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ENTRETIEN. "On s'aperçoit que notre manière de voir les choses a évolué", confient Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron pour la sortie de leur livre

Le couple de patineurs français, champion olympique et champion du monde, revient sur huit années déterminantes de leur carrière dans un livre souvenir.

Article rédigé par Maÿlice Lavorel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron lors des championnats du monde à Montpellier, le 26 mars 2022. (PASCAL GUYOT / AFP)

Ils ont vécu un début d'année 2022 doré, avant de ralentir le rythme. Champions olympiques, le dernier titre majeur qu'il leur manquait, à Pékin en février, champions du monde devant le public français à Montpellier en mars, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont annoncé en juin faire un "petit break" de la compétition. A l'occasion de la sortie de leur livre "En or, les coulisses de nos années olympiques", (éditions Marabout) les champions français retracent le fil de leur carrière pour franceinfo: sport. 

Franceinfo: sport : comment est venue cette idée d’écrire le livre, quelle est la genèse du projet ?

Gabriella Papadakis : C’était une suite logique après tout ce qui nous est arrivé. Et on a eu la chance d’avoir été suivis pendant huit ans par Clémentine Blondet [journaliste à L'Equipe], qui nous a interviewés toutes ces années. Cela paraissait comme couler de source qu’elle écrive aussi notre histoire. 

Guillaume Cizeron : On a commencé par un rendez-vous avec la maison d’édition, pour prendre contact avec eux, voir ce qu’ils faisaient. On a aussi parlé de nous et de nos envies. L’idée, c’était de regrouper beaucoup d’images, et d’avoir des choses que le public n’avait pas encore vues, un peu moins officielles. Assez rapidement, on s’est entendu sur le fait de raconter ces huit dernières années, nos deux Jeux olympiques, pour ne pas raconter 18 ans d’un coup. On s’est donc concentré sur la partie plus “adulte” de notre carrière, à partir de la transition à Montréal.

Cela n’a pas été trop difficile de travailler à deux, de se mettre d’accord sur quoi raconter et comment le raconter ?

GC : Ce qui a été difficile, c’est de se joindre pour travailler et faire les entrevues à distance (rires).

GP : A un moment, lui était en Thaïlande, j’étais à Montréal, et Clémentine était en France, et c’était assez complexe pour organiser les rendez-vous !

GC : Il a fallu aussi retrouver des photos d’il y a huit ans, des souvenirs, des écrits. Et aussi se remémorer tout ce qu’il s’est passé sur ces huit ans, on n’a pas forcément une mémoire d’éléphant… Mais là dessus, Clémentine nous a bien aidé : elle se souvenait de tout.

Vous revenez notamment sur le déménagement à Montréal en 2014. A quel point cela a été déterminant dans la suite de votre parcours ?

GP : C’est là qu’on a vraiment commencé à travailler avec l’équipe d’entraîneurs qui nous a suivis jusqu’à maintenant, et qui a fait une grosse partie de notre succès. Ça a été un gros changement d’un coup. On était dans un environnement beaucoup plus professionnel que lorsqu'on était plus jeune, dans des infrastructures plus nombreuses, plus aptes à accueillir un centre d’entraînement. Cela correspondait aussi à un âge où on était plus disponible pour faire des progrès : on n'allait plus à l’école, donc on pouvait davantage s’entraîner, pour se préparer au succès. 

On retrouve également le souvenir de vos deux Jeux olympiques, à commencer par le “cauchemar” de 2018

GP : J’ai dit ce mot une fois dans une interview, et ça continue de me suivre (rires). C’est un souvenir décevant, forcément. L’accident en tant que tel était difficile, mais je pense que beaucoup d’athlètes ont vécu une compétition où ça ne s’est pas bien passé. Ça me fait rire à chaque fois que j’entends cauchemar parce que c’est le terme que j’ai utilisé juste après. C’est sûr que c’était exacerbé. Maintenant, je ne le ressens plus du tout comme ça.

Quatre ans plus tard, il y a l’or tant attendu à Pékin, un souvenir plus frais et plus joyeux. Comment prend-on du recul pour mettre des mots sur cette expérience ?

