Foot : comment la guéguerre entre l'OM et l'OL est devenue une affaire nationale
Le ton est monté toute la semaine entre le président du club lyonnais, Jean-Michel Aulas, et celui de Marseille, Jacques-Henri Eyraud. Une escalade de tension dans laquelle s'est même invité le président du club de rugby de Toulon, Mourad Boudjellal, samedi 28 avril.
Querelles, tacles et plaquage. La guerre de communication que se livrent le patron de l'Olympique lyonnais (OL), Jean-Michel Aulas, et celui de l'Olympique de Marseille (OM), Jacques Henri Eyraud, depuis mardi 24 avril a pris ce week-end une tournure inédite quand le président du club de rugby de Toulon, Mourad Boudjellal s'est lancé lui aussi, samedi, dans la bataille.
Une affaire qui a pris de telles proportions que la Ligue de football professionnel (LFP) et la Fédération française de football sont intervenues. Retour en six actes sur une querelle tout en hors-jeu alors que les deux clubs se livrent une lutte acharnée sur les terrains de Ligue 1 pour décrocher une qualification en Ligue des champions.
Acte 1. Après une bagarre lors d'un match, les deux clubs sont sanctionnés par la LFP
Mardi 24 avril, la LFP se réunit pour juger les accrochages qui ont éclaté le 18 mars entre des joueurs de l'OM et l'OL au terme d'un match électrique entre les deux formations. Au cours de cette audition, les deux présidents défendent leur club et chargent la partie adverse. Selon L'Equipe, Jacques-Henri Eyraud réclame deux ans de suspension pour le gardien de l'OL et un retrait de points estimant qu'Anthony Lopes a agressé un intendant de l'OM lors de la bagarre en question, entrainant une ITT (incapacité temporaire de travail) de deux jours plus 30 de soins.
Jean-Michel Aulas se montre lui aussi très offensif devant la LFP. Il déplore que l'OM se soit montré "très agressif à l'encontre des joueurs, cherchant à obtenir visiblement des sanctions qui pénalisent l'OL pour la fin du championnat. (...) La défaite de l'OM a dû contribuer à faire perdre la raison à un certain nombre de joueurs de Marseille. Mes joueurs se sont personnellement défendus comme ils ont pu", ajoute-t-il.
Au terme des auditions, les sanctions pleuvent : le défenseur marseillais Adil Rami et le capitaine lyonnais Anthony Lopes sont suspendus pour trois matches ferme. Dans ce même dossier, le défenseur de l'OL Marcelo écope de deux matches avec sursis, tandis que l'OM est sanctionné d'un match de fermeture de la tribune basse Sud du Vélodrome. Les deux clubs doivent aussi payer une amende de 10 000 euros.
Anthony Lopes et Adil Rami suspendus 3 matchs après les incidents survenus à la fin d'#OMOL, lors de la 30e journée de @Ligue1Conforama ➡ https://t.co/7PgA94DXJA pic.twitter.com/naYCyDn0SW
— Ligue 1 Conforama (@Ligue1Conforama) 24 avril 2018
De quoi susciter la colère du président de l'OM qui se fend d'un commentaire lapidaire sur Twitter – "J'ai compris..." – repris de volée dans la foulée par le patron de l'OL.
@ol @LFPfr @FFF Jacques Henry est ce en ta qualité de nouveau Membre du conseil d'administration de la LFP ou de President de l'OM que tu fais cette déclaration après la Commission de discipline ? Au fait et pour être complètement transparent tu as compris quoi ?
— Jean-Michel AULAS (@JM_Aulas) 25 avril 2018
Acte 2. Aulas revient à la charge
Mercredi 25 mai, le président de Lyon, Jean-Michel Aulas déclare "accepter" les sanctions, avec des bémols. "Comme généralement, la Ligue a été professionnelle dans son approche. Il y a eu des faits de jeu. Elle a sanctionné les faits et j'aurais aimé que l'on sanctionne surtout l'origine. J'ai décrit un environnement délétère autour du match avec une quarantaine de bombes agricoles et la fin de rencontre absolument étonnante", expose le patron de l'Olympique lyonnais en marge de la pose de la première pierre du futur pôle médical du Parc OL.
Et il ajoute : "Je regrette l'attitude de l'OM qui a communiqué avant, au quotidien L'Equipe un certain nombre de données démoniaques, comme une suspension de plusieurs années pour Lopes et un retrait de points. Nous voyons bien où les Marseillais voulaient en venir (...) Ont-ils des incertitudes sur la fin du championnat ?".
