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Portrait Clément Noël, qui se cache derrière le masque du slalomeur français ?

En à peine trois saisons, Clément Noël s'est imposé comme l'un des meilleurs slalomeurs du monde. À 23 ans, et pour ses deuxièmes Mondiaux, le Vosgien est l'un des grands favoris pour le titre, dimanche 21 février à Cortina d'Ampezzo (Italie). Un titre qu'il faudra aller chercher sur les skis, mais vu sa trajectoire fulgurante, le skieur de Val d'Isère (Savoie) semble taillé pour tutoyer les sommets.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 13min
Clément Noël, ici le 22 décembre 2020 à Madonna di Campiglio, est l'un des favoris au titre mondial en slalom. (TIZIANA FABI / AFP)

Chamonix, 30 janvier 2021. Le visage de Clément Noël retrouve le sourire du vainqueur. Après plus d’un an de disette, le Vosgien vient de remporter le slalom de la Verte des Houches, son premier de la saison, et déjà la septième victoire de sa carrière en Coupe du monde. Pas mal à seulement 23 ans.

"Quand il était ado, on voyait sa chambre se remplir petit à petit de trophées, il n’y avait plus de place. Clément était déjà peu expressif : quand il revenait d’une course, pour savoir s’il avait gagné, il fallait attendre de voir la coupe sortir discrètement du sac", se souvient Patrick Chevallot, qui a accueilli le jeune Vosgien pendant trois ans à Val d’Isère. Et aujourd’hui, les choses n’ont pas beaucoup changé : si Clément Noël a quitté sa famille d’accueil, il continue d’empiler les trophées. 

Des Vosges à Val d’Isère, en passant par le foot

Né dans les Vosges le 3 mars 1997, Clément Noël a chaussé les skis si tôt qu’il n’a aucun souvenir de sa première fois : "C’est arrivé naturellement, tout le monde skiait dans la famille. J’ai essayé d’autres sports, mais soit je n’étais pas trop doué, soit ça ne me plaisait pas trop". Le gamin de Remiremont se met notamment au foot, et devient gardien : "J’étais nul techniquement, et j’étais grand. Dans les buts, je m’en sortais pas mal. Mais ça ne me plaisait pas trop parce que dès qu’on prenait un but, j’étais persuadé que c’était que de ma faute. Ça me pompait beaucoup d’énergie". Le jeune garçon comprend alors que les sports collectifs, ce n’est pas pour lui. "Tous mes copains skiaient, et j’ai vite aimé la compétition, être performant". Et performant, le gamin des Vosges l’a vite été. 

Après trois titres de champion de France dans les catégories de jeunes, il part pour le Pôle France d’Albertville et signe au Ski Club de Val d’Isère en 2012. "Pour devenir pro, il fallait partir dans les Alpes. Val d’Isère s’est imposé naturellement, c’est un grand club, et plusieurs Vosgiens avaient fait ce chemin avant", éclaire Clément Noël.

Un choix qui peut sembler évident avec le recul, pas forcément facile pour un ado de 15 ans, mais pas pour lui : "Je n’ai pas trop réfléchi à si c’était dur ou pas. J’avais fait le choix de me concentrer sur le ski, donc de faire le lycée dans les Alpes". À plus de 400 kilomètres de chez lui, la promesse du ski français trouve refuge à Val d’Isère, chez Patrick Chevallot, emblématique boulanger de la station, qui lui prête un studio de saisonnier, à la demande du club des sports. 

"L’idée c’était de le dépanner l’été. Il vivait juste en dessous de chez nous, on lui a rapidement proposé de monter pour manger avec nous. Il s’est vite très bien entendu avec notre fils Paul. Alors quand on a dû récupérer notre studio pour l’hiver, et que le club ne lui avait pas trouvé de famille d’accueil, on lui a installé une chambre", raconte aujourd’hui le boulanger. Au final, Clément Noël passera trois ans dans cette famille d’accueil improvisée, devenant "le troisième garçon de la famille" aux yeux de Patrick Chevallot.

