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Coupe du monde 2022 : avant France-Maroc, la victoire assurée des supporters binationaux qui "porteront les deux drapeaux"

Certains soutiendront l'invité surprise marocain. D'autres, l'équipe de France qui les a déjà fait vibrer. Et il y a aussi ceux qui ne choisiront pas entre les deux formations, lors de ce duel historique, mercredi soir.
Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des supporters portant les drapeaux du Maroc et de la France célèbrent la qualification des deux équipes pour les demi-finales de la Coupe du monde, le 10 décembre 2022 à Valenciennes (Nord). (MAXPPP)

"J'ai toujours voulu voir une rencontre entre mes deux pays dans une grande compétition. Le fait que ce soit possible en demi-finale d'un Mondial, c'est la cerise sur le gâteau." Alors que la France et le Maroc s'affrontent pour une place en finale de la Coupe du monde au Qatar, mercredi 14 décembre à 20 heures, Talal savoure ce moment historique, après avoir passé les matchs des deux équipes, samedi, "recroquevillé sur le canapé". Français, fils de Marocains, il aborde cette rencontre comme une fête, à l'image de nombreux binationaux, qui ont répondu à l'appel à témoignages de franceinfo, désireux de raconter la façon dont ils vivent l'événement.

Avant la soirée de mercredi, le parcours des Lions de l'Atlas a surpris. "Quand j'ai vu la poule", qui comprenait la Croatie et la Belgique, "je me suis dit qu'on allait encore se faire sortir au premier tour", se souvient Ahmed. Finalement, le Maroc s'en est sorti, éliminant l'Espagne et le Portugal dans la foulée, tandis que la France avançait aussi dans le tournoi. "Je n'avais jamais autant crié de ma vie", s'amuse Yassine, qui a enchaîné samedi les deux rencontres Maroc-Portugal (1-0) et France-Angleterre (2-1).

Une occasion plus rare pour le Maroc

Pour d'autres Franco-Marocains, supporters fidèles des Bleus, l'intérêt pour l'équipe de Walid Regragui a grandi au fil des matchs. "Je ne connaissais absolument pas les joueurs, mais dès le premier tour contre la Croatie, j'ai vu qu'ils proposaient quelque chose de bien", se souvient Maria, qui s'attend à une confrontation "équilibrée" mercredi soir.

Avant la demi-finale, il y a ceux qui voient le verre à moitié vide, comme Ahmed, qui aurait aimé que ses deux équipes de cœur se rencontrent lors du dernier match du tournoi, dimanche. Mais le sentiment général est résumé par Talal : "Quoi qu'il arrive, j'ai une équipe qui va jouer la finale". Reste qu'il faudra bien qu'elles se départagent. Chez les supporters interrogés par franceinfo, personne n'a un sentiment très tranché. Yasmina penche légèrement pour le Maroc, chez qui elle voit l'illustration de "la puissance du collectif". Maria, elle, a envie de voir gagner "un pays outsider, qui n'a jamais brillé sportivement".

"La France a déjà remporté deux Coupes du monde (1998 et 2018). Si elle en gagne une troisième, on sera tous contents. Mais en matière d'émotions, une victoire du Maroc serait complètement différente", estime de son côté Mohammed. "Ce serait un exploit historique pour tout un continent et tout le monde arabe". Même les plus partagés auraient une pointe d'amertume à voir s'arrêter l'aventure du Maroc, premier pays africain à atteindre ce stade lors d'un Mondial.

Un choix parfois impossible à faire à l'avance

"Pour moi, c'est un crève-cœur. Je serai content et triste à la fois", quel que soit le résultat, explique Ahmed. Il estime être "à 55% pour la France" . Son corps lui a donné un indice, samedi : il a eu "la boule au ventre" lors des deux matchs, mais "c'était plus fort pendant France-Angleterre". C'est une question de souvenirs footballistiques : "En 1998, j'avais 18 ans, l'équipe de France était multiculturelle, et c'est vraiment le moment où j'ai senti que j'étais français".

Talal pense aussi que son amour des Bleus l'emportera, lui qui était présent à tous leurs matchs en Russie il y a quatre ans. "Mais est-ce que je pencherai pour le Maroc s'il ouvre le score à l'heure de jeu ? Finalement, je découvrirai ça en direct, c'est quelque chose de viscéral". Comme lui, Yassine a bien du mal à trancher en amont, alors qu'il passera la rencontre dans un bar sans doute acquis aux Bleus : "Je ne me vois pas sauter et célébrer un but de l'une ou l'autre équipe".

Parfois, c'est au sein d'une même famille que les sentiments divergent. "Je suis plutôt du côté de la France, ma femme du côté du Maroc, parce qu'elle est arrivée plus âgée et qu'elle y a davantage d'attaches", explique Hamadi. Ce dernier s'attend à une soirée "animée" autour de la télé.

Un contexte alourdi par la politique

Aux prises avec un dilemme intérieur, ces Franco-Marocains ont bien compris que certains en font une question politique. "On m'a demandé pour qui je serais. Quand je dis que je ne sais pas, certains amis froncent les sourcils et me disent : 'Je ne comprends pas, tu devrais être pour la France', s'agace Yassine. Ça m'embête de ne pas pouvoir faire ce que je veux". Plusieurs politiciens d'extrême droite ont critiqué les Français qui ont célébré les victoires du Maroc. Farah, qui n'a pas de télé, ne sait pas encore où regarder le match mercredi. Elle a pensé se rendre au café de son village de 500 habitants, mais avoue "avoir un peu peur du racisme".

Le rapport à la binationalité est aussi un sujet de débat entre Franco-Marocains. Alors que les deux équipes jouaient, Hamadi s'est étonné samedi, de voir d'autres membres de la diaspora décorer leurs foyers aux seules couleurs du Maroc. Il s'en est ému sur un groupe WhatsApp et "ça a fait débat". "J'ai deux enfants de 4 et 8 ans, c'est important pour moi qu'ils s'identifient à la France", explique-t-il. Mais la plupart ne voient pas le besoin de trancher. "Cette question, on la pose à tous les binationaux, depuis qu'ils sont petits", s'agace Yasmina. "C'est comme si on me demandait de choisir entre mon père et ma mère", dit-elle, comme l'a déjà résumé l'humoriste Jamel Debbouze sur Bein. Interrogée par ses collègues, Farah leur a expliqué qu'elle ne pouvait renier ses origines. "J'en suis fière et les deux équipes sont dans mon cœur. Je crois qu'ils ont compris." 

Lors de cette demi-finale que personne n'attendait, l'émotion ne se commandera pas. Ainsi, mardi, Mohammed s'est envolé pour le Qatar. Il a "sauté sur l'occasion" et trouvé des billets restants pour les deux derniers matchs de la France. "Une demi-finale avec mes deux équipes préférées, le carré final avec le Maroc dedans... Je ne sais pas si j'aurai l'occasion de revoir ça." "Je porterai les deux drapeaux", annonce-t-il, alors que le stade devrait clairement pencher pour le Maroc.

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