Parc des Princes : le bras de fer entre le PSG et la mairie de Paris en 6 actes

Depuis 2015, le Paris Saint-Germain cherchait à acquérir le Parc des Princes mais il s'est heurté aux réticences de la mairie de Paris, toujours propriétaire de l'enceinte.
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Le Parc des Princes, stade du Paris Saint-Germain, photographié le 26 août 2023. (MATTHIEU MIRVILLE / AFP)

"C'est fini maintenant, on veut bouger du Parc". Nasser Al-Khelaïfi, le président du Paris Saint-Germain a, semble-t-il, posé un point final, le jeudi 8 février, à l'interminable roman-feuilleton qui liait son club au Parc des Princes. En affirmant cela à la direction des sports de Radio France, il clôt ainsi des années d'atermoiements et de revirements divers depuis le rachat du club parisien en 2011 par Qatar Sports Investments (QSI). 

À maintes reprises, le club a fait part de son souhait de racheter le Parc des Princes, pour enfin être propriétaire de son stade (comme les autres grands clubs européens), mais aussi pour porter sa capacité à 70 000 places. Sauf que ces ambitions se sont heurtées à la fermeté de la ville de Paris, dans un bras de fer qui s'est éternisé pendant plus de huit ans et qui a souvent viré au thriller politique. 

Acte I : le PSG déclare sa flamme

En 2013, le PSG et la mairie de Paris font un pas l'un vers l'autre, en signant une convention d’exploitation du stade pour trente ans, contre un loyer annuel de deux millions d'euros. De quoi permettre au PSG de s'offrir un petit lifting de l'enceinte, aux couleurs du club contre 85 millions d'euros. Dans les mois qui suivent, le sujet de la vente du Parc des Princes s'invite dans les débats lors des élections municipales dans la capitale. "Ce n'est pas un sujet tabou", assure alors Anne Hidalgo, au sujet d'un "bâtiment onéreux, dont les coûts d’entretien, estimés à 1 million d’euros annuel pèsent sur les finances locales", ajoute la future maire.

Mais c'est en octobre 2015 que le sujet de la vente s'invite dans le débat public. Le Parisien révèle que le PSG aurait fait une offre de moins de 100 millions d'euros à laquelle la mairie n'aurait pas donné suite. Anne Hidalgo monte alors au créneau, une première fois : "Il n'y a pas de discussion". Toujours est-il que la graine est plantée, avec les premiers arguments qui s'aiguisent dans chaque camp. Côté PSG, on refuse de jouer ailleurs que Porte de Saint-Cloud. Côté mairie, on explique qu'il est impossible d'agrandir le Parc des Princes à cause du périphérique qui passe en dessous. Le poker menteur est lancé.

Acte II : Nasser Al-Khelaïfi met la pression

L'automne 2022 touche à sa fin, et Nasser Al-Khelaifi en profite pour sortir du bois, à l'approche du Mondial au Qatar. Dans une interview à Marca, le président du PSG lâche la bombe : "Je crois que la mairie ne veut pas que nous restions au Parc, elle nous met la pression pour que nous partions". Offensif, Nasser Al-Khelaïfi ajoute : "Cela fait cinq ans que nous discutons avec eux. [...] Nous étudions d'autres options, car je pense que nous ne sommes plus les bienvenus au Parc des Princes. Ils jouent avec nous et nous en avons assez". La mèche est allumée, et ne tarde pas à embraser le microcosme politique parisien.

C'est Emmanuel Grégoire, premier adjoint d'Anne Hidalgo, qui rétorque : "La vente, on ne l’a pas exclue catégoriquement. Mais c’est au juste prix. Le PSG en propose 40 millions d’euros. C’est moins cher que Paredes. Franchement ?! Vous pensez vraiment que le Parc vaut moins que Leandro Paredes acheté 50 millions d’euros ?" Le début d'une bataille médiatique qui voit chacun y aller de ses chiffres. En réponse à cette sortie acide, Nasser Al-Khelaïfi hausse le ton dans l'Equipe : "Quelle est la valeur du stade sans le PSG ? Aucune. La mairie doit aussi se demander ce que le club rapporte à la Ville de Paris. S'ils pensent que l'on va investir 500 M€, on va simplement aller construire un nouveau stade."

Acte III : Anne Hidalgo ferme la porte

Début 2023, Anne Hidalgo profite de la période des vœux pour annoncer les siens au PSG, via une interview au Parisien : "Le Parc des Princes n’est plus à vendre. C’est une position ferme et définitive. Il s’agit d’un patrimoine exceptionnel des Parisiens". Le dialogue est rompu entre la mairie et le club, qui se dit "déçu et surpris" auprès de l'AFP que la mairie veuille "déloger le Paris Saint-Germain et ses supporters du Parc des Princes". Prise à partie, l'opinion publique (parisienne) ne demande qu'une chose : que le PSG reste au Parc, sa maison depuis 1974. D'ailleurs, personne ne croit réellement que les dirigeants qatariens osent quitter leur antre mythique estimé à 350 millions d'euros par le service urbanisme de la ville, et à 200 millions d'euros par le service des domaines.

