: Reportage Mondiaux de ski alpin 2023 : "Depuis qu'il est à Courchevel, Alexis se sent renaître..." Dans l'intimité du sacre avec la famille Pinturault
Avant qu’il ne s’élance sur l’Eclipse, certains osaient parler de crépuscule au sujet de la carrière d’Alexis Pinturault. Mais ce mardi 7 février 2023, dans la station qui l’a vu naître et grandir, "la Bête" savoyarde s’est réveillée après un an et demi d’hibernation et prouvé que, bien au contraire, elle était toujours au firmament du ski. Après le titre de 2019, le voilà de nouveau champion du monde du combiné, discipline la plus exigeante du ski alpin.
Une épreuve "qui lui tient à coeur, qu’il aime, qui est longue et difficile mentalement", confie Romane, son épouse, quelques minutes après le sacre. Encore embuée par l’émotion, celle qui le suit sur toutes les courses depuis des années enlève sa casquette d’attachée de presse, et laisse parler l’émotion : "C’est un moment incroyable. On ne peut même pas dire que c’est un rêve, parce qu’on n’osait pas en rêver. L’essentiel était de ne pas avoir de regrets. On se disait qu’une médaille, ce serait réussi. Et là il prend l’or, dès la première course…"
La fin des doutes
Dans la raquette d’arrivée de l’Eclipse, le froid qui a investi les lieux juste après la disparition du soleil derrière le col de la Loze, n’a pas éteint un public plus chaud que celui d'un stade de football. Romane Pinturault n’est pas la seule à être émue. L’atmosphère dégage une rare intensité après ce combiné alpin au scénario hollywoodien, qui a vu l’enfant du pays retrouver toute sa splendeur chez lui. "Il y a énormément d’émotions, on est en transe. C’est un titre de champion du monde qui vient du fond du coeur, glisse Bruno Tuaire, directeur du club des sports de Courchevel, avec la voix chancelante traduisant son émotion. "Il était dans le dur. Et là on attaque nos Mondiaux par une médaille d’Alexis à 200 m de chez lui, c’est magnifique". Mais le directeur du CS Courchevel n’a pas le temps d’aller fêter la victoire avec les siens.
"Mon président m’a appelé pour me demander l’autorisation d’aller rechercher plus de champagne (rires), mais nous on va bosser parce qu’il y a du boulot sur la piste !"
Bruno Tuaire, directeur du CS Courchevelà franceinfo: sport
La fête bat toutefois son plein dans l’aire d’arrivée, avec un public longtemps exalté mais qui a déserté les lieux au moment de la Marseillaise, pour être à l’heure lors de la vraie remise de médailles à Méribel, en début de soirée. Pendant qu’Alexis Pinturault enchaîne les sollicitations inhérentes à sa victoire, sa mère Hege attend sagement pour enlacer son fiston, avant de venir confier son émotion. "Je ne réalise pas encore… Il a skié comme une fusée. Il m’a bluffée. Il a été très bon sur le slalom, c’est mérité, savoure celle qui arpentait cette même piste enceinte de lui. Il était déjà sur l’Eclipse avant même de naître", sourit-elle. Pourtant, le chemin a été long avant de revenir y décrocher un titre mondial.
Au sommet du ski mondial en 2021 en remportant le classement de la Coupe du monde, le natif de Moûtiers trainait les échecs depuis. Une perte de vitesse expliquée à tête reposée par son épouse : "Avec le gros globe en 2021, il a atteint ce qui l’animait. Derrière, il s’est retrouvé un peu perdu. Il se posait la question, "Est-ce que je suis encore à ma place ?". Mais il avait l’envie de gagner de nouveau. On espérait que les JO de Pékin redonnent ce petit espoir, ça n’a pas été le cas. Mais aujourd’hui, il a réussi à regagner, aux Mondiaux, et à la maison", réalise sa femme. La différence avec les JO de l’hiver dernier ? "Il n’a pas forcé les choses cette fois, il a pris son temps", avance Romane. Quelques instants plus tard, sa mère Hege complète : "Alexis n’aime pas rester sur un échec. Il ne laisse pas tomber."
