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Football : quatre raisons qui ont poussé Zinédine Zidane à reprendre les rênes du Real Madrid

L'ancien joueur star, ex-capitaine de l'équipe de France, redevient l'entraîneur du club espagnol neuf mois seulement après l'avoir quitté. Un pari risqué pour celui qui est parti en pleine gloire. Mais le jeu peut en valoir la chandelle.

Article rédigé par Louis Boy, Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Zinédine Zidane quittant la conférence de presse lors de laquelle il a annoncé son départ du Real Madrid, le 31 mai 2018. (PIERRE-PHILIPPE MARCOU / AFP)

Le plus grand club de foot du monde a été vacciné contre la prise de risques. Après avoir tenté de promouvoir un entraîneur espagnol (Julen Lopetegui, qui a tenu trois mois) puis joué la carte du novice issu du sérail (Santiago Solari, qui a tenu six mois), le Real Madrid a choisi de miser sur une valeur sûre : Zinédine Zidane, qui a passé deux ans et demi dorés sur le banc madrilène entre décembre 2016 et juin 2018, avec trois victoires en Ligue des champions à la clé.

L'ancien meneur de jeu des Bleus champions du monde en 1998, qui a avancé sans bruit, devance José Mourinho, autre ex de la "Maison blanche" qui avait fait acte de candidature. Voilà pourquoi "Zizou", qui avait promis de prendre une année sabbatique, revient si vite sur le banc du Real.

Parce que le Real est au fond du trou

Le Real Madrid pouvait difficilement espérer de meilleurs résultats que ceux de l'ère Zidane : le club a remporté, lorsqu'il était entraîneur, la Ligue des champions trois années d'affilée (ce qu'aucun club n'avait réussi depuis 1973) et décroché en 2017 un titre de champion d'Espagne, son premier depuis 2012. Succéder au Français n'était donc pas une tâche facile, d'autant que son départ a vite été suivi de celui du joueur star de l'équipe, Cristiano Ronaldo.

Mais personne n'imaginait que la chute soit si brutale. En Ligue des champions, le Real a été éliminé dès les huitièmes de finale, le 5 mars, après avoir reçu une leçon de football (1-4), dans son propre stade, par un Ajax Amsterdam qui n'aurait dû être qu'un modeste outsider. Avant cela, les Madrilènes ont connu d'autres résultats peu glorieux : la perte de la Supercoupe d'Europe contre l'Atletico Madrid, deux revers en phase de poules contre le CSKA Moscou en Ligue des champions, et trois défaites en quatre confrontations contre le FC Barcelone, dont un cinglant 5-1 en Catalogne en octobre.

Cette claque avait provoqué le limogeage de celui qui devait être le digne successeur de Zinédine Zidane, Julen Lopetegui, débauché de son poste de sélectionneur de l'Espagne juste avant le Mondial. Son remplaçant, Santiago Solari, qui entraînait l'équipe réserve du club, avait tout du choix par défaut, en attendant mieux. Mais l'élimination prématurée en Ligue des champions semble avoir convaincu le club de prendre les choses en main plus vite que prévu. Le Real est actuellement 3e du championnat espagnol, à 12 points de Barcelone et 5 de l'Atletico Madrid.

Parce qu'il a obtenu ce qu'il voulait de la direction

Lors de la cuisante élimination face à l'Ajax Amsterdam en Ligue des champions, l'équipe madrilène a affiché ses limites. Cristiano Ronaldo, exfiltré moyennant 100 millions d'euros à la Juventus, a cruellement manqué, et aucun buteur n'a pour l'instant su le remplacer. Certains joueurs cadres, comme le milieu Casemiro, ont sombré, Toni Kroos commence à faire bien plus que ses 29 ans, tout comme Marcelo qui ne joue plus du tout. La star Gareth Bale, reléguée sur le banc, n'est plus que l'ombre du joueur flamboyant d'il y a deux ans. 

Autant de limites pointées par Zidane à l'intersaison précédente, et qui expliquent en partie son départ, selon l'ancien président du club, Ramon Calderon, interrogé par le Bleacher Report (article en anglais) : "Zidane l’a expliqué très clairement quand il a décidé de quitter le Real. Il a insisté pour garder Cristiano Ronaldo et transférer Bale, mais le président Florentino Perez a fait exactement l’inverse. Zidane voulait aussi recruter d’autres joueurs, en dehors de Bale, mais ses souhaits n’ont pas été exaucés, alors il a décidé de partir. Et il a eu raison." Le diagnostic du technicien français s'est révélé exact : le Real, éliminé en Coupe, largué en championnat et humilié sur la scène européenne, n'a plus rien à espérer de sa saison.

