"MBS : l’enfant terrible d’Arabie saoudite", voyage en BD au bout de la mégalomanie du prince héritier
Un bémol, d’abord. Le dessin hésitant, quelques fois approximatif, est un peu perturbant. Il est souvent difficile de reconnaître les personnages cités dans ce roman graphique MBS : l’enfant terrible d’Arabie saoudite (Les Escales), tant les traits sont difficilement identifiables. Une fois cette gêne surmontée, assez vite d’ailleurs, la lecture devient passionnante et fluide. Les auteurs, Antoine Vitkine et Christophe Girard, nous plongent dans la vie rocambolesque d’un enfant gâté qui deviendra un personnage central au Moyen-Orient.
La politique du chéquier
La BD s’ouvre sur la guerre en Ukraine. Sur une route de Kiev, un char russe est détruit par un soldat ukrainien. Et sur un yacht, barbotant dans une piscine circulaire, Mohammed Ben Salmane Ben Abdelaziz Al Saoud, dit MBS, propose par téléphone au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de servir d’intermédiaire entre les présidents Poutine et Zelensky. Le diplomate onusien écourte la discussion et raccroche. "Cette bouderie occidentale n’a que trop duré", affirme le prince héritier. Quelle autre meilleure manière de commencer une œuvre sur un personnage hors norme ? Désinvolte, sûr de son bon droit, et avec cette arrogance que seule la richesse procure, MBS se moque des réactions de l’Occident après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie. Il a le chéquier facile pour provoquer une amnésie sélective.
Tu seras roi, mon fils
L’homme se rêvait en despote éclairé, un réformateur qui propulsera, de gré ou de force, son pays dans la modernité. Rompu à la realpolitik, il a organisé des concerts mixtes, autorisé les femmes à conduire et mis au pas la police des mœurs tout en sévissant férocement contre l’opposition. L’ouvrage fourmille d’anecdotes.
Comme ce dialogue entre le père et le fils dans un avion. Nous sommes au lendemain du 11 septembre 2001, la monarchie saoudienne tremble puis constate avec soulagement que Washington a préféré s’en prendre à l’Irak et non à elle, pourtant pourvoyeuse de la majorité des terroristes. "J’ai peur de ce qui va suivre, mon fils. Les Américains ne comprennent rien au Moyen-Orient. Dès mon accession au trône, il faudra réformer notre pays. Avec ton aide, nous mettrons au pas les religieux. Sinon, ils finiront par prendre le pouvoir", tranche le père de MBS, actuel roi de l’Arabie saoudite.
Devenu infréquentable après l’affaire Khashoggi, MBS est sorti de l’oubli après la longue parenthèse du Covid. Avec la guerre en Ukraine, l’Arabie saoudite est devenue incontournable pour desserrer la pression sur le pétrole. MBS est à nouveau, ouvertement et de façon assumée, courtisé. Les capitales européennes lui ouvrent en grand leurs portes. À seulement 37 ans, le futur roi de Riyad a l’avenir devant lui. Et les moyens de ses ambitions. MBS : l’enfant terrible d’Arabie saoudite est une BD fort instructive, elle donne à comprendre un personnage appelé à jouer un grand rôle dans les prochaines années.
("MBS : l’enfant terrible d’Arabie saoudite", Les Escales, 20 euros)
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