Betclic Elite : visibilité, compétitivité... L'argent de Tokyo pour enfin faire décoller le championnat de France ?
Le championnat de France masculin de basket reprend vendredi, quelques semaines après la médaille d'argent des Bleus aux Jeux olympiques de Tokyo.
L'euphorie de Tokyo est à peine digérée que le basket français doit passer au jour d'après. Les équipes nationales ont brillé sur la plus grande scène du monde de la balle orange, les Jeux olympiques. Après l'argent estival, les joueurs de l'équipe de France masculine ont retrouvé le chemin de leurs clubs à défaut de prendre celui de l'Hexagone. Aucun homme de Vincent Collet au Japon ne sera sur les parquets du championnat de France cette saison. Mais le sélectionneur national a retrouvé un banc en Betclic Elite, chez les Metropolitans de Boulogne-Levallois. Et c'est tout le championnat qui espère surfer sur la vague nippone.
Les raisons d'y croire sont bien là, l'opportunité aussi. L'aventure olympique des Bleus a fait frémir le public, notamment après la victoire contre Team USA en début de compétition. Les clubs français, eux, grandissent à l'image du titre glané en Eurocoupe par Monaco la saison dernière. La Roca Team rejoint cette saison l'ASVEL en Euroligue, et six ans après, le Championnat de France retrouve deux clubs dans la plus prestigieuse compétition européenne de clubs. La formation du Rocher s'est donnée les moyens de ne pas y faire de la figuration avec un recrutement triple XL comme celui de Mike James, meneur américain sur le podium des meilleurs marqueurs de la C1 ces trois dernières saisons et nouveau plus gros salaire de l'histoire du championnat (plus d'un millions d'euros annuels selon nos informations).
Outre Monaco, la venue de nombreux joueurs d'outre-Atlantique (Donte Cunningham au Mans, Kyle O'Quinn chez l'ambitieux projet du promu Paris, Jordan McCrae à Levallois ou encore Kostas Antetokounmpo, frère du double MVP Giannis Antetokounmpo, à l'ASVEL), ou encore le retour d'internationaux français au bercail (Elie Okobo, Yakuba Ouattara…) font du plateau 2021-2022 un des plus élevés et denses depuis près de 20 ans en France. "On nous avait prévu pour le début de la saison une catastrophe globale, et aujourd'hui on nous dit que c'est le championnat le plus performant de l'histoire de la LNB", ironise Alain Béral, président de la Ligue Nationale de Basket.
Le championnat le plus relevé depuis des années
— LNB (@LNBofficiel) September 26, 2021
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L'après-Tokyo donne de fous espoirs de voir les joutes nationales gagner en visibilité, voire en crédibilité aux yeux du public français. Des aspirations comme le basket français en a déjà connues pour son championnat. La question de l'après-JO vient rappeler une réalité plus contrastée et des souvenirs frustrants : ceux des Jeux de Sydney en 2000 et d'un tournant que la Pro A d'alors n'avait jamais pris. Avec l'argent inattendu glané en Australie, le championnat avait rêvé de quitter son image contrastée de deuxième sport collectif en termes de licenciés en France, mais de discipline de clochers en comparaison du football ou du rugby, qui remplissent les stades et attirent les téléspectateurs.
Après Sydney, le coup d'arrêt
Tout était pourtant réuni pour lui faire quitter sa sphère étriquée : des breloques en veux-tu, en voilà avec de nombreux internationaux évoluant encore au pays, une nouvelle génération exceptionnelle menée par un certain Tony Parker, qui venait juste de terminer sa première saison chez les professionnels. Le basket français ne le savait pas encore, mais il s'apprêtait à vivre ses plus belles années. Pendant ce temps, sa compétition phare allait, elle, péricliter.
Pendant que son équipe nationale devient un formidable étendard, la Pro A voit ses clubs historiques sombrer tant économiquement – à la manière du CSP Limoges contraint au dépôt de bilan en 2004 – que sportivement (Pau-Orthez, Antibes, Paris). Entre 2003 et 2014, onze champions différents se succèdent, dont cinq bizuths. Un bel exemple de renouvellement, mais surtout d'instabilité de résultats.
"2000 et l'arrêt Bosman, ça avait été le point de départ de l'exode des joueurs français", explique Pascal Legendre, rédacteur en chef du site Basket Europe, et directeur de la publication de Maxi Basket, magazine référence dans les années 90-2000. Mis en lumière par leur parcours en Australie, les joueurs français allaient profiter, comme les footballeurs, de l'ouverture des frontières au sein de la communauté européenne. Une conséquence de l'arrêt Bosman du nom de ce footballeur belge qui avait n'avait pas pu rejoindre Dunkerque à cause des quotas de nationalité en vigueur dans le sport. Son recours historique devant la cour de justice des communautés européennes allait libérer la circulation des joueurs en Europe. Cet évènement a marqué la fin des équipes à forte identité nationale pour des clubs plus cosmopolites.
