Tour de France 2023 : premier succès, hommage à Gino Mäder… Pourquoi la victoire de Pello Bilbao est symbolique à plusieurs niveaux
C'est finalement lui qui est sorti vainqueur de cette terrible journée sur la route du Tour de France. Dans le four auvergnat, Pello Bilbao a dompté une échappée de grand calibre pour aller s'imposer à Issoire lors de la 10e étape, mardi 11 juillet. Pour le Basque, cette victoire intervient dans un contexte très spécial pour lui et sa formation, et met fin à une disette anormalement longue pour l'Espagne sur le Tour de France. Voici pourquoi la victoire de Bilbao est aussi symbolique.
Car il court aussi pour son défunt coéquipier Gino Mäder
Pello Bilbao a sans doute gagné un peu plus que pour lui-même, mardi. L'Espagnol, qui courait dans la même formation Bahrain Victorious que son coéquipier Gino Mäder, a été extrêmement affecté par le décès brutal du jeune coureur suisse de 26 ans, il y a un peu moins d'un mois, et dont il était proche. Arborant le slogan "Ride for Gino" sur son casque comme d'autres coureurs sur ce Tour de France, l'Espagnol a dédié ce succès à Gino Mäder à l'arrivée. "Cette victoire est pour Gino. Je voulais faire quelque chose pour lui dans ce Tour. Je voulais le faire dès la première semaine qui était aussi très importante pour moi avec le départ du Pays basque. Ça n'avait pas marché. Mais j'ai travaillé pour vivre ce moment", a expliqué Bilbao.
Avant le départ du Tour, en guise d'hommage à son coéquipier, il avait repris son initative. Tout comme Mäder lors du Tour d'Espagne 2021, le Basque a annoncé qu'il verserait un euro à une association environnementale pour chaque coureur terminant derrière lui à chaque étape. Ce mardi soir, il a ainsi accumulé 1307 euros dans une cagnotte qui agit comme un baume. "Ça a été très difficile de préparer le Tour après le drame. J'ai mis toute mon énergie pour faire quelque chose de beau", a expliqué Bilbao, qui dispute son 4e Tour de France.
Car il décroche sa première victoire sur le Tour à 33 ans
A une période du cyclisme où les voraces du peloton sont à trouver parmi les plus jeunes, Tadej Pogacar (24 ans) et Remco Evenepoel (23 ans) en tête, Pello Bilbao est un lève-tard. Formé chez la pépinière basque Eukaltel-Euskadi, le natif de Guernica a mis du temps avant de parfaire son esquisse. Il a remporté sa première victoire en World Tour (première division) à 28 ans sur le Critérium du Dauphiné 2018.
L'année suivante, il a glané ses deux premiers bouquets en Grand Tour, sur le Giro. Mais il aura donc dû attendre ses 33 ans, un âge canonique dans le cyclisme moderne, pour goûter au plus succulent nectar. "Plus ça prend du temps d'atteindre un objectif, plus on l'apprécie. Treize ans à attendre un moment comme ça... Aujourd'hui c'est une victoire absolument extraordinaire", s'est félicité celui qui a commencé le cyclisme sur le tard, en 2010.
En souffrance dans le puy de Dôme dimanche (22e à 9'54), Bilbao, qui aime également les classiques vallonnées, a pu se glisser dans l'échappée pour finalement mater la meute dans la dernière ligne droite. "Au début (du Tour), ça a été dur de contrôler ses émotions. Mais aujourd'hui je me suis concentré sur la ligne d'arrivée, j'ai essayé de contrôler ce qui se passait dans ma tête. Quand j'ai franchi la ligne c'était une explosion incroyable de sentiments", relate celui qui a fait un bond de six places au général pour se replacer 5e.
Car il est le premier Espagnol vainqueur sur le Tour depuis 2018
En s'offrant ce 16e succès en carrière, mardi, Pello Bilbao a également fait souffler les fans espagnols, car cela faisait cinq ans qu'un coureur de la péninsule ibérique ne s'était pas imposé sur le Tour ! Le dernier était Omar Fraile, à Mende en 2018, une éternité pour une nation qui respire autant le cyclisme. Mais aussi une preuve que le cyclisme espagnol, jadis si dominateur, est de plus en plus en retrait sur le Tour de France au profit des Slovènes, Belges ou Danois.
En plus de combler ce trou anormal pour les Espagnols sur le Tour, Bilbao s'est aussi soulagé lui-même. Très attendu pour le grand départ chez lui au Pays basque, le grimpeur n'avait pas réussi à arracher d'étape, même s'il en a été tout proche lors de la 2e étape, lancé dans un raid solitaire dans les derniers kilomètres avant de voir la fusée Victor Lafay s'imposer. "C'est un Tour tout à fait extraordinaire pour moi avec un départ à la maison", a salué le vainqueur du jour, qui a en même temps sauvé celui de sa formation et rendu un bel hommage à Gino Mäder.
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