JO d'hiver 2030 en France : avec le réchauffement climatique, cette compétition a-t-elle encore de l'avenir ?
Est-ce encore bien raisonnable d'organiser des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver ? La France pense que oui. La candidature des Alpes françaises pour 2030 a été la seule retenue par le Comité international olympique (CIO), mercredi 29 novembre. Sauf cataclysme, elle devrait être officiellement choisie en juillet 2024. Et permettre à la France de réaliser un doublé peu commun, après avoir accueilli les Jeux d'été à Paris en 2024.
Alors que les effets du dérèglement climatique causé par les activités humaines sont de plus en plus visibles en France et dans le monde, Emmanuel Macron a promis des Jeux "durables". Le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), David Lappartient, assure que la "candidature a bien sûr pris en compte les enjeux de transition et ceux du réchauffement climatique". Les décideurs avancent que 85% des sites proposés existent déjà ou seront des installations temporaires. Mais cette candidature française clive malgré tout. Plusieurs ONG, associations et élus se sont opposés à un projet dont ils questionnent la pertinence, pointant notamment le coût environnemental de la neige artificielle.
Des chutes de neige de plus en plus incertaines
Le président du CNOSF a balayé ces critiques, martelant que les pistes seront "très majoritairement" recouvertes de neige naturelle, et que le recours aux canons à neige sera limité. Mais ce débat illustre les conséquences bien réelles du réchauffement climatique sur les Jeux d'hiver, comme sur bon nombre de compétitions sportives organisées en montagne à cette saison. Si le patinage artistique, le hockey sur glace et tous les autres sports d'intérieur ne souffrent pas vraiment de la hausse des températures, les épreuves disputées en plein air – ski alpin, ski de fond, biathlon, snowboard – sont dépendantes de la météo, de l'enneigement et donc du climat.
Plus les années passent et moins les candidats susceptibles d'organiser les Jeux olympiques d'hiver, en février, et les Jeux paralympiques, en mars, sont nombreux. Selon une étude publiée en 2022 dans la revue Current Issues in Tourism, seuls quatre des 21 sites où ont eu lieu les Jeux d'hiver depuis 1924 seront certains de pouvoir accueillir un tel événement en 2050, si les émissions de gaz à effet de serre continuent de suivre la trajectoire actuelle. La ville hôte des premiers JO hivernaux, Chamonix, est ainsi jugée "pas fiable", comme Grenoble et sept autres villes. Huit sites présentent un risque "marginal" de conditions météo inadaptées, dont Albertville. A l'horizon de la fin du siècle, Sapporo (Japon) est la seule ancienne ville organisatrice qui pourrait encore accueillir la grande-messe des sports d'hiver sans encombres – elles seraient huit si le réchauffement est limité à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, comme le prévoit l'accord de Paris.
Cette incertitude grandissante s'accompagne d'une augmentation du recours aux flocons artificiels. La pratique a commencé aux Jeux de Lake Placid (Etats-Unis), en 1980. Puis il y a eu les JO de Vancouver, en 2010, et leurs livraisons de neige par hélicoptères ; ceux de Sotchi, en 2014, et leur poudreuse stockée plusieurs mois en amont ; et enfin les Jeux de Pékin, en 2022, les premiers à se tenir sur une neige 100% artificielle.
Des conséquences multiples pour les athlètes
Les auteurs de l'étude publiée par Current Issues in Tourism ont interrogé près de 400 athlètes et entraîneurs sur les conditions idéales pour la compétition. Les sportifs privilégient une neige damée ou artificielle, en raison de sa densité et de sa fiabilité. Ils redoutent en revanche les conditions atmosphériques – variations de température, vent, brouillard – qui peuvent rendre la neige molle ou impraticable. "La température est aussi importante, sinon plus, que la présence ou non de neige naturelle", explique à franceinfo Daniel Scott, géographe canadien et auteur principal de l'étude.
A ce titre, "c'est probablement mieux de faire [les JO d'hiver] en France qu'en Arabie saoudite, qui doit organiser les Jeux asiatiques d'hiver en 2029", observe Michaël Ferrisi, fondateur du média Ecolosport, qui s'intéresse à la transition écologique dans le sport professionnel. "Mais les Jeux, et par extension les compétitions qui se déroulent en hiver, ne sont plus très viables."
L'annulation des quatre épreuves de descente de Zermatt-Cervinia, entre la Suisse et l'Italie, mi-novembre, a rappelé les difficultés de la Coupe du monde de ski à composer avec le changement climatique. En France, une étude estimait en août que 93% des stations des Alpes et 98% de celles des Pyrénées seraient en péril si le réchauffement climatique atteint +3°C par rapport à l'ère préindustrielle. Une trajectoire que les politiques actuelles dessinent à l'horizon 2100.
"Il y a deux options : soit on prend acte [du changement climatique] et on se tourne vers un modèle plus sobre, soit on reproduit ce qui a été fait à Pékin, avec un enneigement artificiel."
Michaël Ferrisi, spécialisé dans la transition écologique du sport professionnelà franceinfo
Pour David Roizen, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès et spécialiste des questions liées au sport, la sobriété n'est pas à l'ordre du jour : "Le CIO, comme les autres grands organisateurs d'évènements sportifs, poursuit une course au gigantisme. Le poids des sponsors est tel qu'on continue comme avant, sans se poser la question de l'impact environnemental."
Le CIO à la recherche de "solutions pour l'avenir"
Le Comité international olympique a pourtant entamé une réflexion autour des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver et leur viabilité à l'heure du changement climatique. En 2022, sa commission exécutive avait notamment approuvé l'introduction de deux critères pour le choix des hôtes des futurs Jeux d'hiver : le recours à des sites existants ou temporaires, ainsi que des conditions "fiables sur le plan climatique jusqu'au milieu du siècle au moins".
Selon les études commandées par le CIO, seuls dix pays seront encore en mesure d'accueillir les Jeux d'hiver d'ici à 2040, contre une quinzaine aujourd'hui. Son président, Thomas Bach, avait reconnu en octobre que les organisateurs devaient "adapter les Jeux d'hiver compte tenu de l'impact du changement climatique, et chercher des solutions pour l'avenir". "Plus les années vont passer et moins les options seront nombreuses, alors que la question environnementale va grandir", prédit David Roizen.
Les Jeux olympiques d'hiver ne sont pas pour autant condamnés. "Il y aura des sites hôtes fiables sur le plan climatique en Amérique du Nord, en Europe et en Asie jusqu'à la fin du 21e siècle", estime Daniel Scott. Mais le chercheur se montre plus pessimiste au sujet des Jeux paralympiques, qui se déroulent traditionnellement en mars, après la quinzaine olympique. Un mois "beaucoup plus menacé par le changement climatique". Pour le géographe, les avancer en février, voire les organiser simultanément dans une autre ville ou un autre pays, pourrait s'avérer impératif.
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