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Coupe du monde : le Brésilien Neymar, mi-attaquant, mi-homme sandwich

L'attaquant star de 22 ans est aussi connu pour son talent que pour ses nombreux contrats publicitaires. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Neymar, l'attaquant du Brésil, lors du match Brésil-Cameroun, le 23 juin 2014, à Brasilia.  (FPB/WENN.COM/SIPA / SIPA USA)

Sans lui, le Brésil ne serait peut-être pas en huitièmes de finale du Mondial. Neymar, l'attaquant de 22 ans, porte l'équipe du pays organisateur, poussive et brouillonne. La star du Brésil veut devenir la star de la Coupe du monde, avant de s'inviter dans tous les foyers via des spots de pub. S'il porte le n°10 du Brésil comme Pelé, son modèle serait peut-être plutôt à chercher du côté de l'Anglais David Beckham : moitié footballeur, moitié icône marketing. Et ce, depuis son plus jeune âge.

Le Real Madrid veut l'engager alors qu'il n'a que 14 ans

Celui qui incarne le football brésilien depuis bientôt cinq ans a signé un contrat alors qu'il était encore adolescent. A l'époque, son salaire mensuel de 225 dollars (176 euros) allait à ses parents, qui en reversaient 10% à une église protestante évangélique. Un an plus tard, le gamin de 14 ans tape dans l'œil du Real Madrid, qui cherche à l'engager. Refus de son club de Santos (non loin de Sao Paulo), qui fait monter les enchères jusqu'à un million de reals mensuels (45 000 euros) pour qu'il reste au club jusqu'à ses débuts en professionnel. Le club est convaincu d'avoir trouvé un phénomène. Son père aussi : Neymar Senior décide de monter une société pour gérer les intérêts de son fils, à peine entré dans la puberté.

La progression fulgurante de Neymar Junior ne s'arrête pas là. Il fait sa première apparition en pro à 17 ans, en 2009. A l'époque, peu conscient des enjeux autour de son image, il porte encore un écarteur de narines. Il ne lui faut que quelques mois pour s'installer en équipe première et dans le cœur des Brésiliens. Une grande partie de sa popularité repose sur le fait qu'il résiste aux sirènes des clubs européens pour faire son trou dans le championnat local, contrairement à 90% des vedettes brésiliennes, qui s'exportent de plus en plus jeunes. Peu importe que le président du club, Luis Alvaro de Oliveira Ribeiro, explique avoir dû supprimer l'équipe de futsal et l'intégralité de la section féminine du club pour payer son augmentation de salaire... Lorsque le club anglais de Chelsea propose 35 millions d'euros pour attirer le jeune attaquant, à l'été 2010, Ribeiro convoque une réunion stratégique avec les sponsors du club, raconte le site brésilien Veja (en anglais). Première image de son Power Point : une chaise vide. "C'est la chaise réservée à la grande idole sportive du Brésil. Depuis la mort d'Ayrton Senna, cette chaise est vide. Si Neymar reste à Santos, il pourra s'asseoir dessus." 


L'attaquant brésilien Neymar, alors au Santos FC, fête un but lors d'un match contre le club vénézuélien du Deportivo Tachira, le 20 avril 2011.  (ROBSON FERNANDJES / AGENCIA ESTADIO / AFP)

Son père touche 40 millions d'euros sur son transfert

Il faut croire que le discours de Ribeiro a porté ses fruits : moyennant une augmentation de salaire astronomique, l'attaquant décide de rester – provisoirement – au pays. Sa popularité se traduit de façon spectaculaire sur les finances de son club, le Santos FC. Le chiffre d'affaires du club et le tarif du sponsoring maillot est multiplié par cinq, d'après le quotidien Folha de Sao Paulo. Les recettes triplent, passant de 35 millions de dollars à 99 millions, tout comme les abonnements, de 20 000 à 65 000. Les gens ne se passionnent pas pour le football, mais pour cet attaquant frêle aux coupes de cheveux improbables. "Son seul souci, c'est de changer de look", l'a d'ailleurs tancé Pelé, la légende du football brésilien. Pas étonnant, Neymar fait de la pub pour une marque de shampoings !