Le mercato estival a quasiment déjà commencé. Dans une interview récente à la chaîne Globo, Neymar a ouvert la porte à un (énième) transfert XXL : "Le Real Madrid est l'une des plus grandes équipes du monde, tous les joueurs qui perçoivent un intérêt de ce club ont envie d'y jouer. Aujourd'hui, je suis très heureux à Paris, j'y suis bien, mais dans le futur, tout est possible." Entretien réalisé... avant la deuxième remontada essuyée par le PSG face à Manchester United.

Parce que la porte de l'équipe de France est cadenassée

C’est le 31 mai 2018, à la surprise générale, et surtout deux semaines avant le début de la Coupe du monde, que Zinédine Zidane annonce son départ de la "Maison blanche". Version officielle : il est usé par trois saisons éprouvantes à cajoler un vestiaire bourré d’ego. "Je pense qu'il faut le faire pour tout le monde. Cette équipe doit continuer à gagner. Et pour cela, elle a besoin d'un autre discours. D'une autre méthode de travail."

Immédiatement, la question est posée à Didier Deschamps, qui vit avec cette épée de Damoclès depuis sa nomination à la tête des Bleus en 2014 : "Certainement, il sera à un moment sélectionneur. (…) Quand ? Je ne peux pas le dire, mais ça me semble logique. Ça arrivera quand ça arrivera." Le sélectionneur avait eu beau prolonger son contrat jusqu’en 2020 à l’automne 2017, un résultat moyen en Russie aurait scellé son sort. L’opinion publique y était prête : selon une enquête publiée par RTL, 72% des sondés réclamaient Zidane pour succéder à Deschamps en juin 2017.

Car le poste intéresse Zidane depuis qu’il a troqué les protège-tibias pour les costumes trois pièces : dans le livre Champions du monde 98, Secrets et pouvoir (éditions du Moment, 2014), on apprend qu'il avait proposé ses services à Noël Le Graët, le président de la fédération, dès le départ de Laurent Blanc, en 2012. Une anecdote qui brise l’image de Zizou-le-timide véhiculée par les médias : "Les yeux dans les yeux, Zidane lance donc au président de la FFF qu'il veut immédiatement les Bleus. Il le formule pour la première fois explicitement, ce qui a marqué Le Graët, pourtant rompu aux négociations au sommet."

Le Graët ne se fait pas d’illusions. A un moment donné, le poste reviendra au formidable meneur de jeu au crâne dégarni : "C'est une suite logique, c'est probable qu'un jour il l'ambitionne." Mais pas tout de suite car depuis le titre de champion du monde décroché par les Bleus en Russie, Didier Deschamps bénéficie d'un totem d'immunité. 

Parce que les autres options l'attirent moins

Depuis son retrait du Real, le nom de Zinédine Zidane a pas mal circulé dans les grosses écuries européennes. L’intéressé n’a rien fait pour calmer les rumeurs, lui qui expliquait dès le 9 septembre à la télévision espagnole RTVE : "Je vais certainement reprendre bientôt un poste d'entraîneur. J’aime ça, et le foot, c’est ce que j’ai fait toute ma vie."

Les médias ont évoqué son intérêt pour un Manchester United en difficulté et le fait qu’il prenne des cours d’anglais. Son agent, Alain Migliaccio, avait battu en brèche la rumeur dans le JDD : "Je ne pense pas qu’il ira en Angleterre, ce n’est pas son style de jeu. Je lui en ai parlé et la vérité, c’est qu’il ne l’aime pas."

On lui a prêté des envies de retour aux sources avec la Juventus Turin, le club où il est devenu le meilleur joueur du monde. D’abord en août, dans un rôle de directeur sportif. Et ce printemps, mais sur le banc. Selon El Pais (article en espagnol) et La Stampa, il était encore prévu qu’il rencontre les dirigeants bianconeri cette semaine.

Mais les arguments d’un Florentino Perez aux abois ont eu raison des autres courtisans. Zidane n’était jamais parti bien loin du Real, lui qui assiste aux matchs de ses rejetons dans les équipes de jeunes du club. Il l'avait lui-même annoncé, lors de sa conférence de presse de départ : "Bien sûr que c’est un 'à bientôt'. Madrid m’a tout donné. Je vais rester proche du club toute ma vie, c’est sûr." Plus tôt qu'il ne l'avait imaginé, sans doute.

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