Chez le meilleur ouvrier de France 1993, il se découvre aussi une passion pour la gastronomie. "Au début, il ne mangeait que des pâtes et des patates. Peu à peu, on lui a fait découvrir la cuisine. Des amis chefs venaient à la maison, il les aidait souvent à préparer le repas", revoit Patrick Chevallot. Tant et si bien qu’aujourd’hui le slalomeur est un mordu de cuisine, capable de réciter la liste des restaurants étoilés, et qui envisage même d’ouvrir son établissement un jour : "Je ne me verrais pas faire chef cuisinier, mais pourquoi pas un jour gérer un restaurant. C’est un domaine qui m’intéresse".

L’ascension éclaire

À Val d’Isère, en dehors de la cuisine, Clément Noël confirme surtout son potentiel skis aux pied, tout en gardant la tête froide. "Quand j’ai vu ce grand gaillard, très mince, très réservé, très calme… On a du mal à s’imaginer que ce gamin est champion de France à son arrivée", s’étonne encore Patrick Chevallot, qui ajoute : "C’est un garçon très intelligent, mais ce qui en fera un grand champion, c’est qu’il n’a pas la grosse tête : il reste humble et c’est un gros, gros bosseur". La preuve, dès qu’il est de passage à Val d’Isère, le slalomeur n’évite jamais la case Chevallot. Mais le gamin des Vosges n’a plus trop le temps de traîner dans la station de Killy car, depuis, il est devenu une star de la Coupe du monde de ski.

Pour cela, Clément Noël a fait ses armes en Coupe d’Europe, sous les ordres de Christophe Saioni, qui se souvient : "La première fois, je vois ce grand gaillard qui part avec le dossard 115, et qui rentre dans les 15 premiers. Malheureusement, il sort en deuxième manche, en envoyant toujours autant qu’en première". Mais à ce manque de stratégie, le coach préfère noter l’énorme potentiel ski au pied de l’adolescent : " Je me suis dit qu’il ne réfléchissait pas assez, qu’il prenait trop de risques, mais il avait 16-17 ans. J’étais là pour repérer les talents de demain, et Clément m’a sauté aux yeux".

C’est d’ailleurs souvent la première impression que fait le bonhomme, grand, discret et timide dans la vie, mais tranchant et spectaculaire sur les skis. "Il a fait de vrais bons débuts en Coupe d’Europe, avec des coups d’éclats et des manquements. Un jour il me dit ''Je suis peut-être intelligent, mais des fois sur les skis qu’est-ce que je suis con''. Ça m’a fait rire mais Il sait que tactiquement, du fait de vouloir aller trop vite, des fois il se plante", se marre Christophe Saioni.

Ces performances remarquées l’amènent logiquement au groupe Coupe du monde dirigé par David Chastan et il devient un élément important : "C’est un garçon qui malgré son apparence nonchalante sait très bien où il veut aller. Il ne parle pas beaucoup, il est même parfois un peu introverti mais quand il a quelque chose à dire, il le dit. Je suis impressionné par sa détermination. Il sait optimiser ce qu’il y a autour de lui". Rien détonnant donc de voir Clément Noël s’imposer en trois ans comme un favori au petit globe de cristal de slalom, et au titre mondial ce dimanche 21 février.

Car à force de filer si vite entre les piquets, le Vosgien a vite rejoint le haut de la hiérarchie, jusqu'à être considéré comme le skieur le plus rapide du moment entre les piquets, du haut de ses 23 ans. Pas mal pour celui qui, au lycée, doutait encore de ses capacités, et se voyait ingénieur ou médecin. "Je m’étais donné l’objectif d’entrer en équipe de France avant de finir le lycée. Si ça n’avait pas été le cas, j’aurais fait des études", assure-t-il.