"Il a pris du recul par rapport à ces Mondiaux chez lui, la pression, il s'est dit : 'Je vais simplement skier chez moi'. Ca ne lui arrive pas souvent, et quand il est là, il ne skie que sur le stade ici, alors qu’il adore l’Eclipse. Ce matin, il est parti skier comme pour une course quelconque, sans sentir cette pression."
Hege Wiig Pinturault, la mère d'Alexisà franceinfo: sport
Après un hiver compliqué en slalom, Alexis Pinturault avait choisi de faire l’impasse sur le dernier en date, à Chamonix, pour "repartir sur une page neuve", confie son épouse. Après quatre jours sous le soleil monégasque pour couper, il était revenu à Courchevel, en avance, pour travailler avec Stéphane Quittet, son coach, explique Romane : "On est revenus ici à la maison, et revoir la famille, retrouver nos habitudes dans un endroit qu’on aime beaucoup et qu’on voit peu l’hiver, ça lui a vraiment fait du bien". Quelques jours d'entraînements et de peaufinage des réglages avec son coach qui ont tout changé.
"Il a repris un peu de confiance, et puis il a toujours été bon dans la pente. Ce n’était pas facile hein, il gagne le super-G, il repart en premier du slalom, chez lui…", retrace le coach, étonné par le calme et la détermination de son poulain au départ du combiné : "C’était un favori-outsider, mais pas besoin de le motiver, il l’est suffisamment ici, à la maison. Il est libéré". Peut-être, aussi, entendait-il les chants incessants à sa gloire venu d'un public qui avait envahi la tribune officielle, mais aussi tous les recoins surplombant le Mur des braves.
"La boucle est bouclée"
Mais sur le moment, Alexis Pinturault était le premier surpris, précise Romane, avec qui il a attendu l’issue des deux manches dans le fauteuil de leader, avant de se jeter dans ses bras après le passage du dernier favori, Loïc Meillard. "Il m’a dit que c’était un miracle. Je lui ai répondu que non ! Il a fait la course aujourd’hui, sur les deux manches. Effectivement Marco Schwarz se bloque en bas, mais c’est le ski !", raconte Romane quelques minutes plus tard, pendant qu’Alexis savoure avec la foule, entre deux interviews.
"Ca fait des mois qu’il ne gagne plus. Combien de fois il m’a dit qu’il n’y arriverait plus, qu’il n’était plus capable de gagner. Mais si on le pousse, c’est qu’on pense qu’il en est encore capable."
Romane Pinturault, son épouseà franceinfo: sport
S’il aurait pu être inhibé par la pression de courir à domicile, il en a été tout le contraire, confie son épouse : "Je le trouve transcendé dans son quotidien, il est beaucoup plus jovial. Ce n’est pas volontaire, mais il est animé par quelque chose. Depuis qu’il est là, il se sent renaître. Donc merci d’être à la maison, merci Courchevel". A l’heure des politesses, Michel Vion, président français de la Fédération internationale de ski (FIS), vient à l’inverse remercier Alexis Pinturault : "Commencer comme ça, c’est super pour tout le monde, pour lui d’abord, pour l’équipe de France, et pour les organisateurs. Ca va créer une autre atmosphère".
Une breloque au goût spécial pour sa mère, qui a donné la vie au champion, et dont la discrétion toute la journée dans l’aire d’arrivée a fini par être trahie par un large sourire. Et au moment de quitter les lieux, en réponse à l'évocation de l'absence d'or olympique dans l'immense palmarès de son fils, la mère norvégienne de "la Bête" glisse, espiègle : "Une médaille d’or mondiale, comme ça, chez lui, c’est sûrement mieux qu’un titre olympique ailleurs."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.