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Journée mondiale de la santé mentale : "Les troubles psychologiques sont tout aussi importants que la santé physique des athlètes", assure le médecin Vincent Gouttebarge

Vincent Gouttebarge médecin de la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (Fifpro), encourage à s'engager davantage dans la reconnaissance et le traitement des troubles psychologiques qui toucheraient 25 à 35 % des footballeurs en activité.

Article rédigé par Louise Gerber, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
La tenniswoman japonaise Naomi Osaka, la tête cachée sous une serviette durant une rencontre de l'US Open, à New York (États-Unis), le 3 septembre 2021. (ED JONES / AFP)

Le sujet de la santé mentale a marqué l'année sportive. Alors que les prises de paroles (et de position) des athlètes se sont multipliées ces derniers mois, à commencer par celle de Naomi Osaka en marge de Roland-Garros en juin dernier, l'heure est à l'action selon les professionnels de santé du monde du sport.

À l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale, dimanche 10 octobre, franceinfo: sport s'est entretenu avec Vincent Gouttebarge. Médecin de la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (Fifpro) à la tête du groupe de travail du Comité international olympique (CIO) sur les questions de santé mentale, il appelle les institutions à s'engager d'avantage dans ce domaine.

franceinfo: sport : Depuis combien de temps vous intéressez-vous aux troubles de la santé mentale ?

Vincent GouttebargeCela fait près de dix ans que la Fifpro travaille sur le sujet de la santé mentale. En 2013, nous avions lancé une étude pilote sur la prévalence et les causes des troubles de la santé mentale pendant et après la carrière. Une étude élargie en 2015 a montré que 15 à 25% des anciens joueurs professionnels souffraient de symptômes d'anxiété (un taux similaire au niveau général de la population) et que la proportion était encore plus élevée chez les joueurs professionnels en carrière (25 à 35 %). Les troubles psychologiques sont donc des problèmes répandus et auxquels il faut s'attaquer. D'où la création de notre campagne de sensibilisation en juin, intitulée "Are you ready to talk?" ("Prêt à en parler ?").

Quelles sont les solutions envisagées pour améliorer la situation ?

Un des axes prioritaires de travail est de pousser l'intégration d'un staff médical psychologique dans les clubs professionnels et de développer des instruments pour repérer au plus tôt les troubles. S'il existe un dépistage systématique par rapport aux blessures cardiovasculaires et osseuses (avec la présence dans le staff d'un chirurgien orthopédique, d'un cardiologue et d'un médecin du sport), les clubs n'ont pas l'obligation d'avoir un psychiatre du sport ou psychologue clinique dans leur staff médical.

C'est ridicule de ne pas avoir un spécialiste sur ces troubles-là, parce que la santé mentale est essentielle pour la santé physique, la qualité de vie et les performances sportives. Il faut convaincre les clubs d'investir dans un personnel médical sur ces questions-là, mais c'est un travail de longue haleine. Avec les soutiens de l'UEFA et de la Fifa (qui a lancé sa propre campagne autour de la santé mentale #ReachOut), les choses peuvent changer. 

"Les troubles de la santé mentale sont associés à des faiblesses"

Est-ce qu'il y a une méconnaissance des sportifs sur ce sujet ?

Tout à fait, il faut améliorer l'éducation des joueurs, mais aussi de leur entourage. Avoir une connaissance minimale favorise la reconnaissance au plus tôt des troubles de santé mentale pour intervenir et traiter les joueurs avant que ces troubles ne deviennent une pathologie plus importante. Il faut développer des instruments pour que les sportifs puissent repérer eux-mêmes la présence de ces troubles. Cela peut passer par la création d'un questionnaire et d'une évaluation clinique pour qu'ils expriment leurs pensées, leur état d'esprit.

Pourquoi la santé mentale est-elle un tabou dans le sport ?

Dans l'imaginaire collectif, et encore plus particulièrement le monde du sport, les troubles de la santé mentale sont associés à des faiblesses, qui pourraient avoir des conséquences sur les performances sportives et donc mener à l'échec. C'est une pensée tout à fait irrationnelle mais qui est répandue chez les sportifs.

"Un gros changement intervenu ces dernières années"

Il y a une libération de la parole ces derniers mois, avec notamment les prises de paroles de Simone Biles et de Naomi Osaka sur leurs problèmes de santé mentale. Quels rôles jouent ces témoignages ? 

Ces prises de paroles sont d'une grande importance. Elles symbolisent un gros changement intervenu ces dernières années. Les témoignages comme ceux de ces grandes championnes cassent l'idée que les troubles de la santé mentale sont synonymes de baisse de performance (Naomi Osaka compte quatre titres du Grand Chelem à son actif tandis que la gymnaste Simone Biles a décroché 32 médailles mondiales dont sept olympiques). Cela peut pousser d'autres athlètes à prendre la parole et à se sentir moins stigmatisés.

Simone Biles va témoigner mercredi au Congrès des ratés de l'enquête du FBI sur les agressions sexuelles commises par Larry Nassar. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Cela permet également de mettre la santé mentale à l'agenda des instances du monde sportif. Toutes les disciplines sont touchées sans exception, il est primordial que les organisations internationales planchent sur ce sujet. Cette année, avant les Jeux olympiques, le CIO a par exemple mis à disposition une ligne téléphonique ouverte 24 heures sur 24 et sept jours sur sept pour échanger avec des professionnels de la santé mentale. Fin octobre, nous allons faire le point sur l'utilisation de cette ligne et s'interroger sur comment l'améliorer. Il faut multiplier les actions de ce genre, pour briser le tabou.

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