Mais trois ans plus tard, à l'été 2013, il finit par rejoindre Barcelone. Montant officiel de la transaction : 57 millions d'euros. Montant officieux : 86 millions, ce qui vaudra au Barça quelques soucis avec les autorités espagnoles (le tout régularisé en février 2014 par un chèque au fisc de 13,5 millions). Le Barça ne verse presque pas d'argent au club de Santos (17 millions), mais aux diverses sociétés qui possèdent des parts du joueur, ce qui se pratique beaucoup dans les pays sud-américains. A commencer... par NJR, la société gérée par son père, qui touche le jackpot : 40 millions d'euros. Le club brésilien de Santos FC a essayé de porter l'affaire en justice, pour récupérer une plus grosse part du gâteau. En vain. Réponse de Neymar, agacé par cette procédure, sur son compte Instagram : "Je suis le plus grand fan de mon père, c'est lui qui m'a mis là où je suis. S'il touche des millions maintenant, c'est quoi le problème ? Il a travaillé pour ça, ça n'est pas tombé du ciel."

Sponsors, fans, et droits d'image

Aujourd'hui, onze sociétés brésiliennes utilisent Neymar comme homme-sandwich. Pour se concentrer sur la Coupe du monde, il lui a été demandé de mettre ses engagements promotionnels en veilleuse. Il a assez à faire avec les supportrices qui brandissent des pancartes "Mets-moi enceinte" sur son passage. Traqué, Neymar change de numéro de téléphone toutes les deux semaines.

En 2012, il a confié ses intérêts d'image à la société IMX, dirigée par Batista, un milliardaire qui a fait fortune grâce à des puits de pétrole et à des mines, et dont le nouveau dada est de développer un empire hôtelier. Le milliardaire, connu pour son franc-parler, a donc tout intérêt à s'allier la tête de gondole Neymar pour les deux plus grands évènements touristiques de l'histoire du pays : le Mondial 2014 et les Jeux olympiques 2016. Ce choix de fortement développer les activités publicitaires du joueur a pesé au moment de choisir entre le FC Barcelone et le Real Madrid. Le club madrilène a pour politique d'offrir des salaires plus élevés, mais d'empocher 50% des droits d'image du joueur, relève El Pais (en espagnol). Ce qui a dû refroidir le clan Neymar.

L'attaquant brésilien Neymar dans le complexe d'entraînement de Teresopolis (Brésil), le 13 juin 2014.  (RAFAEL RIBEIRO / CBF)

Une icône mondiale en construction

Neymar touche aujourd'hui davantage en contrats publicitaires qu'en salaire. L'attaquant brésilien n'est pas un footballeur comme les autres, juste bon à vendre des déodorants et des rasoirs. "Neymar n'apporte pas avec lui que les jeunes de 18 à 35 ans, explique Kenneth Shropshire, directeur de la chaire de sport-business de l'université de Pennsylvanie (Etats-Unis), à l'agence Bloomberg (en anglais). Il apporte avec lui le Brésil", ce qui est capital pour les sociétés multinationales. Il touche aussi énormément les enfants : une BD à sa gloire fait un carton auprès des 7-12 ans au Brésil. "C'est un phénomène pour la génération YouTube, les 12-19 ans, qui attachent de l'importance à sa spontanéité et à sa rébellion, explique Nicolas Lopez Fagundez, spécialiste du marketing du football, dans El Pais (en espagnol). Tout le challenge est d'en faire une icône mondiale." C'est en cours : Neymar est le seul Brésilien (hors homme politique) à avoir eu les honneurs de la couverture du prestigieux magazine Time (en anglais), sous le titre : "Le nouveau Pelé".

Pas étonnant que le magazine SportsPro l'ait désigné deux fois de suite comme l'athlète le plus bankable (qui rapporte le plus) de la planète. "Du point de vue des marques, s'il faut prendre quelqu'un pour les trois prochaines années, c'est forcément lui", explique David Cushnan, rédacteur en chef de SportsPro, dans le Daily Mail. Avec 11 millions de "followers" sur Twitter, 29 millions sur Facebook et 7 millions sur Instagram, Neymar dispose d'une force de frappe considérable. Le 13 septembre, Neymar a ainsi tweeté à ses fans : "Maintenant, je connais un tas de trucs sur la 4G", avec un lien vers le site d'America Movil, une société mexicaine appartenant à l'homme le plus riche du monde, Carlos Slim. 

Et même les actions philanthropiques peuvent être détournées pour faire du business. Prenez l'affaire du jet de banane sur son coéquipier barcelonais Dani Alves : un supporter lance une banane sur le joueur en plein match, et celui-ci l'épluche et la mange. Une opération mûrie de longue date par la société de communication que partagent les deux joueurs. Le geste fait le tour du monde, et deux jours plus tard, le présentateur brésilien très populaire Luciano Huck, grand ami de Neymar, présentait dans son émission le T-shirt #somostodosmacacos et son dessin de banane, vendus 25 euros pièce, relève le journal espagnol AS. Comme le résume un des dirigeants de l'agence de com' de Neymar, cité par Metro UK"les actions parlent plus fort que les mots".

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