Déterminée, Anne Hidalgo joue la carte de l'apaisement : "Il faut accompagner le PSG dans son envie et son besoin de rénovation, d’augmentation de la capacité, de modernisation du Parc". Pris en étau entre la fermeté de la mairie, et la main tendue par cette dernière, le club contre-attaque : "Il est évident qu’un investissement aussi important ne sera réalisé par le PSG que si nous devenons propriétaires du Parc des Princes. En refusant notre investissement très significatif, la maire fait peser une charge fiscale de plusieurs millions d’euros sur les contribuables parisiens". Un dirigeant du club, sous couvert d'anonymat, enfonce le clou en évoquant un "suicide financier" pour la municipalité qui devra débourser "30 millions d’euros rien que pour le mettre aux normes environnementales. Si jamais Mme Hidalgo pensait séduire les élus écologistes par cette décision..."

Acte IV : un mirage nommé Stade de France

Alors que la concession qui lie le Stade de France au consortium Vinci-Bouygues, signée en 1995, touche à sa fin, l'enceinte dionysienne suscite les convoitises. S'il rafle la mise, le PSG pourrait y déposer ses valises dès juin 2025. En plein bras de fer avec la mairie de Paris, le Paris Saint-Germain saisit cette opportunité et fait savoir, le 13 mars 2023, qu'il compte se porter candidat au rachat du Stade de France. Une perspective qui paraît peu probable, étant donné la réticence des supporters parisiens d'une part, et le fait de devoir partager l'enceinte avec l'équipe de France et le XV de France d'autre part.

Mais le PSG tient le bluff jusqu'en janvier 2024, date du dépôt des dossiers de rachat. Une source au club précise à l'AFP être allée "au bout de cette piste, qui n’était finalement pas la meilleure option", avant d'ajouter : "Cela ne signifie pas qu’Hidalgo gagne, bien au contraire. Avec Arctos [un fond d'investissement américain], nous avons des projets plus grands et meilleurs si Hidalgo refuse toujours de vendre". Le PSG profite alors de ce non-dépôt de dossier pour relancer le débat en prévenant que si la vente ne se fait pas, le club ne se privera pas de construire son propre stade.

Acte V : divisions internes à la mairie de Paris

C'est Emmanuel Grégoire qui s'avance pour répondre au club, en ce début d'année 2024. Mais, cette fois, l'adjoint à la mairie de Paris rouvre la porte à des négociations. Ce qui fait bondir un autre adjoint, David Belliard, du camp écologiste et contre la vente, qui le fait savoir au micro de Sud Radio : "Cela me poserait un problème que Paris vende le Parc des Princes au Qatar. Je m’opposerai à toute vente". Quelques jours plus tard, Nasser Al-Khelaïfi contre-attaque, une nouvelle fois, dans les colonnes du Parisien : "Certains disent : On reprend les discussions”, d’autres non. Est-ce que c’est parce qu’on est arabes ? Je ne sais pas. Est-ce que c’est légal de dire ça ?"

Sauf que, entre-temps, David Belliard se fait renvoyer dans les cordes par un autre adjoint d'Anne Hidalgo, Pierre Rabadan : "Les dirigeants du club doivent comprendre que David Belliard ne s’est pas exprimé au nom de la mairie de Paris". Trop tard pour le PSG, qui laisse entendre par médias interposés qu'il réfléchit bien à construire sa propre enceinte à Montigny-le-Bretonneux, sur l'hippodrome de Saint-Cloud ou à Poissy, près de son nouveau centre d'entraînement. Le tout en invoquant un nouvel acteur : Arctos, entré au capital du club ces derniers mois. "Une des conditions (du deal avec Arctos), c'est d'être propriétaire du stade. Sinon ? On part ! Et ce serait le pire choix", promet ainsi Nasser Al-Khelaïfi dans l'Equipe le 9 janvier 2024, avant de fixer une échéance : "On doit être fixés dans les trois mois, sinon on bouge."

Acte VI : le PSG jette l'éponge

Le président du PSG n'aura pas attendu la durée fixée. Jeudi 8 février, dans le cadre du congrès annuel de l'UEFA à Paris, il a affirmé que le club allait quitter le Parc des Princes :"C'est trop facile de dire maintenant que le stade n'est plus à vendre. On sait ce que l'on veut, on a gâché des années à vouloir acheter le Parc. C'est fini maintenant, on veut bouger du Parc". De guerre lasse, le Paris Saint-Germain abandonne donc la partie après que le vote du Conseil de Paris a maintenu que le stade était "l'appartenance du patrimoine de la ville".

De son côté, Nasser Al-Khelaïfi déplore le temps perdu. "Si la mairie avait tenu ce discours huit ans auparavant, le club aurait déjà cherché à bouger du Parc", et fait savoir que le club cessait de facto tous ses investissements en faveur du Parc des Princes. Le club ne s'étant finalement pas déclaré candidat au rachat du Stade de France, il doit désormais se tourner vers une troisième voie pour élire domicile. 

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