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Grand entretien Antoine Dupont : "J'ai quasiment réalisé tous mes rêves d'enfant", déclare le meilleur joueur de rugby au monde

Article rédigé par Justine Saint-Sevin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Le demi de mêlée et capitaine des Bleus, Antoine Dupont, le 14 février 2022, à Paris. (JUSTINE SAINT-SEVIN / FRANCE INFO: SPORT)

 À seulement 25 ans, il est la nouvelle star du rugby français. En une d'un magazine ou sur la jaquette d'un jeu vidéo, le capitaine des Bleus se fait de plus en plus présent dans l'espace médiatique. Mais l'intéressé pense avant tout au terrain et aux victoires.

Sa notoriété grandit au moins aussi vite que son palmarès. Les louanges pleuvent sur Antoine Dupont, double champion de France (2019, 2021) et champion d'Europe (2021) avec le Stade toulousain, meilleur joueur du Top 14, puis du monde. Du fait de cette réussite sportive, le demi de mêlée et capitaine des Bleus, qui mènera le XV de France face à l'Ecosse samedi 26 février dans le Tournoi des six nations, est en plus présent hors des terrains. A 25 ans, alors que son image fait l'objet de toutes les convoitises, "Toto" s'installe dans le cercle fermé des athlètes français qui dépassent les frontières de leur sport.

Après la une de GQ, le voilà sur la jaquette du jeu vidéo Rugby 22 dont il est devenu l'ambassadeur. "Une chance", pour le responsable produit de Nacon (qui édite le jeu), Clément Nicolin. "On est un studio français, donc on avait envie d'avoir un joueur français. Quand on a approché Antoine et qu'on a fait la jaquette, il n'avait pas encore été élu meilleur joueur du monde même si on croisait les doigts pour que ça arrive. En tant que fans, on est super contents, et c'est aussi un super timing."

A l'occasion de cette nouvelle opportunité, franceinfo: sport a rencontré le natif des Hautes-Pyrénées, le 14 février. Antoine Dupont a évoqué avec nous son nouveau statut médiatique, son image, mais aussi ses priorités : le rugby, l'équipe de France et gagner d'autres titres.

Franceinfo: sport : Une pléiade de titres avec Toulouse, une attention grandissante autour de l'équipe de France, sur le plan personnel un sacre de meilleur joueur du monde il y a peu... Qu'en penserait le petit Antoine, qui a débuté le rugby à Castelnau-Magnoac ?

Antoine Dupont : C'est difficile de réaliser, encore plus quand on est au cœur de tout ça. Même mes proches, ceux qui me connaissent depuis tout petit, ne se rendent pas vraiment compte de là où j'en suis aujourd'hui. Au final, c'est tant mieux, parce que je ne pense pas avoir changé par rapport à l'homme que j'étais il y a quelques années. Après, c'est sûr que si on m'avait dit ça quand je jouais au ballon dans mon jardin, j'aurais eu du mal à le croire.

Antoine Dupont célèbre le sacre de champion de France du Stade toulousain, le 25 juin 2021 au Stade de France. (JEAN CATUFFE / AFP)

Au final, je remplace les idoles que j'avais quand j'étais petit. Quand on fait la rétrospective, il y en a eu du chemin. J'ai quasiment réalisé tous les rêves que j'avais faits enfant.

Aviez-vous dès le début comme ambition de fouler la pelouse d'un Stade de France plein, même de façon hypothétique ?

Non, même si j'ai toujours dit que je voulais être rugbyman professionnel. Je n'étais pas du style à faire des plans de carrière, à me dire qu'il fallait à tout prix être en équipe de France. Même quand j'ai commencé à jouer en équipe professionnelle, je n'y pensais pas tellement. Cela me semblait loin. Et un jour, ça m'est presque tombé dessus. Quand j'avais 20 ans, je suis arrivé en équipe de France après qu'un joueur s'est blessé. Je ne m'y attendais pas du tout. Mais une fois qu'on commence à y goûter, c'est dur d'en sortir (rires).


