Reportage Coupe de France : comment le FC Sochaux s'est reconstruit localement après avoir frôlé la disparition l'été dernier

Article rédigé par Elio Bono, franceinfo: sport - envoyé spécial à Montbéliard (Doubs)
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7 min
La communion entre les joueurs de Sochaux et leur public après la victoire contre Reims en 16e de finale de la Coupe de France, le 21 janvier 2024. (SEBASTIEN BOZON / AFP)
Au bord de la faillite en juillet dernier, le FC Sochaux-Montbéliard s'est reconstruit autour d'actionnaires locaux. Sept mois plus tard, le club postule pour une montée en Ligue 2 et reçoit Rennes en huitième de finale de Coupe de France, mardi, dans un stade Bonal à guichets fermés.

C'est une histoire à raviver la flamme éteinte des nostalgiques du foot d'antan. A tordre le cou des fatalistes pour qui le foot-business demeure la seule alternative. Au bord de la disparition l'été dernier, le FC Sochaux-Montbéliard survit. Et même plus que cela. Rétrogradé administrativement en National 1 à l'intersaison puis sauvé par des investisseurs locaux, le club franc-comtois joue, à la surprise générale, les premiers rôles en championnat. Il renoue également avec son glorieux passé avec une épopée en Coupe de France où il reçoit Rennes, mardi 6 février à 21 heures, en huitième de finale. Après Lorient et Reims, Sochaux va tenter de faire tomber un troisième club de Ligue 1.

"C'est un miracle permanent", avoue d'emblée son président Jean-Claude Plessis, depuis son bureau tapissé de jaune, en contrebas du stade Bonal. L'enceinte mythique, nichée entre le centre-ville de Montbéliard et les usines Stellantis (ex-Peugeot, ancien propriétaire du club), a vu ses 20 000 sièges trouver preneur en 48 heures pour l'affiche de Coupe. Ils étaient 12 000 quatre jours plus tôt, pour un match de championnat contre le Red Star (2-2). Un engouement dans la lignée de la qualification dantesque contre Reims au tour précédent (2-2, 5-4 aux tirs au but).

A bientôt 80 ans, Plessis en a vu d'autres, "et notamment un 4-0 contre Dortmund" en 2003, en Coupe de l'UEFA (ancienne Ligue Europa). "Mais là, ça prenait aux tripes", admet le président, en larmes après la qualification face aux Rémois. En poste lors de la dernière période faste du club (1999-2008), avec deux trophées (Coupe de la Ligue 2004, Coupe de France 2007) et une régularité dans le haut de tableau de la Ligue 1, le dirigeant a accepté de revenir aux manettes à la mi-août avec son binôme historique, Pierre Wantiez.

"Que serait devenu le stade, les commerçants, les hôtels autour ?"

Sochaux, lâché par son actionnaire chinois Nenking avec un trou de 22 millions d'euros, s'apprêtait à mettre la clé sous la porte. Comprenez, à déposer le bilan et repartir, a minima, en National 3. La fin d'une lente agonie depuis la vente du club par Peugeot en 2014, sitôt la relégation – sportive – en Ligue 2 entérinée. Neuf ans en deuxième division plus tard, le FCSM était à l'article de la mort.

Le dépôt de bilan induisait alors la perte du centre de formation et des conséquences sociales dramatiques. "Que seraient devenus le stade, les commerçants, les hôtels autour ? On est déjà dans une ville un peu sinistrée", questionne Plessis sept mois plus tard. Ce n'est pas ce propriétaire d'une buvette, en pleine installation à la veille du match contre Rennes, qui le contredira : "Si le club déposait le bilan, c'était fini pour moi."

L'installation de la buvette devant le stade Bonal, à la veille du match contre Rennes en Coupe de France. (Elio Bono/Franceinfo: sport)

Supporters, entrepreneurs, gloires locales et élus ont alors avancé de concert pour tenter de garantir au club une place en N1, où la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) l'a rétrogradé le 22 juin malgré une 9e place en Ligue 2. Un premier plan de sauvetage, présenté par Romain Peugeot, a échoué début août. "On a lancé une levée de fonds fin juillet, et tenté de mobiliser des entreprises et d'anciens joueurs", se souvient la supportrice Léna Chatonnay, membre de l'association Sociochaux. Cette initiative proposait, moyennant une contribution minimale de 50 euros, de rentrer dans le capital du club via un modèle de socios répandu à Bastia. "Des gens se sont sacrifiés", témoigne Fabrice Lefèvre, président de l'association de supporters Planète Sochaux.

"On était au téléphone tous les jours. Pendant les vacances d'été, je ne pensais qu'à Sochaux", poursuit Léna Chatonnay. L'engouement est immense : 11 000 personnes répondent à l'appel, mobilisant un total de 800 000 euros. La somme, coquette, demeure pourtant insuffisante. C'est alors que Jean-Claude Plessis et Pierre Wantiez entrent en piste. "Il fallait deux catalyseurs, ils ont fédéré autour d'eux, retrace Fabrice Lefèvre. On ne peut qu'avoir confiance en eux."

