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L'histoire secrète de Footix, la mascotte que vous adorez détester

Souvent décrié, jamais égalé, le petit coq bleu et rouge demeure la dernière mascotte à avoir marqué les esprits en France. Le résultat d'un processus complexe.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Deux peluches à l'effigie de Footix devant la tour Eiffel, le 11 juin 1997. (BERND WEISSBROD / DPA / AFP)

Super Victor a du pain sur la planche. La mascotte de l'Euro 2016, un petit garçon souriant, avec une tête aussi grande que le reste de son corps, a la lourde tâche de succéder à Footix comme mascotte d'un évènement de grande ampleur se déroulant en France. Si tout le monde se souvient du nom du coq bleu et rouge du Mondial 1998, peu de gens connaissent la véritable histoire du personnage. 

Tu seras un coq, mon fils

Et dire que Footix a failli être... une grenouille ! Quand il s'agit de représenter la France, les designers ne se cassent pas la tête. Cinq des six propositions présentées à l'appel à candidatures de 1996 pour créer la mascotte de la Coupe du monde représentent un coq. La sixième est ce batracien dont les cuisses seraient, selon la légende, le péché mignon des Français. Jugé trop anglo-saxon, celui qui aurait pu s'appeler Froggie ne verra jamais le jour.

C'est l'agence Dragon Rouge et le designer Fabrice Pialot qui remportent la mise, avec leur personnage esquissé en quelques coups de crayon. "Je voulais créer un personnage résolument tourné vers les enfants, simple au niveau du traité, et donc facile à redessiner pour un enfant", se souvient le designer aux cheveux peroxydés comme Richard Virenque à l'époque, qui a recyclé une mascotte conçue à l'origine pour un club de basket. 

ISL, la société qui gère les produits dérivés du Mondial, se lance alors dans un travail de titan : "Le plus fastidieux, c'était de vérifier qu'un design proche n'avait pas été déposé dans un autre pays, ce qui est matériellement impossible, se rappelle Christian de Bergh, directeur associé de Dragon Rouge. On va dire qu'on se couvre du mieux qu'on peut."

Dorothée et Jean-Pierre Foucault comme parrains

Après l'image, place au nom. Celui-ci doit être prononçable sur les cinq continents. Des études sont réalisées auprès de panels dans plusieurs pays, sans compter les marques partenaires de la Fifa, qui y mettent leur grain de sel. Dans certaines entreprises, la direction organise même des votes internes pour déterminer une tendance. Cinq noms sont finalement proposés au vote des Français... par Minitel et par téléphone. Eh oui, on est en 1996. Footix est choisi par 47% des 18 000 votants, loin devant Gallik, Houpi, Raffy et Zimbo. L'annonce est faite dans "Le club Dorothée" fin 1997. Car la mascotte d'une grande compétition, c'est une affaire d'enfants, et même de garçons, cœur de cible des publicitaires. Footix est "sympathique" pour 83% des 12-15 ans, révèle un sondage réalisé à l'époque. 

L'opération marketing peut alors commencer. Le public sportif est visé : la mascotte apparaît dans les tribunes du stade de l'Abbé-Deschamps – les Auxerrois sont champions de France en titre –, dans "Téléfoot"... mais pas que. Footix participe aussi à l'émission de Jean-Pierre Foucault, "Les Années tubes".

Une supportrice japonaise porte un chapeau à l'effigie de Footix, lors du match Argentine-Japon, le 14 juin 1998 à Toulouse (Haute-Garonne). (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Empalé sur un tournebroche

Le "sympathique gallinacé dodu", comme le décrit Le Monde, envahit les rayons des supermarchés – yaourts, biscuits, fromages, préservatifs. La société Footbijoux commercialise même une statuette de Footix en or – 15 centimètres de haut tout de même, 1 150 carats, 4,9 kg et 2 millions de francs sur l'étiquette. Porte-clés et pin's font fureur. Jacques Chirac en portera à la boutonnière quand il recevra les champions du monde à l'Elysée, le 14 juillet. "On ne touchait pas de pourcentage sur les produits vendus, se souvient Christian de Bergh. On a fait les bons chiffres d'ISL, mais financièrement, on a à peine rentabilisé les heures passées à créer Footix." 

Des salariées d'une usine de jouets de Bangkok (Thaïlande) mettent la dernière mains aux peluches Footix, le 9 juin 1998. (PORNCHAI KITTIWONGSAKUL / AFP)

Mais le taux de notoriété de la mascotte "au nom de produit contre la teigne" – l'avis du Sydney Morning Herald – ne décolle pas. En avril 1998, deux mois avant le début du Mondial, 23% des Français disent la connaître, note le magazine Entreprendre. Et le symbole est détourné par les opposants au Mondial, pas très nombreux, mais virulents à l'époque : l'association No Foot a pour logo Footix empalé sur un tournebroche.