Cela reste assez rare de voir des rugbymen exporter leur image hors du terrain. Avant vous, il y a notamment eu Dan Carter, Jonny Wilkinson, Sébastien Chabal et Frédéric Michalak. Qu'est-ce que cela vous évoque d'entendre votre nom accolé à cette liste ?

Je préfère être cité dans l'élite des joueurs qui ont un palmarès (rires). Ça ne concerne pas ces joueurs-là, mais il y en a qui sont connus en dehors des terrains et qui ne vont pas forcément gagner ou marquer leur sport, ce qui reste l'essentiel.

La priorité, c'est la performance, le terrain. S'il y a du plus qui en découle, c'est tant mieux. Ça fait toujours plaisir de voir son image sortir un peu du cadre et de pouvoir inspirer les plus jeunes. En ce moment, ça se passe bien dans les équipes dans lesquelles je joue. Après, ça peut aussi être à double tranchant selon les performances. C'est pour ça qu'il ne faut pas oublier que le terrain reste maître.

Aujourd'hui, vous êtes sûrement le plus médiatisé parmi vos coéquipiers, tant à Toulouse qu'en équipe de France. Vous êtes devenu l'étendard du rugby français. Comment gérez-vous tout cela ?

La visibilité est grandissante, d'autant plus qu'il y a de bons résultats. On commence à enchaîner les résultats avec l'équipe de France. De par mon poste, je suis forcément plus mis en avant. Je ne me concentre pas là-dessus, je vais plus faire en sorte de faire du mieux que je peux pour que les résultats continuent d'être bons, et tout devrait suivre normalement.

Antoine Dupont entouré de Julien Marchand (à gauche) et Cyril Baille après la victoire des Bleus contre l'Irlande, le 12 février 2022 au Stade de France. (FRANCK FIFE / AFP)

Au quotidien, il faut arriver à faire le tri, à bien s'entourer. Ce n'est pas évident car, quand il y a beaucoup de médiatisation autour de soi, il y a beaucoup de sollicitations. Je suis associé avec Bros [Bros. Agency], qui gère toute ma communication, et avec qui j'échange quasiment quotidiennement. C'est aussi important pour moi de recueillir les avis des gens qui me connaissent réellement, comme les amis proches ou la famille. Ils ont un œil extérieur et peuvent donner de bons conseils sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire.

Mettez-vous des limites dans le choix des partenaires, des causes auprès desquelles vous souhaitez vous engager ?

La première limite, c'est que ça n'empiète pas sur ma performance sportive et sur l'état de santé. Si un jour, on sent qu'on a besoin de récupérer, qu'on a besoin de faire des soins, il ne faut surtout pas privilégier une opération commerciale, peu importe les conséquences. Il faut arriver à garder ce leitmotiv et à ne pas s'éparpiller. C'est aussi pour ça qu'il faut être bien accompagné.

Antoine Dupont - Extrait Interview

D'un point de vue extérieur, vous êtes plutôt perçu comme quelqu'un d'introverti, loin en tout cas du caractère d'aboyeur qui accompagne souvent l'image du demi de mêlée. Vous considérez-vous comme quelqu'un de discret ?

J'ai eu assez rapidement l'image de quelqu'un d'un peu introverti parce que je ne vais pas spécialement me mettre en avant. C'est vrai que ce n'est pas ce que j'aime le plus, mais ceux qui me connaissent savent que quand je suis à l'aise, quand je connais les personnes ou quand j'ai des choses à dire, je n'ai aucun souci pour les dire, que ce soit avec l'équipe de France ou le Stade toulousain.

"Au final, quand on parle moins, on est peut-être plus écouté aussi."

Antoine Dupont, capitaine du XV de France

à franceinfo: sport

Dans tous les cas, ça reste ma nature. Je ne vais pas changer sur ça.

Que faites-vous quand vous avez besoin de vous évader, de souffler ?

