Mondiaux de natation : papillon, brasse, dos et crawl... Comment apprendre à nager correctement les quatre nages ?
Insolent de facilité tout au long de la semaine, Léon Marchand a crevé l'écran en s'imposant comme le nouveau roi des bassins, mais aussi, et surtout, comme le nageur le plus polyvalent de la planète. À l'occasion de la dernière journée des Mondiaux de Fukuoka, dimanche 30 juillet, nous nous sommes justement penchés sur les quatre nages (papillon, brasse, dos et crawl) qui vont clore la compétition, à l'issue des relais 4x100 m.
"Je crois que nager correctement pour un athlète qui est ici [à Fukuoka], et nager correctement pour 'Jean-Michel Lambda', ce n'est pas du tout la même chose," rappelle Quentin Coton, maître-nageur et ex-champion de France du 400 m 4 nages (2012 et 2014). "Avant toute chose, pour apprendre à nager correctement, il faut prendre des cours, une dizaine, ou une quinzaine, que vous soyez jeune ou moins jeune d'ailleurs", surenchérit Camille Lacourt, quadruple champion du monde (50 et 100 m dos) entre 2011 et 2017.
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Pour vous permettre de nager comme il faut le papillon, le crawl, la brasse ou le dos, franceinfo: sport vous décrypte ce qu'il faut faire et ne pas faire dans l'apprentissage de chacune des quatre nages.
Le papillon : la plus inaccessible
Le papillon impressionne, surtout quand c'est Léon Marchand qui touche le mur à l'arrivée en premier. C'est normal, car il s'agit de la nage la plus spectaculaire et la plus inaccessible par sa dimension physique. Elle exige force et tonicité, et ce qui rend particulièrement difficile sa pratique réside avant tout dans le fait de "coordonner la tête avec un mouvement des bras et un mouvement de tout le corps qui se finit jusqu'au pied", observe Quentin Coton, qui décrit indirectement ici la fameuse ondulation, ce mouvement aquatique qui rappelle souvent celui d'un dauphin. Ensuite, c'est la respiration qui est le plus dur à assimiler."
"Quand j'apprenais à des gens à nager le papillon, naturellement, la respiration n'était pas mise au bon moment. Ils vont essayer de tirer avec les bras et après de respirer. Alors qu'il faut commencer à tirer et à respirer un peu en même temps."
Quentin Coton, maître-nageur à Antibes et coach de Florent Manaudouà Franceinfo: sport
Ne croyez pas qu'il faut forcément se lancer dans la natation très jeune pour parvenir à nager le papillon. "C'est compliqué d'apprendre ça quand on est âgé, mais je l'ai appris à ma maman. Donc à plus de 50 ans, c'est possible aussi", assure Quentin Coton, qui donne une petite astuce pour se lancer : "Au début, c'est plus facile avec les palmes parce qu'on peut davantage s'appuyer sur l'ondulation. Puis avec le tuba aussi, c'est plus facile parce qu'il n'y a pas la respiration. Il n'y a rien d'impossible en tout cas !"
Imiter le dauphin sous l'eau, tout seul comme un grand, est également un bon moyen d'apprendre les bases de l'ondulation. Ensuite, les cours permettent surtout de perfectionner la coordination entre le bas et le haut du corps.
> Le conseil de Camille Lacourt
"Le papillon, c'est la nage qui semble être la plus difficile car c'est la plus énergivore. Il faut donc essayer de rester le plus plat possible. Léon Marchand le fait très bien. La différence entre les nageurs du dimanche et ceux qui deviennent pros, c'est que ces derniers font beaucoup moins de distance. Les nageurs qui ne sont pas professionnels vont lever la tête et tout le buste très haut pour respirer, puis plonger très profond et faire le canard. Toute cette distance vers le haut et vers le bas fait qu'ils ne vont pas vers l'avant. Les vrais nageurs sortent juste la tête et les épaules, alors que les hanches restent à la surface. Il faut donc vraiment essayer d'être le plus à la surface possible."
