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Quand la VAR remonte le temps

À chaque semaine son lot de polémiques sur la VAR. La 5e journée de Ligue des Champions n’y a pas échappé. Les rencontres Real Madrid - PSG et Slavia Prague - Inter Milan ont mis en exergue une problématique bien complexe sur la possibilité pour les arbitres de revenir en arrière grâce à la vidéo. Ont-ils le droit de remonter le temps ? La réponse est oui.
Article rédigé par Emilien Diaz
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Personne n’a vu passer la DeLorean du "Doc" devant le stade Santiago Bernabeu mardi soir, mais l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) n’a clairement plus grand-chose à envier à la trilogie "Retour vers le futur". L’analogie est sarcastique mais la question du retour en arrière se pose réellement au vu des situations ubuesques encore engendrées par les décisions arbitrales cette semaine en Ligue des Champions.

Il y a d’abord eu cet invraisemblable volte-face de monsieur Arthur Dias lors de la rencontre opposant le Real Madrid au Paris Saint-Germain (2-2). Après avoir accordé un penalty aux parisiens pour une faute évidente de Thibaut Courtois – logiquement exclu – sur Mauro Icardi, l’arbitre portugais a choisi de revenir sur sa décision et d’annuler la double peine. Aidé par la VAR, il a préféré revenir à l’accrochage survenu quelques instants plus tôt entre Idrissa Gueye et Marcelo, sanctionnant finalement une faute de l’international sénégalais. Problème, l’action s’était justement déroulée sous les yeux de l’arbitre, qui avait laissé le jeu se poursuivre en indiquant au Brésilien de se relever.

Mené 2-0, le Slavia revient à 1-1, késako ?

Un cas de figure similaire est survenu 24 heures plus tard sur la pelouse du Slavia Prague, qui recevait l’Inter Milan dans un match décisif. Menés au score (0-1), les Tchèques pensaient leurs espoirs définitivement anéantis quand Romelu Lukaku a doublé la mise en faveur des Lombards. Joie de courte durée puisque là encore, l’arbitre de la rencontre monsieur Szymon Marciniak est revenu sur sa décision après contrôle du VAR. Il a non seulement annulé le but de l’attaquant belge, mais a accordé dans la foulée un penalty au Slavia pour une faute de Stefan de Vrij provoquée dans sa surface environ 25 secondes avant le but de l’Inter.

Tomas Soucek ne s’est gêné pour ramener son équipe à (1-1) en transformant le penalty, alors même que le tableau d’affichage indiquait (2-0) pour les Italiens en amont. Difficile d’imaginer situation plus grotesque. C’est pourtant le lot de l’arbitrage vidéo. Mais plusieurs questions se posent. Jusqu’où la VAR permet-elle de revenir ? L’arbitre a-t-il vraiment le droit de remonter aussi loin dans le cours du jeu ? Si oui, le règlement de la FIFA impose-t-il des circonstances ?

L’appréciation de ces deux situations litigieuses est contestable mais il convient de préciser que les arbitres des matches Real-PSG et Slavia-Inter n’ont commis aucune erreur de procédure. En effet, le règlement de l'International Football Association Board (IFAB) sur la VAR autorise les arbitres à revenir sur l’intégralité de la "phase offensive" dans le cas d’une "faute manifeste". Encore faut-il définir ces deux concepts. Et cela est loin d’être évident.

Dans le cas de la "phase offensive", c’est la question de son déclenchement qui doit permettre à l’arbitre de savoir jusqu’où il peut revenir pour annuler une décision. "Pour les décisions et incidents liés à des buts, des penaltys, des cartons rouges directs pour annihilation d’une occasion de but manifeste, il peut être nécessaire d’analyser la phase offensive ayant abouti à l’incident" stipule la FIFA, "cela peut notamment comprendre la façon dont l’équipe a récupéré le ballon dans le jeu" peut-on lire.

La faute qui a conduit monsieur Dias à annuler le carton rouge de Thibaut Courtois mardi soir entre donc bien dans ce cadre. Idrissa Gueye a récupéré le ballon et effectué l’avant-dernière passe avant l’action ciblée. L’arbitre était donc dans son droit. Idem dans le cas du but refusé à Romelu Lukaku, qui faisait suite à une contre-attaque expresse initiée dans la surface du Slavia. La phase offensive a débuté juste après la faute sur laquelle l’arbitre est revenu. Impossible de crier au scandale, donc. 

Quelles limites ?

Mais la phase dite "offensive" peut parfois durer bien plus longtemps, et autoriser ainsi l’utilisation du VAR après plusieurs minutes de jeu. Ce fut par exemple le cas lors du match Monaco-Nantes fin octobre, quand l’arbitre de la rencontre a refusé un but à Wissam Ben Yedder pour une position de hors-jeu non-signalée au moins quinze passes avant l’action du but.

En février dernier, les assistants vidéo du match SPAL-Fiorentina en Seria A avaient aussi interpellé l’arbitre Pierluigi Pairetto pour lui signifier que le but de Mattia Valoti n’était pas valable. En cause ? Une faute d’un joueur de la SPAL dans sa surface au début de l’action, soit près d’une minute avant le but du 2-1. Après consultation du VAR, l’arbitre a sifflé penalty pour les Toscans et le score est passé de 2-1 à 1-2. Ça ne vous rappelle rien ?

Ces exemples permettent d’établir un constat qui ne ravira sans doute pas les détracteurs de la vidéo : Aucune limite de temps n’est fixée à l’arbitre à partir du moment où le fait de jeu sur lequel il souhaite revenir relève de la "phase offensive". Autrement dit, si une équipe met trois minutes à construire son action, rien n’interdit au corps arbitral de remonter sa montre de trois minutes. Cela peut sembler invraisemblable dans les faits, mais il s’agit de l’application pure et simple du règlement.

Reste également à définir un autre point litigieux sur lequel la FIFA n’a jamais été très claire. La notion de "faute manifeste" qui doit permettre au VAR de revenir en arrière est encore floue. Les arbitres utilisent généralement cette expression pour se justifier dans des circonstances très différentes. "Il faut une erreur évidente sans interprétation possible pour ré-arbitrer", a tenté d'expliquer le directeur technique national (DTN) de la Fédération française de football (FFF) Pascal Garibian, début novembre. Difficile d'y voir plus clair. Dans son règlement, l'IFAB considère de la même façon une "erreur manifeste" et un "incident grave manqué" mais ne donne pas de définition précise.

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