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Reportage Paris-Roubaix : dans le peloton avec Arkea Pro Cycling

Pour la deuxième édition consécutive, l'équipe Arkea Pro Cycling a été invitée à participer à Paris-Roubaix, où la formation bretonne a encore beaucoup à apprendre.

Article rédigé par Hortense Leblanc - De notre envoyée spéciale
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le peloton en action lors de la 2e édition de Paris-Roubaix féminin, samedi 16 avril (JASPER JACOBS / MAXPPP)

Pour sa deuxième participation à Paris-Roubaix femmes, Arkea Pro Cycling a fait rimer vaillance et malchance. Alors qu’elle avait obtenu une vingtième place lors de la première édition, l’équipe bretonne visait le top 15, samedi 16 avril. Secousses sur les pavés, la poussière, la gestion des ravitaillements et une crevaison, récit de la course depuis la voiture n°21 de leur directeur sportif, Franck Renimel. 

"Ça va aller vite aujourd’hui !". À peine le départ fictif donné, Franck Renimel, installé au volant, prévoit une course rapide sur les 124,7 kilomètres de Paris-Roubaix femmes. Une prédiction qui s’explique par le soleil et les températures douces, dont se réjouissaient ses coureuses sur les vélos d’échauffement quelques minutes plus tôt : "Mon Dieu, il fait chaud, on va bronzer !", plaisantait Typhaine Laurance, avant de se badigeonner de crème solaire. L’heure était encore au sourire, avant l’Enfer du Nord.

Une échappée manquée

Des sourires qui ont vite laissé place à des dents serrées quand les choses sérieuses ont commencé dès le premier kilomètre, avec les premières attaques. "On reste concentrés", lance Franck dans les oreillettes à ses coureuses. Parmi les échappées, pas de surprises : "Ce sont les filles qui étaient attendues, celles des équipes conti [continentales, le deuxième échelon du cyclisme mondial, ndlr]", informe Franck dans la radio. La stratégie de ce début de course est claire pour Arkea Pro Cycling : bien se placer dans les premiers secteurs pavés, protéger ses leaders et accompagner les coups. "Si d’autres filles sortent, on accompagne absolument", lance alors le directeur sportif.

Justement, dans la foulée, Radio Tour annonce qu’une poursuivante est partie en chasse de l’échappée, sans la nommer, laissant le staff d’Arkea interrogatif. Le nom de Lucie Jounier, 20e de l’édition précédente et leader de l’équipe bretonne, est annoncé. "Lucie, fais attention à ne pas trop en faire, réserve-toi, le but n’est pas que tu y laisses des plumes", l’avertit son directeur sportif. La coureuse interrompt sa contre-attaque mais regrettera son effort. 

Alors que les tours de circuit à Denain, ville de départ, prennent fin, l’échappée prend le large. "1'45 pour l’échappée par rapport au peloton à la fin du quatrième tour", annonce Radio Tour. "Oh la vache !", réagit Franck Renimel. L'heure est aux regrets : son équipe n’a pas placé une coureuse à l’avant : "Dommage qu’on l’ait loupée [l'échappée, ndlr], les cinq sont parties pour un petit bout de chemin, elles vont bien prendre la télé". La retransmission télévisée s’apprête effectivement à commencer, à l’approche du premier secteur pavé, et la visibilité à l’avant de la course reste importante pour des équipes invitées, dont fait partie Arkea Pro Cycling.

Les pavés dictent leur loi

Assis à l’arrière de la voiture, côté droit, le mécanicien Patrice Thirant sait qu’il aura un rôle à jouer en cas de problèmes mécaniques sur les pavés. "La guerre va bientôt commencer", lance-t-il alors que le peloton s’approche de la ville d’Hornaing, où se situe le premier secteur. Ses outils sont sortis et des roues de secours sont à portée de main, pour intervenir en urgence sur le vélo des coureuses. 