L'appétit vient en slalomant

Finalement, Clément Noël intègre l’équipe de France de Coupe du monde pendant l'hiver 2017-2018, a tout juste 20 ans, avec l’étiquette du grand espoir. Dès sa deuxième saison, il échoue de peu dans la quête du petit globe de cristal de slalom (deuxième, derrière Marcel Hirscher). Et la saison dernière, rebelote. "C’est un garçon qui est arrivé avec beaucoup de qualités, mais aussi beaucoup de déchets, trop d’abandons. Il avait la vitesse, il fallait travailler le reste", résume David Chastan. Concrètement, le garçon a un ski très engagé dans la pente, qu’il faut canaliser pour gagner en régularité.

"Il a l’insouciance de la jeunesse. J’essaie de lui amener une certaine sérénité. Il est très intelligent, il percute vite. Ce relâchement, c’est sa force. Et ça se ressent sur les skis", analyse Jean-Baptiste Grange, son compagnon de chambre et double champion du monde de slalom (2011, 2015). Bien entouré, le Vosgien progresse à vitesse grand V.  Christophe Saioni résume : "C’est une éponge, il absorbe tout ce qu’on lui dit. C’est un grand tout mou dans la vie, mais au portillon, quand il met en route, ça déboîte".

Et quand il enlève le masque aussi. Saioni ajoute : "Son surnom c’est Flantier, parce qu’il aime bien faire des blagues, il est tout le temps détendu, agréable. Clément a de la conversation. C’est quelqu’un de vraiment ouvert". Le slalomeur de Val d’Isère est d’abord un amoureux de son sport et de ses montagnes : "Les sportifs sont inspirants. En ski, un mec comme Pintu (Alexis Pinturault), c’est un modèle. En vélo, j’aime beaucoup Julian Alaphilippe. Après je ne vais pas tous les citer…" glisse Noël. Et il ne vaut mieux pas, tant le skieur s’y connaît en sport. Une vraie bible : "J’en regarde beaucoup à la TV, mais aussi des séries, des films".

Avant que le naturel ne revienne au galop : "Je ne suis pas non plus du genre à m’enfoncer dans mon canapé : j’ai besoin de bouger. J’aime bien faire du vélo, du tennis, du golf, manger au restaurant". La dernière passion de Noël ? Les voitures et les montres. "Avec Théo Letitre, on s’intéresse aux voitures sportives qui font du bruit (rire). J’ai déjà testé la conduite sur glace il y a trois ans, c’était cool. J’aime bien regarder la Formule 1, la moto aussi, mais je n’y connais rien en mécanique". Mais pas de là à envisager une reconversion sur le Dakar, comme d’autres skieurs avant lui : "Non ! C’est impressionnant, c’est trop l’aventure pour moi"

Épicurien, Clément Noël, diplômé d’un bac scientifique obtenu avec 18,30 de moyenne, n’en reste pas moins un être humain, avec ses défauts. Sans entrer dans le détail, Christophe Saioni évoque quelques parties de cartes : "Clément est assez joueur aussi. C’est un malin…". D’autres parlent plus de son goût pour la fête, notamment dans les nuits de Val d’Isère. Et lui-même ne s’en cache pas : " Le lycée, c’était la belle époque. Entre 15 et 18 ans, je ne pensais pas qu’au ski… J’ai bien profité, ça ne m’a pas fait de mal. Mais aujourd’hui, je ne peux pas avoir cette hygiène de vie (rire)".

Pour David Chastan, c’est son aspect tête en l’air qu’il faut corriger : "Il faut toujours checker, il a tendance à oublier des choses".  Mais au final, plus on lui cherche des défauts, et plus on retombe sur des qualités. En témoigne Christophe Saioni : "Ce côté nonchalant qui peut énerver fait aussi que la pression lui passe au-dessus. Le fait d’aller toujours à fond fait qu’il perd du temps à un endroit mais qu’il gagne à la porte suivante. En fait, le mec a juste envie de gagner". Cela tombe bien : c’est ce que toute la France attend de lui ce dimanche 21 février à Cortina d’Ampezzo.

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