Coupe du monde 2018 : "Poutine cherche à créer un lien entre rayonnement sportif soviétique et rayonnement russe contemporain"
Vladimir Poutine "veut profiter de l’occasion pour changer l’image de la Russie et des Russes à l’étranger", selon le spécialiste Sylvain Dufraisse, invité de franceinfo jeudi.
Le coup d’envoi de la Coupe du Monde de football 2018 en Russie a lieu jeudi 14 juin à 17 heures, avec une première rencontre entre l’équipe russe et l’Arabie saoudite. Invité de franceinfo jeudi, Sylvain Dufraisse, maître de conférences en histoire du sport à l’Université de Nantes, spécialiste des pratiques sportives et de loisirs en Union soviétique, assure que "Vladimir Poutine veut créer un lien entre le rayonnement sportif soviétique et le rayonnement russe contemporain".
franceinfo : La Russie met-elle son image en jeu lors de cette Coupe du Monde de football ?
Sylvain Dufraisse : Vladimir Poutine l’a évoqué mercredi 13 juin dans le discours qu’il a tenu au congrès de la FIFA. Ce qui était intéressant c’est qu’il a montré et présenté cette Coupe du Monde comme un moyen de changer l’image des Russes à l’étranger, de montrer que le sport réunit et que la Russie a des infrastructures de qualité. Cette compétition c’est un peu comme si la porte des hostilités liées à l’annexion de la Crimée, à la guerre en Ukraine, à l’intervention en Syrie, se fermait. C’est une période qui se termine. Il veut, en fait, profiter de l’occasion pour changer l’image de la Russie et des Russes à l’étranger.
Vladimir Poutine joue-t-il aussi la carte de la politique intérieure à l’occasion de cet événement ?
Il joue également la carte de la modernisation du territoire puisque l’organisation de compétitions internationales, c’est un projet qu’il a commencé à mener depuis le milieu des années 2000, en accueillant des championnats d’Europe, des championnats du monde. On se rappelle les mondiaux d’athlétisme, les mondiaux de natation, les Universiades. On voit qu’il y a une forme de montée en gamme de grands événements sportifs pour atteindre l’événement suprême, la Coupe du Monde. Tout cela lui permet de moderniser de manière intensive des poches sur le territoire : d’abord la ville capitale, puis Kazan et ensuite Sotchi. Cette compétition a permis de moderniser les infrastructures de la région volgienne par exemple. Pour Sotchi, il y a eu de très gros investissements, qui ont été coûteux économiquement et aussi écologiquement, Poutine en a aujourd’hui fait un pôle pour accueillir des événements, des compétitions internationales, des congrès ainsi que pour l’entraînement d’équipes sportives, notamment l’équipe de judo russe.
L’image du rayonnement par le sport est-elle une image assez classique pour l’ex-URSS, la Russie ?
C’est une image dont se revendique Vladimir Poutine, et il cherche à créer un lien entre le rayonnement sportif soviétique et le rayonnement russe contemporain. Il veut essayer d’en finir avec la période eltsinienne qui avait été vécue pour les Russes comme une période d’humiliation internationale, une période où la puissance s’était écroulée. Le retour de la puissance sportive, que ce soit par les organisations ou par les résultats, c’était un des projets de la politique sportive poutinienne. Le rayonnement de la Russie ne se fait pas par le football uniquement, c’est surtout la question de l’accueil, de l’organisation d’un grand événement qui est important. Même si en Russie le football n’est pas le sport le plus populaire, le plus contrôlé aujourd’hui, c’est un sport qui a beaucoup d’aficionados et qui a été longtemps en URSS un sport beaucoup plus autonome par rapport à l’Etat.
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