J'ai la chance d'être à Toulouse, où j'ai pas mal d'amis d'enfance qui sont avec moi, avec qui je peux passer du temps dès que je ne suis pas sur les terrains. J'ai aussi les Hautes-Pyrénées et d'où je suis originaire, qui sont juste à côté. Si jamais j'ai envie de couper, je suis à une heure de voiture de chez moi où les sujets de discussion ne sont plus les mêmes, et c'est vrai que ça fait du bien de temps en temps.

Dans le cadre de votre dernier partenariat, vous voilà image de marque de Rugby 22, un jeu vidéo de rugby. Faites-vous partie de ces sportifs qui sont aussi des "gamers" ?

J'ai moins de temps maintenant, mais quand j'étais petit, je jouais aux jeux vidéo, notamment aux jeux de rugby et, évidemment, je regardais toujours quel joueur était sur la jaquette. Et c'était un joueur que j'admirais. 

"On est une nouvelle fois sur une inversion des rôles avec mes modèles : petit, j'admirais ces joueurs, et au final je me retrouve à leur place sur l'image d'un jeu. C'est marrant et j'en suis aussi fier."

Antoine Dupont

à franceinfo: sport

C'est un sport assez dur à simuler sur des jeux vidéo. Les créateurs ont fait l'effort de venir nous voir en équipe de France pour faire la photogrammétrie qui permet d'avoir les visages réels dans le jeu et donc de défendre cette idée de réalisme. Pendant longtemps, ça n'a pas été le cas dans les jeux de rugby. Au moins, dans celui-là, on a les vrais visages, les maillots, les équipes qu'on voit jouer tous les week-ends. Il m'a fallu quelques matchs pour me régler, mais je commence à retrouver les situations de jeu du terrain.



Ce n'est pas un peu étrange de jouer avec son propre joueur ?

Si, si (rires). Ça fait quand même bizarre de voir son nom sur la console. En plus, moi, je suis demi de mêlée, ce n'est pas évident de me faire briller, j'arrive moins à anticiper les placements. Sur le terrain, je ne contrôle que moi. Là, il faut contrôler toute l'équipe, donc c'est moins facile. Pour le moment, j'ai les bases mais il me faudrait plus de temps pour que je puisse faire des cadrages débordements, des raffuts.

Certaines personnes se passionnent d'autant plus pour un sport après l'avoir découvert autrement via un jeu vidéo. Le fait d'être sur la jaquette, en tant que meilleur joueur du monde, est-il aussi un moyen de toucher éventuellement un autre public ? 

Bien sûr. Quand on fait partie de l'équipe de France, qui reste la tête d'affiche du rugby français, on sait que lorsqu'elle marche bien, les licenciés affluent. Notre président [Bernard Laporte] est là pour nous le rappeler régulièrement et il a raison. Si nous, joueurs, individuellement on peut aussi apporter notre pierre à l'édifice en donnant envie à des jeunes de venir essayer le rugby, de se mettre à jouer, ce ne sera que du positif.

Le capitaine du XV de France, Antoine Dupont, contre l'Irlande, dans le Tournoi des six nations, le 12 février 2022. (FRANCOIS MORI / AP)

Il y en a qui vont tester le jeu et qui n'ont jamais joué au rugby, qui ne connaissent pas bien le sport, et c'est vrai que ça peut déjà leur faire découvrir l'univers, les équipes. En tout cas, si jouer au rugby sur la console peut donner envie de jouer sur le terrain et que je peux y participer, je serai content.

En dehors de vos partenariats actuels, y a-t-il des causes particulières auxquelles vous tenez et auprès desquelles vous voudriez vous investir ?

Ce sont justement les prochaines étapes sur lesquelles je suis en train de travailler. On a beaucoup de sollicitations variées, même dans le milieu associatif, on a beaucoup de demandes. C'est assez dur de faire le tri et de savoir auprès de quelle cause on peut s'engager.

Que peut-on vous souhaiter sur et hors du terrain dans les mois et années à venir ?

Honnêtement, pour le moment, je n'ai pas trop à me plaindre, donc que ça continue comme ça. La santé et des titres, encore, j'espère.

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