"J'ai appelé Pierre, on s'est dit 'si tu y vas, j'y vais'", déroule Plessis, jusqu'alors retiré en Bretagne. Quinze ans après son départ, le tandem revient dans le Doubs et mobilise son réseau pour présenter un plan de reprise. En dix jours, ils convainquent 45 investisseurs locaux et obtiennent une subvention massive express des pouvoirs publics pour boucler le budget. Celui-ci est validé par la FFF, laquelle officialise le maintien du FC Sochaux-Montbéliard en National le 17 août.

Un cas unique d'actionnariat populaire

Le FCSM repart de zéro dans une division inconnue, qui a repris une semaine plus tôt. Il faut alors monter une équipe, démantelée avec la descente administrative. Le mélange de jeunes pousses du centre de formation et de briscards revanchards, concocté par le directeur sportif Julien Cordonnier et l'entraîneur Oswald Tanchot, s'avère payant.

Jean-Claude Plessis sous sa casquette de président du FC Sochaux-Montbéliard (Elio Bono/Franceinfo: sport)

Dans un championnat aux allures de traquenard, avec six descentes pour 18 équipes, de nombreux coûts structurels et peu de retombées économiques, l'objectif est alors de survivre. Mais les résultats suivent vite, si bien qu'à la mi-février, Sochaux n'est qu'à cinq points du deuxième, Martigues, avec un match en moins. Et parle ouvertement de remontée, laquelle serait bienvenue financièrement.

"On n'est pas encore sortis d'affaire, avoue Plessis. Si on reste en N1, il faudra serrer la ceinture." Le président n'en a pas fini dans sa quête d'actionnaires, nécessaires pour trouver les six millions d'euros manquants. "Le club est toujours en danger, mais le club vivra, poursuit-il. Les actionnaires sont des gens d’ici, ils allaient à Bonal quand ils étaient enfants. Ils font ça par philanthropie, pas par affaire financière."

Le FC Sochaux redevient AOC

Dans le nouveau conseil d'administration, une place est ainsi réservée aux Sociochaux, un cas unique en France. "On s'est mis la limite de ne jamais intervenir sur le sportif, on veut surtout s'assurer que la propriété respecte le FCSM", assure Léna Chatonnay. L'agglomération de Montbéliard dispose, elle aussi, d'un droit de regard. "On avait une opacité totale sous Nenking, déplore son vice-président Alexandre Gauthier. On savait qu'il y avait un déficit, mais pas à ce point. On nous a caché la vérité."

Fabrice Lefèvre, fondateur de l'association de supporters Planète Sochaux. (Elio Bono/Franceinfo: sport)

Plus que le nouvel élan sportif – somme toute relatif pour un club deux fois champion de France dans les années 1930 –, le peuple sochalien apprécie cette relocalisation du projet. "Chaque jour, les gens m'en parlent dans la rue, acquiesce Mecha Bazdarevic, ancien joueur et entraîneur du club. En Ligue 2, ils décrochaient." C'est qu'à Sochaux encore plus qu'ailleurs, un projet porté par des investisseurs hors du sérail est difficilement envisageable. "Même si Peugeot n’est plus là, Sochaux représente l’emblème sportif de la Franche-Comté, poursuit le supporter Fabrice Lefèvre. Aucun lieu ne rassemble autant que Bonal dans la région."

"Quand on part en vacances, les gens ne connaissent pas Montbéliard, mais Sochaux oui ! C'est un marqueur identitaire pour le territoire."

Alexandre Gauthier, adjoint à la mairie et à l'agglomération de Montbéliard

à franceinfo: sport

"Les meilleurs joueurs de l'histoire du club sont du coin ou ont été formés ici, poursuit Bazdarevic. Pedretti, Frau, Mathieu, Genghini..." Et l'ex-milieu de terrain bosnien, 308 matchs de 1987 à 1996, resté vivre dans la région, de poursuivre : "La ville vivait au rythme du club. Le président nous amenait voir les ouvriers de Peugeot, on vivait avec eux. Sochaux, c'est un club qui ne peut pas fonctionner à l'échelle nationale." 

Mecha Bazdarevic, ancien joueur et entraîneur du FC Sochaux-Montbéliard (Elio Bono/Franceinfo: sport)

Mecha Bazdarevic reste toutefois mesuré. "Le foot a énormément changé depuis. C'est compliqué économiquement : combien d'agglomérations comme la nôtre ont leur place en Ligue 1 ? Il faut du foot populaire, mais adapté à 2024." Fabrice Lefèvre est plus catégorique. "Sochaux a démontré qu'à l'ère du foot business, il existait une autre voie. Compliquée, mais elle existe", savoure-t-il. Le cœur des Lionceaux continue d'y battre.

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