Arrêt Bosman ou manque de moyens tout court, les raisons de ce déclin sont aussi nombreuses que la recherche d'un coupable n'est vaine. Mais le déclassement du basket français de clubs est réel. "La différence par rapport à 2000, c'est qu'il n'y avait pas les réseaux sociaux, pas de communication comme il peut y en avoir aujourd'hui, souligne Alain Béral. Nous avons des joueurs qui brillent en NBA; leurs origines, ils les puisent dans notre championnat et ils le revendiquent."
"On veut stariser nos joueurs"
Alain Béral, président de la Ligue Nationale de basketà Franceinfo sport
Pascal Legendre soulève un autre constat. Et une source de plus de se méfier d'un nouvel élan qui profiterait au basket français, mais pas à son championnat, comme au début du siècle. "A Sydney, l'équipe de France a une chance folle, un concours de circonstances incroyable, pour arriver en finale. A l'époque, on n'avait pas de joueurs en NBA, presque tous les joueurs étaient issus du championnat de France. Aujourd'hui, aucun n'évolue ici. Cela sert surtout à la promotion de la NBA en France. Cela ne choque pas les jeunes générations, parce que ça a fait partie de leur éducation au basket en France. Moi, ça me sidère."
Le nouvel étendard de l'avenir du basket tricolore a déjà lui aussi le regard de l'autre côté de l'Atlantique. Il porte désormais le nom de Victor Wembanyama, âgé de 17 ans, recruté par Tony Parker à l'ASVEL pour découvrir le plus haut niveau européen avant de s'envoler vers la NBA. Et derrière l'intérieur prodige, le plus grand potentiel de l'histoire du basket français, c'est toute une promotion U19 de haute volée qui va, petit à petit, débarquer sur les terrains du championnat, quelques semaines après avoir échoué en finale de la Coupe du monde de deux petits points. "On travaille pour que l'on puisse expliquer au public que faire médaille d'argent aux JO et aux Championnats du monde U19 en un été, ce n'est pas une anecdote, insiste Alain Béral. On veut stariser nos joueurs, comme ce que fait la NBA."
Reste à transformer ces promesses en curiosité mais aussi à savoir où et comment les montrer. Si la Ligue tente ces derniers mois de gagner de l'espace sur les réseaux sociaux, celui à la télévision peine à gagner en clarté malgré des matches en clair depuis la saison dernière. Jusqu'à lundi, nul ne pouvait affirmer où il allait être possible de visionner les rencontres, qui reviennent sur Sport en France une fois par semaine, les antennes régionales de France 3 et gratuitement sur le site de la Ligue, lnb.fr. Un partenariat avec un diffuseur payant est encore en discussion, alors que le championnat va débuter.
"Après Sydney, le basket était passé de Pathé Sport à TPS Star, qui était déjà hyper confidentiel, se remémore Pascal Legendre. Et les réseaux sociaux doivent être un complément à la diffusion TV."
A ce sujet, on s'agace un peu au sein des instances du basket français. "Les championnats de la LNB n'ont jamais été autant diffusés que cette année et l'année dernière, tempère Alain Béral. Les droits TV, ce n'est pas la diffusion. Il n'y a rien qui fasse toute la différence. En 2000, il y avait un diffuseur qui avait un match par semaine. Aujourd'hui, les fans de basket ont tous les matches diffusés en direct et avec commentaires. On a des conditions d'exposition meilleures qu'en 2000 et qui peuvent nous permettre de faire le boulot. Les gens accrocheront ou non. Mais ce ne sera pas une question de résultats, ils sont là, ni de diffusion, puisqu'elle est là aussi."
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L'Elite, désormais sponsorisée par le site de paris Betclic – un nouveau changement d'identité qui n'a pas non plus aidé à fidéliser un public – a des ambitions, et s'impose un plan de marche pour ne pas revivre ses échecs passés.
"La fidélité des joueurs, l'identité, c'est un problème effectivement, acquiesce Alain Béral. On ne peut pas empêcher les joueurs de changer de clubs et surtout de ligue. On peut favoriser, ou défavoriser des choses. On a un projet qui est sur la table, qui est en discussion sur ce sujet-là, qui est majeur pour les années à venir." "Ca pousse quand même, se réjouit pour sa part Pascal Legendre. Et encore plus avec l'effet Paris 2024. Si un club parisien tient, dans une grosse salle, ce sera plus fort encore. Surtout si Paris vient à jouer l'Euroligue, le public parisien par exemple viendra à la salle et suivra." L'alignement des planètes est trop parfait pour ne pas tenter de décoller.
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