GC : Nos réflexions sur les médailles qu’on a eues, les choses qu’on a vécues, varient beaucoup avec le temps. On a tendance à normaliser avec le temps. Mais c’est bien de revenir dessus de temps en temps, on voit à quel point notre manière de voir a évolué. Sur le moment ça passe tellement vite que c’est presque irréel, on n'a pas le temps de se poser. Tout ce qui vient juste après l’événement, c’est vraiment de la réaction instantanée. Même si c’est parfois difficile de répondre à des questions longtemps après, on ne se souvient pas précisément de ce qu’on ressentait, de ce qu’on pensait. On a essayé de se repencher sur l’événement avec le plus de clarté possible.

Patinage artistique : le passage du couple français Papadakis-Cizeron en danse rythmique_copy

On a le sentiment que ce sont vraiment deux titres indissociables, le ressentez-vous comme ça aussi ?

GC : Ce sont deux expériences différentes, qui ne sont pas opposées ou en contraste. Dans nos têtes, c’était ‘on ne l’a pas eue la dernière fois, donc là, c’est pour nous’, mais je crois qu’on a toujours essayé de ne pas faire de lien artificiel, ou d’ajouter cette pression. On voulait gagner, mais ce n’était pas nécessairement en réaction à une défaite. En tout cas, on essaye de ne pas l’inscrire comme ça dans notre histoire.

GP : La médaille d’or, on la voulait absolument la première fois, on ne l’a pas eue. On la voulait à nouveau la deuxième fois, comme c’était le cas quatre ans plus tôt. C’était une envie d’athlète et de compétiteur, de vouloir gagner absolument, pas forcément en réaction à ce qui s’est passé avant.

Vous abordez aussi votre rivalité avec les Canadiens Tessa Virtue et Scott Moir, sortis de leur retraite en 2015 pour venir s’entraîner à Montréal. Cela vous a-t-il poussé à élever le niveau et donner encore plus pour progresser ?

GP : Sur le moment, on n'a pas forcément eu tout le recul qu’on a aujourd’hui. Sur le coup, on a trouvé ça très difficile, et on ne s’en est pas toujours réjoui. Maintenant, avec le temps, on est beaucoup plus capables de voir à quel point ça nous a poussés à nous dépasser. Ils avaient toute une expérience qu’on n’avait pas dont on a pu s’inspirer. Ça a été quelque chose de très fort dans notre histoire. Ça n’a pas été toujours plaisant de devoir les affronter, mais ça a été très formateur.

Vos souvenirs se terminent sur la fin de la saison 2022 et le titre de champion du monde devant le public français à Montpellier. Quelle place a cette journée dans votre histoire ?

GC : C’est vraiment un des plus beaux moments de notre carrière. C’était parfait, c’était en France, à la fin d’un cycle. Tous les éléments étaient réunis, les étoiles alignées. On était fatigué, mais très présent pour vivre le moment. Avec un certain recul aussi, comme on venait de vivre des moments de stress intense, c’était une expérience pas comme les autres. Toute notre famille était là, on avait un soutien important. On l’a abordé comme une célébration de notre carrière, de notre année, et on s’est fait plaisir sur la glace. Le public a fait énormément de bruit, ça reste un souvenir très fort.

Le couple français est champion du monde pour la 5ème fois de sa carrière ! Après leur titre de champions olympiques, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont réalisé un programme parfait et battent même leur propre record du monde !
Programme libre couple : Papadakis et Cizeron champions du monde ! Le couple français est champion du monde pour la 5ème fois de sa carrière ! Après leur titre de champions olympiques, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont réalisé un programme parfait et battent même leur propre record du monde !

Surtout après des Jeux à huis-clos, dans une atmosphère un peu plus feutrée ?

GC : On sentait vraiment que les gens étaient venus d’autant plus qu’ils ne pouvaient pas être là en Chine. C’était le cas de nos familles, par exemple. C’était un moment fort, devant un immense stade. Cela ne nous arrive pas si souvent d’être face à une salle complète, c’était un contraste avec les Jeux où il n’y avait personne. C’était un moment magique.

Juste après, vous avez annoncé faire une pause et ne pas participer à la compétition cette saison. Quel est le prochain chapitre de l’histoire ?

GP : On va faire des spectacles qu’on n'a jamais faits. Il n’y a pas beaucoup de sport où tu peux pratiquer sans que ce soit de manière compétitive. Gagner sa vie, faire ce que tu aimes de cette manière-là, c’est une chance. On profite, on a de belles opportunités. Pour l’instant, c’est ça le plan.

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