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Rugby : bagarres, alcool et scatologie, quand la troisième mi-temps tourne au cauchemar

Après le prochain match de la Coupe du monde au Japon, les joueurs iront sûrement fêter le résultat quel qu'il soit, au nom de la tradition. Un après-match présenté comme une institution du rugby, mais qui finit parfois très mal. Exemples.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Des joueurs de rugby entamant une troisième mi-temps, une institution du rugby qui tourne parfois au cauchemar. (JASON DEWEY / THE IMAGE BANK)

C'est un moment qu'affectionne tout rugbyman qui se respecte. Après s'être échangé coups, ruades et autres bourre-pifs, comme lors des matchs de la Coupe du monde qui a débuté vendredi 20 septembre et se termine samedi 2 novembre, les taquineurs de ballon ovale aiment prolonger les festivités autour d'une bonne table ou d'un comptoir. La troisième mi-temps est une institution du rugby, et représente en quelque sorte la messe de l'ovalie où sont célébrées les sacro-saintes valeurs de ce sport : camaraderie, générosité, soutien et esprit festif.

Pourtant, au milieu des innombrables récits de joyeuses paillardises, certaines histoires révèlent le côté moins reluisant de ces fêtes qui tournent parfois au vinaigre. A travers quelques-uns des "exploits" de célébrités ou d'anonymes, francetv info rappelle que tout n'est pas toujours rose pendant la troisième mi-temps.

Des fêtards sans manières

Il est parfois difficile d'attendre retenue et politesse de la part de quinze rugbymen décidé à "s'amuser". Comme le raconte Alain Gex dans Secrets de troisième mi-temps, l'équipe de France de rugby a choisi, en 1992, de prendre "quelques" verres au bar du Royal Monceau, un palace parisien. Le kiné des Bleus, un ancien joueur mélomane, reconnaît une silhouette familière accoudée au comptoir : Michel Polnareff. Il accoste le chanteur, alors en pleine déprime, et lui demande de jouer pour les Bleus, sur le piano du bar. Refus poli de l'artiste. Le barman intervient pour éloigner le rugbyman : "Me touche pas, sinon huit cents kilos de barbaque vont rappliquer et ta soirée sera cramée", lui répond le kiné.

Michel Polnareff, ici photographié en 2007 à Caen (Calvados). (MAXPPP)

Michel Polnareff rit jaune et finit par accepter de se mettre au piano. Il ne parviendra à se sortir de ce piège qu'au bout de vingt chansons, dont certaines massacrées par les joueurs. Et, au moment de s'éclipser, le chanteur manque de perdre une épaule, la main épaisse de Marc Cécillion le gratifiant d'une énorme ruade pour lui glisser en rigolant : "Je ne sais pas qui tu es, mais si tu passes à Bourgoin, appelle-moi, on va se marrer."

L'heure où l'on engrange les poings

C'est devenu un classique pour la presse quotidienne régionale. Le rugby n'est pas le seul sport concerné par les après-matchs qui finissent en pugilat, mais le monde ovale regorge d'histoires de dérapages violents. En 2011, à Biarritz, après une nuit consacrée à célébrer une victoire, trois rugbymen qui n'ont pas encore 20 ans en viennent aux mains avec trois autres jeunes à une station de taxi. Deux des joueurs distribuent coups et plaquages à tout va, sans retenue, brisant le crâne d'une des victimes qui s'en sortira avec un mois de paralysie faciale, comme le raconte Sud Ouest.

Parfois, derrière les bagarres, se cachent des célébrités. En 2002, à Pau, le pilier d'un club gallois agresse sexuellement une cliente d'un restaurant, provoquant une bagarre générale, comme le raconte La Dépêche du Midi. Gareth Thomas, alors capitaine du XV du Poireau, est convoqué devant le juge et condamné à 1 500 euros d'amende. Le pilier, lui, écope de six mois de prison avec sursis.

L'Angel Hotel de Cardiff (pays de Galles), lieu mythique de la troisième mi-temps des All Blacks. (FRANCK FIFE / AFP)

Certains coups de poing sont entrés dans la légende. En 1972, à Cardiff, la troisième mi-temps endiablée des All Blacks, qui viennent de battre les Gallois, tourne court : le pilier Keith Murdoch assomme un vigile dans le bar où se déroule la fête. Face au scandale rendu public, le joueur est banni de l'équipe à vie. Depuis, à chaque fois que les joueurs néo-zélandais viennent au pays de Galles, ils s'arrêtent boire une bière au bar du mythique Angel Hotel, comme pour un pèlerinage, explique France Bleu.

La blague qui tourne mal 

Au départ, il s'agissait d'égayer la soirée avec une bonne blague. Et puis tout a dérapé. C'est ce qui est arrivé en 2013 à un jeune rugbyman amateur de Bédarrides (Vaucluse). Lors de la fête d'après-match, il s'amuse à faire des allers-retours dans le monte-plat du club-house où se déroule la soirée. Sans surprise, il finit par y rester coincé, avant de s'en extraire avant l'arrivée des pompiers, comme le raconte La Provence

Marc Lièvremont aussi a brusquement cessé de rire un soir de défaite, en 1994, à Rennes. Parti en goguette avec cinq de ces coéquipiers bleus, celui qui est alors troisième ligne du XV de France n'en peut plus du "quidam éméché et lourdingue" qui les suit partout, comme il le raconte dans son livre Cadrages et débordements. L'ivrogne est empoigné par les six joueurs et jeté dans une poubelle, laquelle dévale la rue sous les rires des rugbymen.

