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Témoignages Invictus Games : grâce au sport, des militaires blessés en opération œuvrent à leur "reconstruction"

La France envoie 14 soldats, gendarmes et civils du ministère des Armées à La Haye, pour la cinquième édition des Invictus Games, une compétition internationale multisports. Parmi eux, deux athlètes se sont confiés à franceinfo.

Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Après un grave accident lors d'un exercice de l'OTAN en 2015 qui lui laisse de lourdes séquelles, Franck fait de ces Invictus Games une étape importante dans sa reconstruction physique et psychologique.  (JEROME VAL / RADIO FRANCE)

C’est un matin assez frais. Mais à 8 heures, sur la piste d'athlétisme du Centre National des Sports de la Défense (CNSD), Sébastien enchaîne les courses, au côté de ses deux kinés. Nous sommes au cœur de la forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne), au sud de Paris, où est implanté cet immense complexe sportif des armées. L'ancien gendarme, désormais affecté au Centre territorial d’action sociale à Bordeaux, a vu sa vie basculer en 2001 : "J’ai fait une attaque cérébrale en plein entraînement. J’avais 21 ans."

>>Invictus Games : quatre questions sur la compétition rassemblant les militaires en situation de handicap, créée par le prince Harry

Sébastien souffre toujours d’une paralysie d'une partie de son corps et le sport a été pour lui un moyen de remonter la pente : "J’ai repris l’athlétisme en 2003, deux ans après mon accident. C’était ma passion et je ne voulais pas rester un légume, même si ce n’est pas le bon terme, mais en tout cas pas comme une personne handicapée. J’ai repris l’entraînement progressivement et je n’ai jamais arrêté depuis." Il fait partie des 14 soldats français participant aux cinquièmes Invictus Games, une sorte de Jeux-Olympiques des militaires blessés en opération. La compétition se déroule à La Haye, aux Pays-Bas, du 16 au 22 avril.

"On s’est pris les avions, les débris, les explosions"

Un peu plus loin, dans une clairière, se trouve le stand du tir à l'arc avec une cible à 18 mètres de distance. L'archer, c'est Franck. De sa main droite, il tient son arc et tend la corde avec sa bouche grâce à un embout. Ce mécanicien pour l'armée de l'air, basé à Nancy, est un ancien militaire réformé après sa grave blessure en 2015 lors d'un exercice de l'Otan sur la base aérienne d’Albacete en Espagne : "Il y a un F16 grec qui s’est crashé sur le tarmac, se souvient-il. Il est venu nous percuter. Il y a eu 11 morts, dont 9 Français, également cinq blessés graves de la base de Nancy. On s’est pris les avions, les débris, les explosions. J’ai tout reçu. Ça m’a arraché mes chaussures de sécurité, ça m’a cassé les chevilles, ça m’a arraché des doigts."

Les 14 athlètes français qui disputent la 5e édition des Invictus Games se sont préparés au centre national des sports de la défense (CNSD), à Fontainebleau (Seine-et-Marne). (JEROME VAL / RADIO FRANCE)

Franck garde des séquelles de cette terrible journée. Rester debout lui est pénible, sa main gauche reste figée, son épaule est douloureuse et il porte des coques de carbone pour protéger ses chevilles. Son engagement militaire était une passion. À la place, il lui a fallu se reconstruire, lentement. Pour ce père de deux filles, cette participation aux Invictus Games est une étape capitale dans ce processus : "C’est un but et un aboutissement."

"On n’est jamais reconstruit à 100%. C’est une grosse phase de reconstruction par le sport qui se joue. Les trois-quarts du boulot seront faits."

Franck, ancien militaire blessé en opération

à franceinfo

Franck et Sébastien ne sont pas les seuls à placer beaucoup d’espoir dans cette compétition créée en 2014 par le Prince Harry. Parmi les 14 soldats envoyés par l'armée française il y a aussi le caporal-chef de 1ère classe Laurent du 3e régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMA) de Carcassonne. Il a participé à 23 opérations extérieures en Afrique et en Afghanistan avant un grave traumatisme crânien. Cette équipe de France militaire, si l'on peut dire, compte aussi dans ses rangs le caporal-chef Thomas, amputé de sa jambe droite et qui rêve désormais de participer aux Jeux paralympiques de Paris 2024.

Dans le vaste Zuiderpak de la Haye, les sportifs disputeront des épreuves d’athlétisme, de rameur, de cyclisme, de natation ou de rugby fauteuil. D'anciens militaires à la carrière brisée en France ou à l'étranger (au Mali, en Afghanistan ou en République centrafricaine). "Pour eux, c’est une autre manière de représenter leur pays", résume le capitaine Erwan Lebrun, qui conduit le dispositif de reconstruction par le sport pour les armées. Pour leur 5e édition, les Invictus Games rassembleront 17 nations jusqu’au 22 avril.

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