Tennis : à l’image du match Nadal-Alcaraz sur Netflix, les tournois d’exhibition se multiplient en parallèle du circuit ATP

Les deux Espagnols s’affrontent dans un match d’exhibition organisé et diffusé par Netflix, dimanche, à Las Vegas (États-Unis).
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Rafael Nadal et Carlos Alcaraz, qui vont s'affronter à Las Vegas dimanche 3 mars en match d'exhibition. (AFP)

Quel niveau afficheront Carlos Alcaraz et Rafael Nadal à Las Vegas, alors que le premier se remet d’une entorse de la cheville, et que le second n’a pas rejoué en compétition depuis sa blessure à la cuisse à Brisbane (Australie) en janvier ? Même si leur condition physique n’est pas optimale, les deux Espagnols ont répondu présent à l’invitation de Netflix pour disputer un match d’exhibition, dimanche 3 mars. Un match qui s’ajoute à leur calendrier, comme d’autres tournois d’exhibition, qui se multiplient et concurrencent les tournois du circuit traditionnel.

Pourtant, le 12 février dernier, Carlos Alcaraz pointait la densité des tournois ATP, dans une interview pour Ole Tennis. "Le calendrier est trop exigeant et ils nous obligent à jouer de nombreux tournois dans l’année. L’ATP joue aussi beaucoup avec la santé des athlètes, et je pense que cela doit changer", s'était plaint le dernier vainqueur de Wimbledon, ce qui n’a pas manqué d’agacer Andy Murray. "Parfois, les joueurs sont un peu hypocrites concernant le calendrier. Ils disent qu’il est trop long, mais voyagent ensuite partout dans le monde pour jouer des exhibitions. Ils ne sont pas obligés de faire ça", a répondu le Britannique dans The National, quotidien des Émirats arabes unis, en marge du tournoi ATP 500 de Dubaï.

L'UTS, une ligue parallèle qui rejette l'appellation d'exhibition

Au-delà de ce match sur Netflix, six des meilleurs joueurs mondiaux (Carlos Alcaraz, Jannik Sinner, Daniil Medvedev, Holger Rune, Novak Djokovic et Rafael Nadal) devraient participer au nouveau 6 Kings Slam, un tournoi d'exhibition organisé en Arabie saoudite en octobre. Et d’autres, comme Andrey Rublev, Casper Ruud, Ben Shelton, Taylor Fritz ou encore Gaël Monfils prennent régulièrement part à l’UTS, l’Ultimate Tennis Showdown, une ligue parallèle au circuit ATP, avec des règles innovantes.

Son fondateur, Patrick Mouratoglou, entraîneur de nombreux joueurs, insiste sur le fait que l’UTS n’est pas un tournoi d’exhibition et le considère plutôt comme une nouvelle ligue sportive. Son équipe affirme qu’il travaille "main dans la main" avec l’ATP. Pourtant, les organisateurs de tournois sur le circuit principal ne sont pas du même avis.

"C’est une concurrence pour les tournois ATP. Les joueurs sur le marché, Andrey Rublev, Holger Rune et Gaël Monfils par exemple, ne sont pas venus à Marseille et ont joué l’UTS au même moment", déplore Lionel Maltese, organisateur de l’Open 13 dans la cité phocéenne et professeur spécialisé en marketing du sport. Absent à Marseille, Andrey Rublev a remporté la manche d’Oslo de l’UTS, dans laquelle les 10 joueurs présents étaient répartis en deux poules avant une phase finale, et se sont affrontés dans des matchs au format particulier.

Ils se disputent en quatre quart-temps de huit minutes, sans échauffement, avec un seul service, les points marqués comptent pour une unité, contrairement au score classique du tennis. Les joueurs peuvent bénéficier de cartes joker à activer quand ils le souhaitent pour par exemple tripler les points de l’échange suivant et ils sont équipés d’un micro aux changements de côté pour répondre aux questions d’un intervieweur.

Avec de telles règles, l’UTS et Patrick Mouratoglou - qui n’a pas donné suite aux demandes d’interview de franceinfo: sport - entendent dépoussiérer le tennis et attirer un public plus jeune, avec plusieurs manches organisées au cours de la saison et une finale en décembre. Son format semble plaire aux joueurs qui y participent, comme Alexander Bublik. "J’ai toujours aimé essayer des choses nouvelles et l’UTS permet de jouer le tennis d’une autre manière, plus fun, affirme le Kazakhstanais à franceinfo: sport. Je ne pense pas qu’il faille changer quelque chose sur le circuit traditionnel, les règles sont bonnes. Mais pour moi, l’UTS est juste une ligue différente qui a son propre système de classement. Ce n’est pas une exhibition parce qu’on se bat tous pour un titre et aussi pour le prize money, parce que soyons honnêtes, ils traitent bien les joueurs".

L'avenir des ATP 250, menacé ?

"Qu’il y ait une ou deux exhibitions dans l’année, qui cassent un peu le rythme, ça peut être sympa, mais si ça commence à être un peu partout et un peu tout le temps, et que les règles changent à chaque fois… On ne va plus s’y retrouver", regrette quant à lui Arnaud Clément, consultant pour franceinfo:sport, qui se définit comme un "ultra-conservateur" des règles du tennis.

Les organisateurs de tournois ATP 250, comme Lionel Maltese, ne se sentent pas assez protégés par l’ATP : "Sur des Masters 1000 ou des gros ATP 500 comme Rotterdam, je pense que l’UTS ne pourra pas rivaliser, parce qu’il y a un intérêt sportif et économique pour les joueurs. Mais sur des ATP 250, ceux qui n’ont pas besoin de trop de points vont plutôt aller prendre un cachet".

De là à mettre en difficulté les tournois catégorisés ATP 250 ? "Ceux qui ont déjà des difficultés financières pourraient se dire que c’est moins rentable d’organiser neuf jours de tournoi avec des joueurs moins connus et pourraient devenir des exhibitions avec de plus grosses têtes d’affiche et une durée moins longue", répond Lionel Maltese. Pour autant, ces tournois ATP restent essentiels pour grand nombre de joueurs qui ont besoin de gagner de l’argent et des points au classement mondial. "Les joueurs ont aussi cette responsabilité vis-à-vis des autres qui gagnent un peu moins, et, qui pourraient en pâtir si des partenaires se retirent pour aller sur des exhibitions. Le modèle économique pourrait être mis en difficulté", prévient Arnaud Clément.

Le finaliste de l’Open d’Australie 2001 craint à terme une scission, "comme dans le golf", où le LIV, une ligue dissidente du circuit traditionnel PGA, a été créée et financée par des fonds saoudiens, attirant certains des meilleurs joueurs du monde. "Ce n’est pas une bonne chose pour le sport de ne pas avoir tous les meilleurs sur le même circuit. On en est encore loin, mais il faut faire attention à cela", prévient l’ancien capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis.

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