Acte 3. Eyraud veut rendre "coup pour coup"
Côté Marseille, ces attaques n'ont pas été digérées. Dans des interviews accordées aux quotidiens L'Equipe et à La Provence, vendredi 27 avril, le président de l'OM, Jacques-Henri Eyraud, promet de rendre "coup pour coup" à son homologue de Lyon. Il estime, surtout, que l'influence de Jean-Michel Aulas dans les instances de la Ligue de foot a déséquilibré les sanctions, qu'il qualifie d'"asymétriques".
"Jean-Michel Aulas est un dirigeant de grand talent, le plus grand des dirigeants du football français encore en activité", déclare Jacques-Henri Eyraud, mais "il a bâti un réseau d'influence, de pouvoirs (...). Je veux croire que cette influence s'exerce dans le respect d'une morale et de principes." A mots couverts, il suggère que l'influence de Jean-Michel Aulas, président de l'OL depuis 1987, a pesé sur la décision de la commission de discipline de la LFP.
"JMA" bénéficie "d'une impunité absolue dans son comportement et son attitude", ajoute-t-il, fustigeant les tweets offensifs du dirigeant lyonnais contre l'OM, deux jours avant la réunion de la commission.
Acte 4. Pour Aulas, Eyraud "disjoncte"
Toujours dans L'Equipe, Jean-Michel Aulas réplique vertement le soir-même : "Je suis vraiment surpris qu'un administrateur de la Ligue puisse avoir cette attitude. Il est en train de disjoncter. Il parle aussi de mes tweets, mais ça reste un moyen de communication utilisé par les hommes politiques, les chefs d'entreprise (...) C'est tellement désagréable. Vulgairement, je dirais qu'il a pété les plombs car je suis choqué par ces attaques personnelles."
Jean-Michel Aulas, en réponse à Jacques-Henri Eyraud : «Il est en train de disjoncter» https://t.co/9Z9XjBMAIY pic.twitter.com/FqUsUYEqH5
— L'ÉQUIPE (@lequipe) 27 avril 2018
Acte 5. Mourad Boudjellal, président du club de rugby de Toulon, se jette dans la mêlée
Cerise sur le gâteau, le président du club de rugby du RC Toulon, Mourad Boudjellal, ajoute samedi son grain de sel. "Nous, on est comme Marseille, comme l'OM, on a envie d'aller chez Jean-Michel Aulas", s'amuse-t-il, après la large victoire de son club contre Castres (59-13). Une allusion aux prochaines échéances de son équipe et à celles de ses voisins marseillais.
️ @MouradRCT : "On est comme l'OM, on a envie d'aller chez Jean-Michel Aulas (pour les demi-finales du Top14). On a envie d'aller tout casser chez Jean-Michel Aulas, parce qu'il le mérite bien quand même !"@JohanRouquet | #TeamOM ⚪️pic.twitter.com/YwtmmAR65b
— #TeamOM Officiel (@TeamOM_Officiel) 28 avril 2018
Toulon est en effet en bonne position pour disputer les demi-finales du Top14, au Groupama Stadium, le stade de l'Olympique lyonnais... tout comme Marseille, qui est également bien parti pour se qualifier à Salzbourg jeudi prochain pour la finale de la Ligue Europa. Et celle-ci se jouera également dans le nouveau stade de l'OL.
"On a envie de tout casser chez Jean-Michel Aulas. Parce qu'il le mérite bien", poursuit Mourad Boudjellal, ironisant cette fois-ci sur un chant créé par les supporters de l'Olympique de Marseille, avant de conclure, toujours sur le ton de l'humour : "Les Marseillais vont aller disputer la finale le 16 mai, nous une éventuelle demi-finale le 25 ou 26 mai, on espère donc que Jean-Michel Aulas aura tout remis en ordre."
Acte 6. La LFP et la FFF appellent au calme
"Je n'appelle en aucun cas à la violence." Face à la polémique qui enfle, le président du RCT tente de calmer le jeu dès le dimanche. "Nous souhaitons juste y aller pour tout casser en termes d'ambiance", précise Mourad Boudjellal.
Il faut dire qu'entre-temps, la présidente de la LFP a déploré cette guerre des mots. "Je ne peux que déplorer l'image négative que de telles discussions peuvent engendrer", a déclaré Nathalie Boy de la Tour.
Je rappelle qu'il faut faire preuve de dignité, de retenue, d'exemplarité, notamment vis-à-vis de la jeunesse. Il faut raison garder, mais c'est compliqué dans un univers où la tension sportive est très forte.
Nathalie Boy de la Tour, présidente de la LFPà l'AFP
De son côté, le Conseil national de l'éthique (CNE), une instance rattachée à la FFF, a envoyé samedi un courrier à Jean-Michel Aulas et Jacques-Henri Eyraud dans lequel l'instance "regrette que des propos polémiques, mettant en cause des acteurs et des instances du football français, puissent être tenus publiquement, notamment via les réseaux sociaux et par voie de presse".
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