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Incidents Lyon-Marseille : arbitre, préfecture, LFP... Qui décide d'arrêter définitivement un match de Ligue 1 ?

Sur le papier, l'homme en noir sur le terrain est seul maître à bord pour interrompre un match et décider ensuite s'il doit reprendre ou non. Mais, dans les faits, c'est loin d'être aussi simple.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Dimitri Payet touché par un projectile dimanche 21 novembre au Groupama Stadium à Lyon. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Trois minutes de jeu, deux heures d'interruption et d'atermoiements, un communiqué contre cinq tweets et une polémique à n'en plus finir. La rencontre phare de la 14e journée de Ligue 1 entre Lyon et Marseille, interrompue prématurément dimanche 21 novembre après un jet de projectile sur le joueur vedette de l'OM, Dimitri Payet, n'en finit plus de faire couler de l'encre. Notamment au sujet de la décision de ne pas reprendre la partie. Le président lyonnais, Jean-Michel Aulas, a affirmé dimanche soir que l'arbitre voulait reprendre le match, avant de changer d'avis, ce que dément l'homme en noir. De son côté, la Ligue de football professionnel (LFP) soutient que le préfet a tenté de forcer la reprise de la rencontre, ce que contestent les services de l'Etat. L'occasion de se pencher sur les textes pour savoir qui est habilité à prendre cette décision.

Que dit le règlement ? 

C'est écrit noir sur blanc dans l'article 549 du règlement des championnats de France (PDF), consacré aux incidents de match : "Si la ou les interruptions de match ont manifestement été inefficaces, l'arbitre doit en dernier ressort, après consultation des délégués de la rencontre et des représentants des autorités publiques, arrêter définitivement le match." La décision finale revient donc, après concertation, à l'arbitre de la rencontre, la même personne qui a décidé de renvoyer les joueurs aux vestiaires dès la 3e minute de jeu lors de Lyon-Marseille, après le jet d'une bouteille d'eau pleine sur le meneur de jeu de l'OM, Dimitri Payet, qui s'apprêtait à tirer un corner devant l'une des tribunes de supporters lyonnais.

Quelle est la marge de manœuvre du préfet ?

Dimanche soir, la France du football a assisté à une surréaliste guerre de communiqués et de tweets entre la Ligue de football professionnel (LFP), qui régit le championnat de Ligue 1, et la préfecture du Rhône. Dans un texte publié en milieu de soirée, et alors que le flou le plus total régnait autour d'une éventuelle reprise de la rencontre, la première a accusé la seconde d'avoir forcé la main à l'arbitre pour faire revenir les acteurs sur la pelouse et disputer le match. Ce qu'a annoncé le speaker du stade au micro, à 22h20, avant que la décision soit finalement infirmée une vingtaine de minutes plus tard.

L'arbitre du match, Ruddy Buquet, a expliqué à demi-mot sur Amazon Prime Video, le diffuseur de la L1, que le préfet avait avancé des raisons de possibles troubles à l'ordre public pour plaider la reprise du match. "Il y a de nombreuses considérations à prendre en compte, comme le fait d'avoir un stade plein, l'évacuation de joueurs, ce sont des paramètres importants."

L'arbitre a-t-il vraiment les coudées franches pour décider ?

"Ma décision sportive a toujours été de ne pas reprendre le match. Il a été évoqué des risques de trouble à l'ordre public. Mais je maintiens que ma décision a toujours été de ne pas reprendre la partie", s'est défendu l'arbitre de la rencontre. Selon le compte-rendu qu'en a fait le président lyonnais, Jean-Michel Aulas, l'homme en noir a également consulté les deux équipes – ce qu'il n'est pas tenu de faire – et la vive réaction des joueurs marseillais (déjà victimes de faits similaires à plusieurs reprises ces derniers mois) à la perspective de revenir sur la pelouse a fait pencher la balance. "Les services de sécurité de l'OL ont tout de suite réagi, l'individu a été interpellé, on avait imaginé que le match puisse reprendre, et l'arbitre avait décidé de la reprise", a argumenté le médiatique président rhodanien sur Prime Video. "Et puis, quand il est revenu l'annoncer aux joueurs, il y a eu une réaction violente de la part de Marseille. Ruddy Buquet a demandé à revoir le préfet, et a inversé la décision, c'est incompréhensible."

Une situation similaire s'est produite lors du match Nice-OM, le 22 août, quand Dimitri Payet, déjà, avait été ciblé par des jets de projectiles, avant que des supporters niçois n'envahissent le terrain. L'arbitre, Benoît Bastien, avait cette fois décidé de reprendre la rencontre après une longue interruption (et sur avis favorable de la préfecture là encore), mais les joueurs de l'OM étaient restés au vestiaire. "L'arbitre a décidé d'arrêter la rencontre, mais il n'y a eu aucune pression pour que le match reprenne", décrivait sur RMC Sport, Karl Olive, membre du conseil d'administration de la LFP. Le préfet des Alpes-Maritimes a reconnu après coup sur la même radio qu'"il fallait poursuivre le match pour préserver l'ordre public et éviter l'émeute générale". 

Ce qui n'est pas la version de Pablo Longoria, le président de l'OM, dans La Provence : "L'arbitre a expliqué que sa décision était d'arrêter le match et qu'on lui imposait de le faire reprendre pour des questions d'ordre public." Après cette mémorable (et déplorable) soirée, Benoît Bastien, était resté muet sur le déroulement des faits, mais avait été soutenu par sa hiérarchie. Le patron des arbitres, Eric Borghini, avait quand même reconnu dans L'Equipe que ce n'est pas l'arbitre qui avait eu le dernier mot :"Il a bien fait de respecter l'instruction, la consigne, je n'ose pas dire l'ordre, que lui a donné le préfet.". Ce précédent a pu jouer sur la décision de Ruddy Buquet dimanche soir.

La procédure pourrait-elle être réformée ?

C'est ce qu'a défendu la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, lundi 22 novembre sur franceinfo. "Aujourd'hui, dans le règlement disciplinaire, ce n'est pas marqué que, pour un jet de projectile sur un joueur et lorsque l'intégrité physique d'un joueur est atteinte, on arrête [définitivement] le match. Ce n'est pas marqué noir sur blanc." Elle désire aussi renforcer les prérogatives de l'arbitre, pour en faire le seul décisionnaire de l'arrêt définitif du match. La ministre déléguée souhaite également qu'un barème de sanctions soit inscrit dans le règlement : "Partout ailleurs, dans le handball, dans le basket, on peut incriminer le public du club et pénaliser le club parce que son public, ses supporters ont mal agi dans les tribunes. Aujourd'hui, dans le football, ça n'existe pas dans les textes."

L'annexe 2 du règlement de la FFF (PDF) précise néanmoins les sanctions que peut prendre la commission de discipline. Cette dernière tranche généralement en faveur de sanctions à titre conservatoire avant, quelques semaines plus tard, de punir les clubs fautifs après enquête (amendes, huis clos, délocalisation, retrait de points, match perdu sur tapis vert, etc.). Pour les incidents lors de Nice-OM, le club azuréen avait écopé de trois matchs à huis clos (dont celui rejoué sur terrain neutre contre Marseille fin octobre) et d'un retrait de deux points au classement, dont un avec sursis.

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