Marc Lièvremont, l'ancien sélectionneur du XV de France, lors de la Coupe du monde de rugby 2011 en Nouvelle-Zélande. (FRANCK FIFE / AFP)

Mais, rapidement, le "quidam" est expulsé de la benne et sa tête heurte un trottoir. Fracture du crâne. La victime en réchappe et, quelques jours plus tard, les joueurs sont convoqués par la police. La diplomatie du rugby fédéral leur évitera des sanctions pénales, mais le joueur tenu comme responsable de la mauvaise blague a été suspendu à vie.

Avec l'alcool, la mêlée devient folle

La consommation d'alcool est impliquée dans la plupart des incidents graves survenus lors d'une troisième mi-temps. C'est ainsi que, quelques heures après un après-match particulièrement arrosé dans l'hôtel des joueurs à Cardiff, Andy Powell, troisième ligne du pays de Galles, a la bonne idée d'emprunter une voiturette de golf pour prendre l'autoroute et aller chercher un petit déjeuner. Rattrapé par la police, il souffle dans un éthylotest qui s'avère évidemment positif. Il écope d'une suspension de permis, d'une amende salée et voit sa carrière en sélection définitivement terminée, comme le détaille le Telegraph (en anglais).

Andy Powell, l'ex-troisième ligne du pays de Galles, le 2 mars 2010, jour de sa comparution devant un tribunal de Cardiff (pays de Galles) pour avoir roulé sur une autoroute à bord d'une voiturette de golf, en état d'ivresse. (REX FEATURES / REX / SIPA)

C'est aussi à la sortie d'une soirée où l'alcool a coulé à flots que Mike Tindall, ex-capitaine de l'équipe d'Angleterre, voit sa vie basculer. En pleine Coupe du monde en Nouvelle-Zélande, en 2011, le joueur flirte avec une jeune femme dans un bar d'Auckland. Sauf que Mike Tindall est alors marié avec Zara Phillips, petite-fille de la reine d'Angleterre, et qu'une vidéo de son incartade surgit rapidement sur le web. Il fait face au scandale, évite le divorce, mais est définitivement banni de l'équipe nationale.

En 1997, les joueurs de l'équipe de Brive, tout juste sacrée championne d'Europe, n'ont pas attendu leur retour en France pour lâcher les chevaux. Dans l'avion qui les ramène de Cardiff, le champagne coule à (très gros) flots, les joueurs se déchaînent et une hôtesse de Brit Air se voit rapidement bombardée de propositions indécentes, comme le raconte Libération. Montant des dégâts : 300 000 francs (environ 46 000 euros) et une grosse polémique que Patrick Sébastien, alors président du CA Brive, veut clore d'un trait d'humour en direct à la télévision : "Que celui qui n'a jamais péché nous jette la première bière."

Rugby : le retour chahuté des Brivistes champions d'Europe en 1997
Rugby : le retour chahuté des Brivistes champions d'Europe en 1997 Rugby : le retour chahuté des Brivistes champions d'Europe en 1997

Nudité, scatologie, rien n'arrête le mauvais goût

On touche là à un phénomène qui étonne souvent les profanes : il n'est pas rare de voir apparaître des corps dénudés lors des troisièmes mi-temps. Dans son ouvrage Etre rugby, l'anthropologue Anne Saouter décrypte cette tendance à exposer sa nudité comme le prolongement de la proximité des corps vécue pendant un match. "Ce qui était touché pendant le match était désérotisé, ce qui est dévoilé sous la douche ou en troisième mi-temps est banalisé."

La chercheuse prend pour exemple le très mouvementé retour en train des joueurs de Bègles, vainqueurs du championnat de France en 1991. Après une nuit de fête endiablée, les Béglais prolongent les hostilités dans le wagon bar. Arrivés à la gare de Bordeaux, où une foule innombrable attend les champions, l'un des héros sort du train, sur le quai, dans le plus simple appareil. Les images de l'époque sont rares, mais, dans cette vidéo, on voit clairement (à 7 minutes 40) que l'envie de se dévêtir taraude toujours certains joueurs.

Anne Saouter aborde ensuite un penchant plus rare, mais bien réel dans certaines troisièmes mi-temps particulièrement extrêmes. L'anthropologue interroge ainsi un rugbyman narrant l'histoire de joueurs de Lézignan (Aude) qui avaient poussé très loin leur goût pour la scatologie : "Ils avaient fait le pari de bouffer du cassoulet pendant que leurs copains chieraient sur la table. Ils se sont mis dans une vieille baraque où le plafond était crevé et les autres chiaient de là-haut. (...) Eh ben, ils l'ont mangé leur cassoulet et ils ont gagné !"

Ces débordements extrêmes appartiennent aujourd'hui à un mythe, car les fêtes orgiaques et débridées se font de plus en plus rares. "Les joueurs boivent moins et rentrent plus tôt chez eux", témoigne Bernard Laporte, le coach du RC Toulon. "Il leur faut récupérer, s'entraîner dès le lendemain, ce qui n'était pas forcément le cas à mon époque", poursuit l'ancien demi de mêlée de Bègles dans son livre Petites histoires secrètes du rugby.

Et puis l'apparition des réseaux sociaux expose n'importe quel rugbyman, amateur comme professionnel, à une révélation immédiate d'une soirée trop arrosée. Provoquant quelques regrets chez les nostalgiques du temps béni des paillardises : "Dans le bus, maintenant, les joueurs ont le nez dans leur portable tout le temps, ils ne se parlent plus autant, regrettait Denis Navizet, alors qu'il était manager de Montpellier en 2011, sur Rue89. On va peut-être vers une virtualisation de la troisième mi-temps. Je n’espère pas, mais bon…"

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