La brasse : la plus technique
Il faut d'abord rappeler quelque chose d'essentiel, qui viendra briser un cliché qui agace tout nageur qui se respecte : la "brasse coulée" n'existe pas ! La seule et véritable brasse qui existe n'est pas celle que vous faites tranquillement le dimanche matin dans le bassin de votre piscine municipale, la tête au-dessus de l'eau dans le but de maintenir votre joli brushing. La brasse est donc, contrairement aux idées reçues, la nage la plus technique. C'est la seule, lorsqu'elle est bien exécutée, où la propulsion des jambes sera plus importante que celle des bras, mais aussi "la seule nage où le retour des bras va se faire dans l'eau" observe Quentin Coton.
"Jamais les bras ne sortent de l'eau. On est vraiment totalement tout le temps immergé, hormis la tête et le mouvement du ciseau des jambes. Celui-là, pour le coup, soit on l'a, soit on ne l'a pas. Il y en a qui aiment bien appeler ça la grenouille."
Quentin Coton, ancien brasseurà Franceinfo: sport
Le bas du corps est donc mis à rude épreuve, car il faut parvenir "à ouvrir ses chevilles vers ses talons puis arriver à pousser avec l'intérieur des pieds et des tibias". D'autant plus qu'il n'y a pas d'autre moyen d'y arriver, "ça va au-delà d'être un bon ciseau, c'est la règle." Même à haut niveau d'ailleurs, l'entraîneur du sprinteur tricolore triple médaillé olympique l'assure, taquin mais très sérieux, "ici [à Fukuoka], il y a encore beaucoup d'athlètes qui ne savent pas nager la vraie brasse !" Et d'ajouter : "C'est une nage très spéciale. Parce que même dans une finale des championnats du monde ou d'Europe, quand on regarde les huit, il n'y en a aucun qui nage pareil."
> Le conseil de Camille Lacourt :
"La spécificité de cette nage, c'est que c'est la seule où on est obligé de respirer à chaque mouvement. On ne peut pas faire de la brasse sans respirer, en gardant la tête sous l'eau. C'est vraiment obligatoire de sortir la tête à chaque fois. Il y a également besoin de beaucoup de puissance au niveau des bras. C'est assez facile à faire. C'est un peu le début du mouvement de papillon. Il y a la même approche : le but, c'est de faire le moins de distance possible. Quand on est amateur, on monte très haut pour inspirer, et on fait le canard pour descendre avec un grand ciseau pour essayer de se propulser."
Le dos : la plus naturelle, mais...
Sur le papier, c'est sans doute la nage la plus accessible à toutes et tous. Notamment parce qu'il est naturel de flotter assez facilement sur le dos, en position "planche", sans faire le moindre effort. Mais dans les faits, et pour savoir bien nager le dos (là aussi, le "dos crawlé" n'existe pas), la réalité est bien différente. "On n'est pas chez nous dans l'eau, donc il n'y a rien de naturel dans la natation", avertit d'emblée Quentin Coton avant de poser les bases du dos en reprenant une célèbre référence humoristique. "Surtout, il faut rester aligné. Il ne faut pas trop que la tête bouge. Il faut réussir à tirer avec les bras sans voir où on va. Ce n'est pas facile pour tout le monde d'accepter d'aller quelque part sans regarder. Il y a le sketch de Gad Elmaleh avec "le blond" qui résume bien ! Il ne sait pas où il est. (rires)"
"C'est aussi beaucoup d'alignement et beaucoup de gainage. Quand on apprend le dos à un enfant, on va lui demander de garder la tête fixe pour que justement, le corps ne bouge pas dans tous les sens. Qu'on puisse se propulser vraiment sur un axe bien droit."