Endosser le costume, un sacerdoce

Footix n'a pourtant pas ménagé ses efforts. Pardon, l'homme à l'intérieur du costume de la mascotte, Régis Fassier, un comédien spécialiste du genre qui a endossé la tenue de Casimir ou d'Albéric sur le plateau du "Club Dorothée". Incarner Footix a tout de la gageure. La première version du costume, qui suivait à la lettre le design de Fabrice Pialot, ne permettait pas de placer d'ouverture pour les yeux. Il a fallu obtenir une dérogation spéciale d'ISL pour ajouter des naseaux au déguisement.

Les deux versions du costume de Footix, l'une en 1997, l'autre en 1998. (AFP)

C'était loin d'être le seul problème. "Taper dans le ballon avec le costume, ce n'était tout simplement pas jouable, raconte Régis Fassier. Vous avez vu les énormes pieds de Footix ? Quant à courir… Quand j'ai fait un tour de terrain lors de la cérémonie du tirage au sort, au stade Vélodrome de Marseille, j'étais hors d'haleine à la fin." Pareil pour les tournées marathons dans les loges des VIP : "D'habitude, avec ce genre de personnage, on reste dans le costume 40 minutes maximum. Avec Footix, c'était beaucoup plus. Je me baladais dans les tribunes privées du Stade de France pendant un match entier. Il fallait me prévoir des endroits discrets pour enlever la tête et boire un peu d'eau."

Quand Footix prend la marée

Le coq bleu multiplie les apparitions promotionnelles. L'une d'elles lui vaut une énorme frayeur, lors d'une animation sur la plage du Prado de Marseille, pour La Poste : "Une bande de zozos a soulevé mon personnage, avec la ferme intention de le jeter à la mer." Problème : le costume n'est pas vraiment prévu pour ça, et Régis Fassier nage comme une brique, même sans les 20 kg de mousse sur le dos. "J'ai dû tellement me débattre qu'ils m'ont laissé tomber. Que se serait-il passé s'ils m'avaient jeté dans la Méditerranée ?" Le prix à payer pour écouler 120 millions de timbres Footix, quinze fois le score d'un timbre spécial ? 

Dans les stades, pourtant, Footix ne fait pas recette. La bande-annonce du jeu vidéo du Mondial, où il se fait tirer dessus par un joueur roumain (à la 41e seconde de la vidéo), donne des idées aux joueurs. Lors du match amical France-Norvège en 1997, il est pris pour cible par des joueurs de l'équipe de France, et se fait conspuer par le public. Il ne mettra pas le pied sur une pelouse de tout le Mondial. "On n'a vraiment pas la culture de la mascotte en France, contrairement aux pays anglo-saxons", regrette Régis Fassier, qui en garde encore une pointe d'amertume.

Footix, c'était pourtant une certaine idée de la mascotte. La Fifa confiera la réalisation de celles de toutes les Coupes du monde suivantes à la même agence américaine – pour des créations de plus en plus aseptisées, note le site spécialisé Le Footichiste. "Tiens, on n'a jamais été réinterrogés pour créer une mascotte depuis, remarque Christian de Bergh. Peut-être pour celle des Jeux de Paris 2024 ?" Un sondage mené sur le site de la Fifa a hissé Footix au rang de deuxième mascotte la plus populaire, derrière Goleo VI, celle du Mondial 2006. Si les T-shirts ou les casquettes se raréfient dans la rue, on trouve énormément d'objets à la gloire du petit coq sur les sites marchands, des mugs au Zippo en passant par le téléphone (fixe) jusqu'à l'ersatz de Tamagotchi, qui s'échange plusieurs centaines d'euros chez les collectionneurs. 

Désormais une pièce de musée

Aucune chance en revanche de retrouver un costume de Footix grandeur nature sur la Toile. Le premier a fini à la poubelle. "J'ai gardé celui que j'avais porté pendant tout le Mondial chez moi pendant longtemps, confie Régis Fassier. On a beau y mettre des produits, à la fin, ça tombait en morceaux, ça dégageait une telle puanteur – j'ai beaucoup transpiré dedans – que j'ai fini par m'en débarrasser. J'ai juste gardé les yeux."

Le second a failli disparaître. Il a d'abord été confié au musée national des Arts et Traditions populaires de Paris… qui a fermé en 2005 faute de fréquentation, avant qu'une exposition anniversaire puisse voir le jour. C'est finalement le musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille qui en a hérité. "Footix est conservé dans nos murs, précise Florent Molle, le conservateur du patrimoine du musée. Ou plus exactement dans les réserves du MuCEM, le Centre de conservation et de ressources, situées dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille." Les objets du fonds France 1998 feront l'objet d'une exposition fin 2017 intitulée "Football Social Club". Préparez-vous au revival Footix pour les 20 ans de la victoire au Mondial… 

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