Incident raciste dans le métro à Paris : les supporters de Chelsea condamnés à des peines de 6 à 12 mois de prison avec sursis
La vidéo de la scène avait suscité l'indignation. Elle montrait des supporters du club de football de Chelsea empêchant à deux reprises un homme noir de monter dans le métro, le 17 février 2015.
Le jugement est tombé. Les quatre supporters de Chelsea, coupables d'agression raciste dans le métro parisien, ont été condamnés à des peines de six à douze mois de prison avec sursis. Deux des prévenus, qui ne se sont pas présentés au procès, ont été condamnés à un an de prison avec sursis. Les deux autres, qui ont contesté devant les juges tout acte raciste, ont été condamnés à six et huit mois de prison avec sursis. Ils devront également verser à eux quatre 10 000 euros de dommages et intérêts à la victime, Souleymane Sylla. Récit de l'audience.
L'avocat de Souleymane Sylla se dit "extrêmement satisfait" pic.twitter.com/kHsPnUBSoN
— Pierre Godon (@PierreGodon) 3 janvier 2017
Deux prévenus sur leur trente-et-un
Des quatre prévenus dans l'affaire de l'agression raciste dans le métro parisien, le 17 février 2015 avant un match entre le PSG et Chelsea, seuls deux se sont présentés au tribunal de grande instance de Paris. Joshua P. et James F. se sont mis sur leur trente-et-un, costume de tweed, coiffés de près, raie sur le côté et cravate de rigueur. Pas vraiment les tenues qu'ils portaient dans le métro, quand ils ont repoussé Souleymane Sylla, un usager qui voulait monter dans une rame de la ligne 9, à la station Richelieu-Drouot, pour rentrer chez lui.
Ce sont les deux accusés qui avaient quelque chose à sauver – les deux autres, défavorablement connus des services de police britanniques, n'ont pas pris la peine de venir, ni même de répondre à leur convocation. Leurs avocats dépeignent des hommes brisés par l'affaire : Joshua P. a été interdit de stade pendant trois ans, avec interdiction d'approcher à moins d'un kilomètre de Stamford Bridge les jours de match. "Les médias étaient à ma porte, ils sonnaient toutes les demi-heures. Ça a vraiment perturbé ma grand-mère, qui est très âgée, plaide-t-il. Je pense que ça a accéléré son placement en soins intensifs."
Contraint d'accepter un job d'apprenti dans le bâtiment, il n'avait pas les moyens d'aider son aïeule, et a dû emprunter de l'argent à sa mère pour financer l'hospitalisation, fait-il valoir. "Et ce n'est pas avec ce que je gagne que je vais la rembourser." Les deux prévenus ont des témoins de moralité, proches, amis, camarades de dortoir zambien ou indien qui les disculpent de tout racisme. "Je n'avais même pas remarqué que M. Sylla était noir avant de visionner la vidéo", ose Joshua. Réaction dans la salle : "Ça, c'est énorme !"
La défense aussi joue sur la corde sensible. Souleymane Sylla dit avoir encore du mal à dormir après l'affaire, sa femme a failli le quitter, il a subi une rétrogradation dans son entreprise et vit mal le fait d'être suivi par un psy. "Je dors souvent sur le canapé", confie-t-il tout bas à la barre.
L'arbitrage vidéo, au tribunal
Deuxième axe de défense : ce qu'on appellerait au foot l'arbitrage vidéo. Le document publié par le Guardian, de 50 secondes, est mis à mal par la diffusion de la vidéo intégrale, de trois minutes plus longues. On voit effectivement Souleymane Sylla être repoussé de la rame, mais le chant "We are racists and that's the way we like it" commence 25 secondes plus tard. Les deux prévenus nient : l'un chantait "Fuck IRA" ; l'autre a tenté de couvrir le chant raciste, hommage... à l'ex-capitaine John Terry, qui traîne effectivement quelques casseroles dans ce domaine.
C'est l'avocat de Joshua P. qui a insisté pour qu'on passe le document... avec le son. Le matériel du tribunal n'étant pas de première jeunesse – Windows 98 ! – la vidéo dont disposait le président ne comportait pas le son, ce qui, pense-t-il, disculpe son client. Piaffant et brandissant sa clé USB, l'avocat obtient de faire diffuser sa version.
Nouvelle ligne de défense : la presse. "Le montage du Guardian est déloyal, pour rendre l'extrait plus spectaculaire", fustige-t-il, appuyée par sa collègue s'occupant des intérêts de James F., qui parle de "bête médiatique". "Il faut juger sur la certitude, quand nos sympathies et nos sentiments nous pousseraient à croire ce que M. Sylla a ressenti", renchérit-elle.
"La vidéo diffusée par le Guardian est extrêmement montée. On ne voit pas M. Sylla forcer l'entrée et immédiatement le chant 'we are racists
— Pierre Godon (@PierreGodon) 3 janvier 2017
Une délibération expédiée en 20 minutes
Ces arguments techniques n'ébranlent pas la défense, qui déroule : "C'est rare qu'une personne commette un acte raciste et brandisse une pancarte 'je suis raciste' ensuite. C'est précisément ce qui s'est passé, où les auteurs de cet acte le chantent carrément. On est dans la revendication", dénonce Sabrina Goldman, l'avocate de la Licra. Jim Michel-Gabriel, celui de Souleymane Sylla, dénonce : "Tous les arguments de la défense ne sont que du théâtre." La procureure enfonce le clou : "Intellectuellement, on peut tout soutenir. Je veux bien qu'on décortique les choses. Mais est-ce que ça correspond à la réalité ?"
Manifestement non pour le tribunal, qui expédie sa délibération en vingt minutes, dix de moins que ce qu'avait annoncé le président. "De toute façon, tout le monde sait ce qui s'est passé", conclut Souleymane Sylla, souriant, devant une forêt de caméras à la sortie de la salle d'audience.
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