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Roland-Garros 2021 : Barbora Krejcikova, l’avènement tardif d’un talent précoce

La Tchèque a remporté samedi son premier titre du Grand Chelem face à Anastasia Pavlyuchenkova.

Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Barbora Krejcikova a remporté l'édition 2021 de Roland-Garros. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

On ne vous fera pas le coup du passage de relais entre les générations. Mais difficile de ne pas voir une certaine filiation lorsque Martina Navratilova, 18 Grands Chelems au compteur, a remis le trophée de la championne du simple dames à Barbora Krejcikova, dimanche. Née en ex-Tchécoslovaquie avant d'être naturalisée Américaine pour asile politique en 1981, Navratilova ne pouvait s'empêcher d'avoir un regard attendri pour la Tchèque, qui a remporté samedi à 25 ans le premier Grand Chelem de sa carrière.

Krejcikova, c'est l'histoire d'une jeune fille née en 1995, juste après la fracture de l'ex-Tchécoslovaquie en 1992, dans la ville de Brno, en Moravie. Pas le lieu idoine pour développer rapidement des facultés tennistiques, ni le moule d'une usine à champions. "Quand j'étais petite, j'ai grandi dans une petite ville où nous n'avions pas de coachs professionnels. Nous étions simplement là pour nous amuser. J'arrivais sur le court et je passais juste du bon temps. Je n'aurais jamais pensé que j'allais un jour passer professionnelle", se rappelait la nouvelle reine de Roland-Garros pendant le tournoi.

Les meilleurs moments de la finale dames Barbora Krejcikova - Anastasia Pavlyuchenkova
Les meilleurs moments de la finale dames Barbora Krejcikova - Anastasia Pavlyuchenkova Les meilleurs moments de la finale dames Barbora Krejcikova - Anastasia Pavlyuchenkova

Une carrière d'abord forgée en double

Ce n'est qu'à l'approche de sa majorité que Krejcikova a fait basculer le plaisir du court en objectif de vie, et bien lui en a pris. Sacrée dimanche en simple, devenant la 7e joueuse de l'ère Open non-tête de série à remporter un Grand Chelem et la troisième à Roland-Garros (après Jelena Ostapenko en 2017 et Iga Swiatek en 2020), Krejcikova n'avait pourtant aucune référence probante en Majeur avant son huitième de finale à Paris en 2020, pour sa, seulement, deuxième participation à un tableau principal en simple. La Tchèque s'est forgée en double, à l'ombre des lumières des simples. "Jouer plein de doubles et de double mixtes, jouer sur ces grands courts et ces grands stades, je crois que c'est qui m'aide en simple aujourd'hui. Le double a énormément aidé ma carrière en simple", explique la Tchèque. 

Avec neuf titres en duo, dont deux titres en Grand Chelem en double dames avec Katerina Siniakova (Roland-Garros et Wimbledon 2018) et trois titres en double mixte avec Rajeev Ram (Open d'Australie 2019 et 2021) et Nikola Mektic (Open d'Australie 2020), Krejcikova s'est forgé une grosse expérience des grands rendez-vous, sans doute plus d'ailleurs qu'Anastasia Pavlyuchenkova, de quatre ans son aînée et 52 participations en Grand Chelem en simple au compteur, mais aucune demi-finale. Une capacité à gérer les moments-clés qui lui a servi samedi, lorsqu'elle a vu la Russe revenir à un set partout.

Sans solution dans le jeu à ce moment-là, la Tchèque a fait le dos rond, avant de finalement l'emporter. Mais ce sacre n'a rien d'une fin en soi pour Krejcikova. Il n'est que l'aboutissement d'un plaisir de jeu retrouvé au tournoi de Strasbourg le 24 mai dernier, qu'elle a remporté, en enchaînant donc avec Roland-Garros, soit douze victoires de suite. "J'ai déjà tant accompli selon moi que le reste, c'est juste du plaisir. Juste faire de mon mieux, jouer chaque balle. Prendre du plaisir, c'est indispensable car c'est comme ca que je joue le mieux", répète-elle comme un sacerdoce, tranchant avec l'ultra-compétitivité de certaines joueuses.

Novotna, plus qu'un héritage

Si Navratilova, tout comme Jan Kodes, le vainqueur des éditions 1970 et 1971 de Roland-Garros, font partie intégrante de l'histoire du tennis tchèque dont s'est nourrie Krejcikova, aucun des deux n'approche la puissance de l'héritage de Jana Novotna pour la jeune Tchèque : également née à Brno, en 1968, également sacrée de nombreuses fois en double (16 titres en double dames et mixte), et donc également sacrée une fois en simple (à Wimbledon 1998), comme Krejcikova depuis ce samedi.

Disparue des suites d'un cancer en 2017, Novotna a posé une empreinte indélébile sur sa protégée. "Je n'arrive pas à réaliser que je viens de gagner un Grand Chelem. Tout ce qui s'est passé durant ces deux semaines est en grande partie grâce à elle, j'espère qu'elle est fière de moi en haut", a répété, émue, la gagnante samedi. "C'est ma maman, elle m'a donné la force d'aller sonner à la porte de Jana Novotna pour obtenir des conseils, et je ne la remercierai jamais assez pour cela", a-t-elle complété sur le podium.

Le sacre de Barbora Krejcikova
Le sacre de Barbora Krejcikova Le sacre de Barbora Krejcikova

Après son quart de finale face à Cori Gauff, la Tchèque tenait déjà à remercier publiquement celle qui l'a accompagnée dès son plus jeune âge, décelant un potentiel pour éclore au plus haut niveau. "Elle m'a toujours accompagnée, elle me manque beaucoup et je veux la remercier. Car c'est grâce à elle que je suis ici et c'est important de le dire haut et fort", clamait-elle.

Première Tchèque à remporter les Internationaux de France depuis Hana Mandlikova en 1981, Barbora Krejcikova est seulement la deuxième à y inscrire son nom dans l'ère Open. Elle qui dit ne pas vouloir être cataloguée comme "une joueuse de double" en a fini avec les simples pour cette édition, et de manière plutôt convaincante. Mais il lui reste une autre finale dimanche : celle du double dames, bien sûr.

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