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Ligue Europa : Rennes-Shakhtar Donetsk délocalisé en Pologne... Comment les clubs ukrainiens gèrent la compétition loin de leur pays ?

Le Stade Rennais affronte le club ukrainien du Shakhtar Donetsk en Ligue Europa. Un match qui se jouera à Varsovie, hors d’Ukraine. En Ligue Europa conférence, c’est le Dnipro-1 qui doit composer avec la réalité de la guerre.
Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Le stade du Legia Varsovie aux couleurs de l'Ukraine avant le match entre le Shakhtar Donetsk et le Real Madrid en Ligue des champions, le 11 octobre 2022. (FOTO OLIMPIK / NURPHOTO)

Pour la deuxième fois de la saison en Ligue Europa, le Stade Rennais se rend en Pologne pour y affronter un club… ukrainien. En octobre dernier, l'équipe bretonne s'était rendue à Cracovie pour y disputer un match contre le Dynamo Kiev (1-0). Jeudi 16 février, les Rouge et Noir vont jouer à Varsovie, lors du barrage aller de la phase finale de la C3 contre le Shakhtar Donetsk. Le club du Donbass, comme le Dnipro-1 qui dispute la Ligue Europa conférence, poursuit ses activités professionnelles malgré la guerre qui frappe l'Ukraine.

Le Shakhtar, club déraciné depuis 2014

La guerre en Ukraine, qui a débuté le 24 février 2022, dure bientôt depuis un an. Le club du Shakhtar Donetsk n'a, lui, pas attendu pour apprendre à vivre avec les conséquences d'un conflit. L'opération russe dans l'est de l'Ukraine en 2014 a frappé le Donbass, région où se trouve la ville de Donetsk. "C'est la deuxième fois qu'ils [les Russes] essaient de me chasser de chez moi. D'abord de la région de Donetsk et maintenant tout le pays, c'est incroyable", a témoigné à l'AFP Oleksandr Zubkov, joueur du Shakhtar exempté comme tous les athlètes professionnels de la mobilisation générale qui concerne les hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans.

Depuis 2014, le Shakhtar s'est délocalisé à Lviv, Kharkiv puis Kiev. Mais c'est à Varsovie que le club joue ses matchs de Coupe d'Europe et qu'il a disputé la phase de groupes de la Ligue des champions, au cours de laquelle il a terminé troisième, avant d'être reversé en Ligue Europa. Le Stade Rennais va découvrir le stade du maréchal Jozef Pilsudski. Il accueille généralement le Legia Varsovie qui, à l'image de toute la Pologne, apporte une aide considérable aux réfugiés ukrainiens depuis le début de la guerre.

Face à Rennes, le Shakhtar va disputer son premier match officiel depuis le 23 novembre, en raison de la pause hivernale du championnat ukrainien qui reprendra fin février. Après le début de la guerre, le club originaire de Donetsk a vu de nombreux joueurs étrangers le quitter, mais également la star ukrainienne en devenir, Mykhaïlo Mudryk, transféré à Chelsea en janvier contre plus de 70 millions d'euros. Le Shakhtar a annoncé que près de 23 millions d'euros générés par l'opération serviront à l'effort de guerre ukrainien.

"Nous jouons pour l'Ukraine", a déclaré Sergei Palkin, le directeur exécutif du club, qui a précisé à CNN "être très fier de son équipe (…) après avoir perdu la moitié de son équipe et de son staff". Le fait de pouvoir jouer le championnat ukrainien, et ses matchs de Coupe d'Europe à l'étranger, permet au club de maintenir une façade de professionnalisme. Mais la réalité de la guerre rattrape souvent les joueurs du Shakhtar. Comme le matin du match de C1 contre le Real Madrid en octobre (1-1), après des frappes russes sur le territoire ukrainien. "Au petit-déjeuner, tous mes joueurs regardaient les informations sur les bombardements et tous pleuraient", a raconté Igor Jovicevic, l'entraîneur du Shakhtar, au Daily Mail.

Le Dnipro-1, seul club ukrainien basé hors du pays

Il y a un mois, le 14 janvier, le bombardement russe d'un immeuble à Dnipro provoquait la mort de 44 civils, l'un des bilans les plus lourds depuis le début de la guerre. Conscient que la ville, située dans l'est de l'Ukraine, serait l'une des cibles de l'invasion russe, le club du Dnipro-1 a rapidement quitté son fief au début de la guerre.

Contrairement aux autres équipes du pays, il s'est installé hors d'Ukraine, à Kosice (Slovaquie). C'est là-bas que le Dnipro-1, opposé à l'AEK Larnaca jeudi en barrages aller de la phase finale de la Ligue Europa conférence, recevra le club chypriote au retour, le 23 février. "À Kosice, c'est exactement comme si je vivais en France. On s'entraîne dans un stade flambant neuf, avec de supers équipements. C'est plus compliqué de l'autre côté, on sent une atmosphère un peu pesante", expliquait le 19 octobre au Parisien l'ancien joueur de Ligue 1 Fahrès Bahlouli, désormais à Dnipro-1.

Pour sa toute première saison en Coupe d'Europe, le club fondé en 2017 réalise un parcours remarquable, surtout dans le contexte actuel. "Les bonnes nouvelles du front nous donnent des super-pouvoirs, si je peux dire ça comme ça", expliquait cette semaine Artem Dovbyk, attaquant du Dnipro-1, dans un documentaire de l'UEFA consacré à la C3 et la C4.

Des supporters ukrainiens du Dnipro-1 ont fait le déplacement aux Pays-Bas pour voir leur équipe affronter l'AZ Alkmaar en Ligue Europa Conférence, le 3 novembre 2022. (PATRICK GOOSEN / ORANGE PICTURES)

En championnat, le Dnipro-1 fait le court déplacement de Kosice pour jouer ses matchs à domicile à Oujhorod, ville ukrainienne à la frontière ukraino-slovaque. "À la frontière entre l'Ukraine et la Slovaquie, les contrôles sont incroyablement longs, jusqu'à dix voire 12 heures. Côté ukrainien, ça va assez vite, mais côté slovaque... Les soldats sont là avec leurs kalachs. Ils nous font sortir du bus et passer par des portiques. Ils font passer des chiens", dévoilait Bahlouli. Comme tous les autres clubs du pays, le Dnipro-1 a vu ses habitudes bouleversées par la guerre. En novembre, son match contre Oleksandriya a été interrompu après dix minutes de jeu puis reporté, en raison de frappes aériennes russes.

Quelques jours plus tard, les joueurs ont pu retourner à Dnipro pour y disputer une rencontre de championnat. Ils ne s'y sont plus rendus depuis et ont préparé la reprise dans le sud de la Turquie pendant quelques semaines, comme le Shakhtar Donetsk. Une situation inhabituelle, que regrette Dovbyk : "J'aimerais que la situation se stabilise pour qu'on retrouve nos vies d'avant le 24 février."

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