Affaire Benzema-Valbuena : quelles conséquences pour l'équipe de France ?

Une nouvelle fois, un joueur de l'équipe de France fait les gros titres à la rubrique des faits divers. Karim Benzema a été mis en examen, jeudi 5 novembre, pour "complicité de tentative de chantage" dans l'affaire de la sextape de Mathieu Valbuena. Problème : à quelques mois de l'Euro 2016, la justice a interdit aux deux internationaux de se rencontrer.

Dans l'immédiat, la blessure de l'attaquant du Real Madrid aux ischios-jambiers arrange bien le sélectionneur Didier Deschamps, qui a évoqué ce motif sportif pour justifier sa décision de ne pas le retenir – tout comme Mathieu Valbuena – pour les matchs amicaux contre l'Angleterre et l'Allemagne. N'empêche, l'affaire va avoir des conséquences à terme pour le football français. 

Karim Benzema reviendra-t-il en sélection ? 

Probablement pas, si l'on applique à la lettre la charte de bonne conduite signée par les internationaux en 2013 : "Vos comportements, vos attitudes et vos propos, façonnent votre image relayée auprès du grand public par les médias, compagnons de route incontournables et indispensables. Par eux passe cette image, que vous renvoyez au pays tout entier : avec eux aussi, soyez pros." Le futur de Karim Benzema avec les Bleus s'est donc assombri. Didier Deschamps avait déclaré, lors de la présentation de ce document assez général appelant les joueurs à véhiculer des valeurs positives : "Il suffit qu’il y ait [un joueur fautif] pour mettre en difficulté l’ensemble. Si c’est le cas, il n’y a aucune chance qu’il revienne."

On peut néanmoins douter de la solidité du document, placardé dans toutes les chambres de Clairefontaine au format A4. Il s'agit de la troisième charte du genre depuis 2008. Il existe un précédent : deux joueurs mis en examen ont été déjà été rappelés en équipe de France. C'étaient Franck Ribéry et Karim Benzema, impliqué dans l'affaire Zahia, en juillet 2010.

A la différence que l'affaire n'opposait pas deux cadres de l'équipe. "J'ai le sentiment que les deux joueurs vont pâtir de cette affaire", estime Jérôme Jessel, auteur du livre Sexus Footballisticus. Benzema judiciairement, et Valbuena dans ses performances sportives. Les hommes politiques n'ont pas attendu que la justice se prononce pour délivrer leur jugement.

Après ses aveux, #Benzema ne doit plus jamais porter le maillot français.

— Robert Ménard (@RobertMenardFR) 5 Novembre 2015

Le Real Madrid dispose lui aussi d'un code de bonne conduite très strict. Si les faits étaient avérés, Karim Benzema pourrait voir son rôle de titulaire indiscutable à la pointe de l'attaque madrilène remis en cause.

L'image des Bleus est-elle dégradée à jamais ?

Les sondages d'opinion pointant une dégradation de l'image des Bleus auprès du grand public vont fleurir dans les prochains jours. L'opération séduction de l'équipe de France, qui avait porté ses fruits autour du Mondial brésilien en 2014, est réduite à néant. Va-t-on en revenir à la situation post-Knysna, où les sponsors des Bleus payaient des tarifs indexés sur la cote d'amour de la sélection ? "A chaque fois que l'on pourrait parler uniquement de foot, on est rattrapé par ce genre d'histoire. C'est désolant. Et ce sont toujours les mêmes", confie un cadre passablement agacé de la FFF au journal L'Equipe.

La communication des Bleus de Deschamps avait tellement bien fonctionné que la presse avait pratiquement passé sous silence l'opération punitive de l'agent de Karim Benzema, qui avait fait la tournée des boîtes de nuit avec un gros bras pour retrouver des journalistes de L'Equipe, coupables d'avoir sous-noté son poulain. 

La Fédération française de football envisage de se porter partie civile dans l'affaire Valbuena s'il avère que Benzema a bien incité son coéquipier en sélection à payer ses maîtres chanteurs dans l'enceinte de Clairefontaine.

Qui va payer ces scandales entourant le foot ?

"Cette succession d'affaires décrédibilise le foot en général, estime Gilles Dumas, président de l'agence Sportlab, spécialisée en communication par le sport. Benzema, ce n'est qu'une affaire de plus qu'on aura oubliée dans quelques mois. Les pots cassés seront payés par un club de Ligue 2, qui devait signer un partenariat avec un sponsor dans quelques jours, quand ledit sponsor aura changé d'avis à cause de la mauvaise image du football. L'affaire Platini fait en ce sens plus de dégâts que l'affaire Benzema, car il était vu comme un sauveur, quelqu'un capable de réformer ce sport."

Football qui pleure, rugby qui rit ? Le ballon ovale pourrait tirer les marrons du feu, sur le plan des audiences et des sponsors, fort de son image (fausse ?) de sport avec des vraies valeurs et où les joueurs ne trichent pas ? On en oublierait presque que le XV de France sort d'une Coupe du monde calamiteuse où il a été ridicule. "Le rugby s'est beaucoup mieux protégé que le foot, conclut Gilles Dumas. En terme de valeurs, c'est lui le sport refuge."