Tour de France 2023 : "Il rêve, je le compare à un artiste"... Qui est Victor Lafay, le Français qui a brisé la malédiction de l'équipe Cofidis ?
Un sprint, jusqu'à l'arrivée. Cédric Vasseur a imité son coureur pour le rejoindre sur la ligne, comme s'il s'était soudainement délesté d'un énorme poids. A la surprise générale, trompant la vigilance de tous les favoris dans le dernier kilomètre, Victor Lafay s'est imposé sur la 2e étape du Tour de France, dimanche 2 juillet, à Saint-Sébastien, offrant déjà la première victoire française sur cette édition. Peu connu du grand public, le Lyonnais de 27 ans s'est fait un nom en grande pompe.
Déjà le seul à suivre Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard dans la côte de Pike samedi, Victor Lafay avait prophétisé le scénario du jour juste avant l'étape. "Ça peut arriver en petit groupe au sprint car la dernière montée n'est pas aussi dure. Je peux aussi me glisser dans un gros groupe. Ça va dépendre si UAE veut laisser le maillot, ce que je ne pense pas. Et il y a des équipes comme Jumbo-Visma qui vont vouloir gagner avec Wout van Aert".
L'analyse était parfaite. Tout ce que Victor Lafay avait prédit s'est produit, sauf qu'à la fin, c'est lui qui leur a joué un tour, déboulant à pleine vitesse dans le dernier kilomètre pour leur souffler la victoire. "Je ne réalise pas vraiment. Je voyais mon compteur qui défilait... C’est un truc de fou, c’est énorme. Je me suis accroché. Pour une fois, je me suis dit 'Je vais avoir un plan dans le final'. Je savais que ça attaquerait à la fin, je me suis dit 'Je fais le kilomètre". J’ai vu que ça ralentissait un peu, et j’y suis allé", a retracé à l'arrivée le vainqueur du jour.
Performances inégales et maturité tardive
Discret, le puncheur de 27 ans est un coureur de (bons) coups. En 2021, il s'était offert, déjà à la surprise générale, une victoire d'étape sur le Tour d'Italie. Le voilà désormais vainqueur sur le Tour, lui qui ne compte que quatre victoires chez les professionnels. "Il est atypique, ce n'est pas le coureur que tout le monde peut voir hyperconcentré 365 jours par an. Il a besoin de ses périodes de relâchement, il se prépare différemment des autres. ll fait beaucoup de 'one shot', mais quand il est là, il sait gagner des courses. Avec Victor on ne sait jamais, ce n'est pas le bon gars sur qui parier, ça peut être bingo comme ça peut être fiasco !", dévoile son directeur sportif Thierry Marichal, suivi par son manager Cédric Vasseur. "C’est quelqu’un de génial. Il est détendu, il rêve. Je le compare à un artiste."
Frustré par la journée de samedi, regrettant de ne pas être allé au bout de son attaque, Victor Lafay s'en est servi pour narguer les cadors dimanche. "C’est un des coureurs les plus talentueux de sa génération. Il a eu beaucoup de problèmes au début de carrière. Il a mis du temps à arriver à maturité", explique son directeur sportif. "S’il s'était donné les moyens, il serait peut-être déjà allé chercher une victoire comme ça sur le Tour de France. Victor a besoin d’un peu plus de temps que certains autres coureurs", confirme son manager.
En dépit de son talent indéniable, Victor Lafay a surpris jusqu'à ses propres coéquipiers dimanche, comme Guillaume Martin et Anthony Perez. "Il est impossible à décrire, on ne sait jamais à quoi s'attendre. C'est la preuve aujourd'hui : on sait qu'il est capable des plus grands numéros. Il a montré samedi qu'il était dans les plus forts sur ce début de Tour. C'est quelqu'un de tranquille, ça ne lui monte pas à la tête. Je pense qu'il était sûr de ses forces", a lâché Guillaume Martin, qui a appris la nouvelle en regagnant son bus, de la bouche des journalistes.
Anthony Perez a lui été pris au piège de sa blague : "A deux kilomètres, les gars me disent 'Tu sais qui a gagné ?', je leur dis que c'est Victor. Ils me disent 'Non ?!', je leur dis que je blague. Et à l’arrivée je vois que si... Je me dis 'Oh le con !'", s'est marré le Toulousain.
"Victor, un jour il peut être super et pas le lendemain. Il prend les jours comme ils viennent. Dans la journée, il m'a dit qu'il était pas incroyable, ça avait l'air pas trop mal quand même !"
Bryan Coquardà l'arrivée de la 2e étape
C'est finalement le vétéran Simon Geschke, dont le profil se rapproche du sien, qui le résume le mieux : "Victor est très facile à vivre. Il n'est pas toujours parfait en course. Parfois il a des jours compliqués, mais dans un grand jour, il peut gagner quasiment n'importe quelle course. Il est incroyablement fort et s'est fait un nom aujourd'hui !", a félicité l'Allemand de 37 ans.
Pour Cofidis, la fin d'une interminable disette
En plus de sa victoire, Victor Lafay a rendu un grand service à son équipe, qui chassait une étape du Tour depuis... 2008 et Sylvain Chavanel, soit 298 jours de course sans le moindre bouquet ! Une éternité pour une équipe française présente tous les ans. "On avait l’impression que le sort s’acharnait contre nous, qu’il y avait une malédiction. C’est une délivrance, ça faisait tellement longtemps. Ce matin au petit-déjeuner, je lui ai dit : 'Victor avec des jambes comme ça, t’es obligé de gagner une étape !' Mais je ne pensais pas que ce serait aussi tôt. Cofidis est revenu dans la cour des grands, et ce n’est pas fini", se félicite Cédric Vasseur.
La rengaine était devenue pesante chez les Nordistes, qui assistaient, impuissants, aux moments de gloire des autres formations françaises."Ça ne fait pas 15 ans que je suis dans l'équipe mais on en entend parler. C'était l'objectif de ce Tour. C'est fait dès le deuxième jour", souffle Bryan Coquard, lui aussi "maudit" sur le Tour où il n'a jamais gagné malgré 22 Tops 10. Avec toujours le mot juste, Guillaume Martin espère, lui, que cette victoire en appellera rapidement d'autres : "C'était une longue disette. Chaque année, il y avait ce décompte et un an qui s'ajoutait. On espère ne pas attendre 15 ans de plus pour relever les bras !"
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