Cet article date de plus de deux ans.

Coupe du monde 2022 : entre le Maroc et l'Espagne, il y a plus que du sport en jeu sur le terrain

Entre communauté marocaine très présente en Espagne, contentieux autour des enclaves de Ceuta et Melilla, cette rencontre du Mondial dépasse le cadre purement sportif. Chaque jour dans le monde est foot, Jean-Marc Four donne un coup de projecteur sur les liens entre politique et ballon rond.
Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les joueurs marocains célèbrent leur qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde Qatar 2022 à Doha, le 1er décembre 2022 (ANTONIN THUILLIER / AFP)

Le Maroc et l’Espagne seront face à face mardi 6 décembre dans l'après-midi en huitièmes de finale de la Coupe du monde. Encore un match à forte dimension politique. Pour des tas de raisons. C’est sans doute le match le plus politique de ces huitièmes de finale.

>>> Coupe du monde 2022 : Infos, buts, résultats... Suivez les derniers développements du Mondial dans notre direct 

Premier facteur, la très importante communauté marocaine en Espagne. Entre 800 000 et 900 000 personnes. C’est la première communauté étrangère chez nos voisins. Cela se retrouve aussi chez les joueurs de l’équipe du Maroc, ils sont quatre à jouer dans des clubs espagnols à Séville, Valladolid, Osasuna. Trois possèdent la double nationalité, deux sont nés en Espagne, notamment Ashraf Hakimi, le défenseur du PSG né à Madrid. Et puis les supporters marocains sont parmi les plus bruyants et les plus motivés depuis le début de la compétition. Très présents dans les stades au Qatar : la fédération marocaine a d’ailleurs obtenu 5000 places supplémentaires pour le match de mardi. La compagnie Royal Air Maroc a affrété plusieurs vols spéciaux pour le Qatar. Et selon la presse marocaine, les billets se vendaient, la veille du match, très chers au marché noir, jusqu’à 2000 dollars à la place. Il faut donc aussi s’attendre à une grosse ambiance dans les grandes villes d’Espagne mardi après-midi, avec des dispositifs de sécurité renforcés un peu partout.

Les enclaves de Ceuta et Melilla 

En arrière plan de cette rencontre, on retrouve des contentieux politiques, en particulier sur les célèbres enclaves de Ceuta et Melilla. Il faut bien dire que ces enclaves apparaissent comme des anomalies quand on regarde une carte. Ceuta et Melilla, deux petites villes de 80.000 habitants environ, sur une petite superficie de 15 / 20 km2. Deux territoires espagnols mais de l’autre côté de la Méditerranée, enclavés sur le territoire du Maroc. Près de Tanger pour Ceuta, plus à l’Est pour Melilla. Comme deux petits bouts de pays dans un autre. Des confettis, des scories de la colonisation depuis le XVe siècle.

Le Maroc, évidemment, considère cette présence espagnole comme illégitime. Mais du point de vue espagnol, ce n’est pas un sujet de discussion. Ajoutons que dans l’autre sens en quelque sorte, l’Andalousie en Espagne a été musulmane pendant neuf siècles. On entend régulièrement parler de Ceuta et Melilla dans l’actualité parce que c’est l’un des points d’entrée de l’immigration en Europe. D’ailleurs, l’un des joueurs de l’équipe du Maroc, le gardien de but Munir Mohammedi, est né à Melilla.
Et il y a des tensions régulières lors des afflux de migrants. La dernière la plus spectaculaire en date il y a un an et demi en mars 2021 : la police marocaine a délibérément levé ses barrages à l’entrée des deux enclaves. En 48h, 10.000 personnes se sont lancées vers Ceuta et Melilla.

L'enjeu du Sahara Occidental 

C’était en fait un chantage, un acte de représailles du Maroc envers l’Espagne, sur un autre sujet de contentieux ! Une mesure de rétorsion parce que l’Espagne avait accepté d’hospitaliser sur son sol le leader du Front Polisario. Le Front Polisario, c’est ce mouvement politique qui réclame l’indépendance du Sahara Occidental au Sud du Maroc. Le Maroc considère que ça lui a appartient et il propose un simple plan d’autonomie.

En l’occurrence, le chantage aux migrants a d’ailleurs fonctionné puisque le pouvoir espagnol a en partie cédé. Au début de cette année, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a accepté de reconnaître la validité du plan d’autonomie marocain au Sahara Occidental. Mais ça reste un sujet sensible entre les deux pays. Et il y en a d’autres : l’arrivée des migrants aux îles Canaries, autre territoire espagnol, ou la délimitation des zones de pêche respectives. Bref, cette fois-ci encore, il y a plus que du sport en jeu sur le terrain.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.