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Les auteurs prennent la plume et le crayon pour plaider l'ouverture des librairies en temps de reconfinement

Le "click and collect" ne suffit pas, déplorent les libraires, soutenus par les auteurs, qui s'expriment à travers textes et dessins. 

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6 min
L'écrivain Sylvain Tesson devant la Librairie des Abbesses à Paris, pour le lancement de l'opération "Rallumez les feux de nos librairies", le 2 novembre 2020 (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

La fermeture des librairies dans le cadre du second confinement a provoqué la colère des libraires et de tous les acteurs de la chaîne du livre. L'appel lancé par le Syndicat national de l’édition (SNE), le Conseil Permanent des Ecrivains (CPE) et le Syndicat de la Librairie Française (SLF) juste avant l'intervention d'Emmanuel Macron le 28 octobre, pour demander de "laisser les librairies ouvertes", n'a pas été entendu. 

Depuis, une pétition a été lancée. Les libraires s'organisent mais ils estiment que le "Click and collect" ne suffit pas. "Pendant le premier confinement, il a représenté peut-être 10 à 15% de chiffre d'affaires par rapport à notre activité normale", estime Michaël Jay, directeur de la librairie Lacoste à Mont-de-Marsan. "Cela mobilise autant de personnes que si le magasin est ouvert. On le fait parce que ça permet de garder le lien, parce qu'on apporte un service aux gens qui nous font confiance. Et que c'est aussi de la communication", ajoute-t-il, interrogé par l'AFP. L'annonce lundi 1er novembre par la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, de la baisse des tarifs postaux pour les envois des librairies, n'a pas convaincu. 

Les libraires peuvent en tous cas compter sur les romanciers, les auteurs de BD ou les écrivains pour la jeunesse, qui s'expriment à travers textes et dessins pour défendre la réouverture des librairies, et l'accès aux livres, qu'ils considèrent comme des "biens de première nécessité"

Un collectif écrit au président de la République

Une lettre adressée au président de la République Emmanuel Macron, a été publiée par le journal Le Monde le 30 octobre 2020, signée par 250 personnalités de la chaîne du livre, et plus généralement du monde de la culture. On peut noter la présence de nombreuses signatures d'auteurs, comme le Nobel Patrick Modiano, l'auteur de BD Enki Bilal, les écrivains Tahar Ben Jelloun, Annie Ernaux, Maylis de Kerangal, Pierre Lamaitre, ou encore l'auteur pour la jeunesse Timothée de Fombelle. 

"La librairie est un lieu sûr", plaident les signataires. "Que toutes les librairies soient contraintes de fermer est totalement incompréhensible", souligne le collectif, rappelant que les livres sont "un des plus efficaces remparts contre l’ignorance et l’intolérance". "Nous tous, libraires, éditeurs, écrivains, lecteurs sommes prêts à assumer nos responsabilités culturelles et sanitaires. Ouvrir toutes les librairies, comme toutes les bibliothèques, c’est faire le choix de la culture. C’est un choix citoyen"défendent-ils. 

Philippe Claudel invite les libraires à "désobéir"

L'écrivain Philippe Claudel, signataire de la lettre au président de la République et membre de l'Académie Goncourt, en remet une couche en invitant les libraires à "désobéir" dans une tribune publiée par le magazine professionnel Livres Hebdo.  Stock, l'éditeur de Philippe Claudel, a précisé à l'AFP qu'il allait "reverser les droits de son dernier livre (Fantaisie allemande, 2020) aux libraires". 

L'appel lancé par Philippe Claudel dans les colonnes du magazine Livres Hebdo, 1er novembre 2020 (Livres Hebbo)

Serge Joncour, Prix Femina 2020 : "Une joie blessée, insavourable"

"Je reçois un prix prestigieux alors qu’on ne peut plus vendre de livres. J’ai beaucoup d’imagination mais ça, je ne pouvais pas le concevoir"; a confié Serge Joncour à Franceinfo hier lundi 2 novembre alors qu'il venait de recevoir le prix Femina pour son roman Nature humaine (Flammarion)

Le romancier s'était déjà exprimé sur son compte Twitter, déplorant que la décision de "fermer les librairies en temps de confinement, c'est de l'assignation à ignorance". L'écrivain estime que "Lire c'est voir le monde via mille regards." 

Claude Ponti : "Ouvrez les librairies et fermez-la! Foutriquets"

L'auteur pour la jeunesse Claude Ponti adresse sur Twitter une "Lettre ouverte aux esprits fermés". "Sans livres, vous seriez incultes, vous ne sauriez même pas à quel point vous n'êtes rien qu'un peu de pas grand chose. La culture vous a nourris. Ouvrez les librairies et fermez la! Foutriquets".

Riad Sattouf lève la main pour l'ouverture des librairies

L'auteur de L'Arabe du futur, dont le cinquième tome sort le 5 novembre, et des Cahiers d'Esther, a publié dès l'annonce du reconfinement, ce dessin, largement relayé et partagé sur les réseaux sociaux.

Maxime Chattam : caviste ouvert, librairie fermée, "le symbole est fort"

L'écrivain Maxime Chattam s'interroge sur le choix du gouvernement d'autoriser les commerces qui vendent de l'alcool à rester ouverts pendant le confinement, tandis que les libraires sont contraints à la fermeture administrative. 

Joann Sfar : "Sans librairie, je n'arrive pas à penser"

L'auteur du Chat du rabbin a largement commenté l'actualité liée à la fermeture des librairies.

Démission de quatre parrains de l'année de la BD

Florence Cestac, Catherine Meurisse, Régis Loisel et Jul, quatre parrains de l'"année de la BD", organisée par le ministère de la Culture, ont démissionné collectivement pour dénoncer "l'incohérence et les contradictions des choix politiques" du gouvernement "à l'égard de la culture" à l'occasion du reconfinement.  

"Cette manifestation officielle ne s'apparentant plus désormais qu'à une mascarade vidée de son sens, nous ne prendrons désormais plus part à aucune responsabilité en lien avec ces célébrations", écrivent les quatre auteurs.

Sylvain Tesson rallume "les feux de nos librairies"

Invité lundi 1er novembre dans la librairie de Marie-Rose Guarnieri, (librairie des Abbesses à Paris), l'auteur de La panthère des neiges a participé à l'opération "Rallumez les feux de nos librairies". Chaque jour des écrivains se rendront dans une librairie pour rallumer symboliquement ses lumières. Sylvain Tesson a inauguré l'opération en allumant les lumières de ce petit commerce de Montmartre. Il a ensuite expliqué à la presse son incompréhension face aux mesures sanitaires qui interdisent aux librairies de fonctionner normalement : "Les librairies n'étaient pas vraiment un foyer d'infection putride qu'il faudrait fermer"

"Je me propose de faire signer mes livres pour la Noël, et éventuellement d'aller les porter, dans le périmètre naturellement imparti. Après avoir mis ma muselière et m'être désinfecté les mains avec de la vodka de Biélorussie, j'irai porter mes exemplaires et ceux des autres, dans le quartier, le voisinage", a-t-il plaisanté. 

"Les hommes politiques se gargarisaient beaucoup de l'idée que la France était une nation avec une exception littéraire, qu'elle était une sorte de fille aînée de la lecture et de la librairie. Tout à coup on s'aperçoit que tout ça n'était que du vent", a conclu Sylvain Tesson. 

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