Quentin Cotonà Franceinfo: sport
Maintenir un axe droit et s'équilibrer avec un battement de pieds régulier : voilà la clé pour pouvoir déclencher un mouvement de bras de qualité, et bien synchronisé. Mais nager efficacement le dos, sans s'épuiser, cela demande de maîtrisier plusieurs gestes, bien connus d'un certain Camille Lacourt, triple champion du monde du 50 m dos. "Pour vraiment expérimenter la nage, il faut s'imaginer avoir une barre de fer qui va de la tête jusqu'aux hanches, et tourner autour de cet axe, explique notre consultant. Il faut juste pivoter un peu sur le côté, et ne pas se déhancher surtout. Il y a une vraie rotation. En fait, il faut vraiment que les épaules sortent. Quand on ramène le bras, l'épaule doit être hors de l'eau. Et il faut évidemment, par opposition, que l'autre bras soit sous l'eau pour pouvoir les tracter."
> Le conseil (en plus) de Camille Lacourt :
"Le but du dos, c'est d'aller chercher là où on a de la force. Un petit exercice sympa à faire : placez-vous sur le dos, puis essayez de sortir de l'eau en mettant la main sur le bord, et en poussant dessus pour remonter. Si tu essaies de pousser comme ça, tu n'as aucune force. Par contre, si tu essaies la même chose en rapprochant ton corps de ta main qui est sur le bord de la piscine, un peu sur le côté, tu as plus de force. Pour pousser, plus tu amènes ta main près de ton corps, et plus tu as de la force. Et en dos, le but du jeu, c'est de trouver de la force. Donc pour en trouver, il faut tourner les épaules."
Le crawl : la plus rapide
On termine bien sûr, comme sur un 200 ou un 400 m 4 nages, avec le crawl. Incontestablement, c'est la nage la plus pratiquée, que ce soit chez "monsieur et madame tout le monde", ou à Fukuoka cette semaine. Si elle vous donne la sensation d'aller vite, c'est normal, c'est bien la plus rapide. En revanche, il faut connaître quelques subtilités pour pouvoir la pratiquer sereinement, et donc garder une certaine vitesse tout en nageant plus ou moins longtemps. Là encore, ce sont vos bras qui vont surtout vous faire avancer, puisque ceux-ci tractent l'eau de l'avant vers l'arrière. Ensuite, l'objectif est de rester le plus droit possible, sans couler, tout en respirant comme il faut au bon moment.
"Les gens, au début, vont avoir besoin de regarder devant. Alors qu'il faut tourner la tête, et quand on la tourne, forcément, le corps va se décaler. On ne peut pas respirer en sortant la tête de face, donc rien que ça, c'est complexe. Il faut donc qu'on tourne la tête pour pouvoir respirer tout en gardant l'équilibre."
Quentin Coton, entraîneur de Florent Manaudou à Antibesà Franceinfo: sport
Un équilibre rendu possible, notamment, par un battement des pieds régulier, permettant alors au corps une flottaison optimale. "L'erreur que font tous les néophytes, et que beaucoup font encore au plus haut niveau, va consister à tourner les bras le plus vite possible pour aller plus vite", avertit par ailleurs Quentin Coton en bon maître-nageur. Aller vite, c'est bien. Mais nager longtemps, sans se fatiguer, c'est mieux.
> Le conseil de Camille Lacourt :
"Le crawl, je ne pense pas que ça soit la plus simple, mais quand on sait la faire, c'est celle dans laquelle on peut nager le plus longtemps et le plus vite. Comme le dos, il faut être très gainé et toujours bien dans l'axe. Le but, avec les bras, c'est d'aller loin devant, et loin derrière. En fait, il faut imaginer que son bras, c'est une pagaie. Donc quand on arrive loin devant, et qu'on pousse loin derrière, cela veut dire que la pagaie, elle, a fait toute cette distance, mais pour faire avancer le corps. On peut le faire avec une planche devant pour essayer de tracter son corps, de trouver cette efficacité tout en restant bien à plat. Après, ce qui pose problème avec le crawl généralement, c'est la respiration.
Il faut qu'il y ait un roulis des épaules, mais qu'il ne faut pas confondre avec l'action du corps. Il ne faut pas avoir peur de sortir l'épaule quand on ramène le bras. Et un peu à l'image du dos, quand on sort l'épaule, l'autre bras, il est sous l'eau, et donc ce roulis permet aussi de respirer. Car la respiration ne se fait pas devant, elle se fait sous l'aisselle."
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