Sports automobiles : nouvelles écuries, concerts et série documentaire… Comment l'endurance rêve de séduire autant que la Formule 1
Dans l'ombre de la Formule 1, le championnat d'endurance va-t-il confirmer sa renaissance ? La 12e saison du WEC, pour World endurance championship, débute samedi 24 février par un prologue au Qatar. Cette compétition de sport automobile "s'oppose" aux courses dites de sprint qui durent généralement moins de deux heures. Elle fait concourir pilotes et véhicules sur des durées variées, de la plus courte pendant six heures à la plus longue et la plus légendaire, les 24 heures du Mans.
Cette course mythique dans le cœur des passionnés de sport automobile a pulvérisé son record de fréquentation pour ses 100 ans en 2023 avec 325 000 spectateurs. "C'est un événement très particulier parce qu'il y a effectivement la course, mais c'est aussi une grande fête populaire", explique Pierre Fillon, président de l'Automobile club de l'Ouest (ACO) qui organise la course. "On ne vient pas au Mans juste pour voir la course mais aussi pour vivre une expérience pendant quatre ou cinq jours." Les détenteurs d'un billet pouvaient en effet accéder notamment à une fête foraine et à de nombreux concerts.
En 2024, les spectateurs pourront danser sur Louise Attaque, Bigflo et Oli, Offenbach ou Simple Minds. Ce format de la célèbre course d'endurance automobile sarthoise, entre compétition sportive et événement festif, séduit un public populaire et familial. La prochaine édition des 15 et 16 juin est déjà à guichets fermés pour le week-end de la course. Les plus de 300 000 tickets se sont écoulés à la mi-novembre en moins de 48 heures. Cette année, "sur la semaine, si les essais sont à guichets fermés on battra notre record de fréquentation", espère Pierre Fillon.
Un changement de réglementation
De son côté, le WEC lui aussi organisé aussi par l'Automobile club de l'Ouest, connaît le même engouement. "Il y a eu de magnifiques surprises en 2023, rappelle Frédéric Léquien, à la tête du WEC. Je pense notamment à l'épreuve qui a eu lieu à Spa-Francorchamps, en Belgique, au mois de mai 2023, où on a accueilli presque 80 000 personnes. Juste après Le Mans, nous étions à Monza, à côté de Milan. Sur ce circuit mythique, on a fait 70 000 à 80 000 spectateurs."
L'endurance automobile revient pourtant de loin. Après des années de tensions avec les instances internationales de la Fédération internationale de l'automobile (FIA) qui voulaient dans les années 1990 favoriser la Formule 1, la compétition renoue avec le succès. Le renouveau a commencé en attirant les grands constructeurs qui s'étaient désengagés au fil des ans.
En plus des historiques Toyota et Porsche, les constructeurs Ferrari, Cadillac et Peugeot poursuivent notamment cette année dans la catégorie reine, appelée Hypercar. Elles sont rejointes en 2024 par BMW, Alpine et Lamborghini.
"Tout part d'un bon règlement. Dominé par quelques écuries, le championnat a notamment mis en place des restrictions pour abaisser le coût de la compétition et assurer l'équité sportive."
Frédéric Léquien, directeur du WECà franceinfo
Cette limitation du budget s'articule avec un système dit de balance des performances (BOP), pour mettre sur un pied d'égalité les différentes voitures en ajustant leur poids et leur puissance. Ce règlement est critiqué mais les écuries ne peuvent pas l'évoquer. Le but est d'éviter une trop forte domination mais cela n'a pas empêché Toyota, constructeur historique de l'endurance, de dominer le championnat d'Hypercar en 2023.
En revanche, l'écurie japonaise avait subi la BOP lors des 24 heures du Mans. Ferrari avait remporté une victoire historique, 50 ans après sa dernière participation à la course mancelle. "La balance des performances ne fausse pas la compétition, assure Frédéric Lequien. À la fin, c'est le meilleur qui gagne. C'est à travers un règlement technique, une homologation des voitures, qu'on s'assure que la totalité des constructeurs sont dans la même fenêtre de performance. Ce qui permet justement d'éviter les explosions en termes de coûts."
"Je dis merci à Netflix"
De nouveaux constructeurs et un nouveau public. "En 2023, il y avait 21% des spectateurs qui avaient moins de 18 ans, explique Pierre Fillon. C'est un excellent signe pour l'avenir car ce sont les futurs spectateurs." Au-delà d'un engouement pour le sport automobile en général depuis quelques années, le président de l'Automobile club de l'Ouest souligne l'influence du Grand Prix Explorer, qui a eu lieu au Mans sur le circuit Bugatti.
Le WEC profite aussi de la bonne forme de la Formule 1 portée par la série diffusée sur Netflix Drive to survive - Pilotes de leur destin. "Je dis merci à Netflix par rapport à la Formule 1, réagit Pierre Fillon. Le public veut voir une course mais aussi voir des histoires humaines. Ce qui est intéressant, c'est la vie des pilotes, les challenges entre eux et les bagarres sur la piste entre les teams."
"La série Netflix a montré qu'on pouvait aller chercher un public beaucoup plus large, au-delà des fans de sport automobile, à travers des histoires qui nous touchent, sur la personnalité des pilotes ou sur ce qui se passe dans un paddock."
Frédéric Léquien, directeur du WECà franceinfo
Une série sur le championnat du monde d’endurance, à l'instar de la production Netflix, est cependant en préparation, a confirmé le président de l'Automobile club de l'Ouest Pierre Fillon. "On a déjà un produit qui s'appelle le 'WEC full acces' disponible sur Youtube et qui montre les coulisses de nos courses, explique président de l'Automobile club de l'Ouest . Et c'est avec cette idée là sans que l'on va voir les diffuseurs avec l'envie de refaire une série." On ne connaît pas encore de date de diffusion ni la plateforme qui pourrait l'accueillir.
Mais si la Formule 1 a sa série à succès, l'endurance a ses films : le fameux Le Mans avec Steve McQueen et plus recemment Le Mans 66, sorti en 2019 avec Christian Bale et Matt Damon, a attiré un public américain vers les 24 heures du Mans. "La notion de patrimoine est extrêmement importanteL'endurance a une histoire extrêmement riche et c'est vrai qu'on surfe aussi sur notre passé", souligne Frédéric Lequien. Une grande histoire qui espère séduire de plus en plus de passionnés.
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