pivot Janis Krumins qui culminait à 2,18 m quand les plus grands joueurs de son temps peinaient à dépasser les 2 m ? A l'époque, un géant tchétchène du nom d'Uvays Akhtaev (2,34 m) avait l'air de jouer contre des enfants. Pour des raisons politiques, il fut exclu de l'équipe soviétique pour les plus grandes compétitions, mais les images d'archives sont impressionnantes.

"Une nation de nains qui produit des joueurs de 2,13 m ?"

En Chine, des scientifiques sélectionnent les enfants dès 4 ans en analysant la forme de leurs os ou leurs poils pubiens, pour savoir si leur croissance sera forte. C'est ainsi que Yao Ming, le plus célèbre basketteur chinois (2,29 m), est le fruit de l'union entre deux sportifs de grande taille, rapporte le livre Operation Yao Ming. Petit, Yao Ming a dépassé toutes les espérances du régime, en atteignant 1,71 m (la taille moyenne en Chine) à 8 ans. Avec ou sans hormones de croissance ? Impossible de le prouver, même si l'entraîneur américain Dale Brown s'est interrogé, crûment, dans Sports Illustrated (en anglais) en 2000 : "Il y a quelque chose qui ne va pas quand une nation de nains produit plus de joueurs de 2,13 m que n'importe quel autre pays du monde." 

Le destin de Yao Ming était tracé, malgré le fait... qu'il déteste le basket. Le régime attend maintenant que la fille qu'il a eue en 2010 avec son épouse Ye Li, une basketteuse d'1,90 m, grandisse un peu.

Le talent, comme la taille, se transmet sans doute un peu par les gènes, mais pas que. A l'image de cette anecdote que raconte sans détour Donnie Nelson, manager général des Dallas Mavericks et pionnier du transfert en NBA des joueurs du bloc de l'Est, au site Grantland (en anglais) : "Quand l'Union soviétique a implosé, on a dit à Arvydas Sabonis [le meilleur joueur lituanien de tous les temps ] que s'il se sentait concerné par le futur du basket dans son pays, il devait coucher avec toutes les filles qu'il pouvait trouver. (...) Comme ça, en 2010, l'équipe de Lituanie aurait conservé son talent. Manifestement, il n'a pas écouté, car il n'y a pas de gamin de 2,23 m dans le cinq majeur."

La taille ne suffit plus

La course à la taille est-elle inéluctable ? Non. Une étude de la NBA (en anglais) montre que le joueur moyen aujourd'hui est plus petit que son collègue des années 80 - et encore, à l'époque, les joueurs étaient mesurés sans les chaussures...  Comment expliquer le phénonème ? Première hypothèse, l'avantage des joueurs de grande taille par rapport à leurs pairs plus petits est limité par le rythme du jeu, où la vitesse et l'agilité sont au moins aussi importantes que la taille. La sélection est plus dure que dans les années 80, où le géant soudanais Manute Bol, le plus grand basketteur à avoir jamais évolué en NBA (2,31 m), savait à peine jouer au basket quand il a été recruté. 

Autre explication : l'Américain moyen n'arrive plus à suivre. Entre 1955 et 1995, l'adolescent chinois a grandi de 7 cm, quand la taille de l'ado américain a stagné : "Les Américains n'ont pas grandi depuis 25 ans", résume Richard Steckel, anthropologue. De quoi donner des idées aux Français, eux qui gagnent plus d'un centimètre par décennie depuis les années 1950, et qui constituent le plus gros contingent étranger de NBA.

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