Patrice Thirant, mécanicien de l'équipe Arkea Pro Cycling, toujours prêt à bondir pour dépanner les coureures malgré les secousses des pavés. (HORTENSE LEBLANC/ FRANCEINFO:SPORT)

Sur les pavés, les filles de Franck Renimel tentent de se placer à l’avant du peloton. "Le placement est primordial, les chutes c’est à l’arrière, pas à l’avant", leur indique le directeur sportif. Pour autant, une première coureuse de l'équipe, Marie-Morgane Le Deunff, est déjà lâchée. Pendant que Franck Renimel l’encourage à s’accrocher, son passager à l’avant, Jean-Pierre Doly, le président de l’association Pro Cycling Développement, s’active pour organiser le ravitaillement, parfois assuré par des membres de la famille des coureuses, placés au bord de la route : "Prépare tes bidons, les filles ont soif, il fait chaud". 

Et alors que le peloton s’étire, une première alerte remonte à la radio : l’une des coureuses placées à l’avant a une chaussure cassée. Pas une seconde à perdre pour le staff : Franck Renimel remonte la file des voitures de directeurs sportifs à pleine vitesse et en klaxonnant, pendant que Patrice Thirant s’active, debout sur son siège, pour attraper dans le coffre une paire de rechange. Finalement, alors que le véhicule était quasiment remonté à hauteur de la tête de course, l’alerte est levée : la chaussure est réparée. 

À l'arrière du véhicule, le mécanicien conserve un mémo avec la position des vélos de rechange sur la galerie.  (HORTENSE LEBLANC/ FRANCEINFO:SPORT)

Pour autant, les tuiles ne s’arrêtent pas là. Parmi les quatre filles à l’avant, Typhaine Laurance perd peu à peu du terrain, puis juste après le redoutable secteur de Mons-en-Pévèle, Lucie Jounier, l’une des meilleures chances de top 15 de l’équipe, crève au niveau de la roue arrière. "P*****, pile le secteur où on n’a pas d’assistant !" peste Franck Renimel. Il tente de rejoindre sa coureuse le plus rapidement possible, quitte à subir de fortes secousses provoquées par les pavés et les gravillons.

Malgré l’intervention rapide du mécano, qui a sauté de la voiture pour lui venir en aide, les espoirs de Lucie Jounier s’envolent. Et alors que la voiture est à l’arrêt à cause d’embouteillages à l’entrée d’un secteur pavé, le staff tente de rester positif et plaisante avec les nombreux spectateurs en bord de route, qui réclament des bidons : "Vous avez des bières en échange ?"

Cependant, les chances d’Arkea Pro Cycling d’accrocher un top 15 ne sont pas nulles puisqu’Amandine Fouquenet et Anaïs Morichon sont toujours placées à l’avant. Dans la voiture où l’on suit la retransmission de la course sur des smartphone, l’heure est aux comptes : "Il y a Elisa Longo Borghini, puis un groupe de onze filles, puis vous. Il y a un crash devant, vous n’êtes pas loin, le top 15 reste possible", les avertit Franck Renimel. Pour autant, les choses se compliquent peu avant le Carrefour de l’Arbre, où les poursuivantes de l’Italienne accélèrent pour réduire l’écart. Le staff breton, qui n’a même pas le temps d’apprécier le passage de ce point mythique de la course au milieu de la poussière, doit se rendre à l’évidence : ses coureuses termineront, au mieux, aux alentours de la 25e place, loin derrière la vainqueure Elisa Longo Borghini. 

Une 30e place frustrante

Championne de France de cyclo-cross en 2020, Amandine Fouquenet est la coureuse d’Arkea Pro Cycling qui a finalement le mieux dompté les pavés. "J’ai eu la chance de ne pas crever et j’ai réussi à me faire mal pour rester dans mon groupe à la fin. Je suis contente de rallier l’arrivée à cette place. Le sprint à la fin était vraiment dur, mais j’ai donné tout ce que je pouvais", relativise-t-elle, le visage couvert de poussière, autour de ses lunettes. Sa coéquipière, Lucie Jounier était forcément plus déçue : "Je n’ai pas été à la hauteur de l’événement, j’ai pris des risques inutiles et j’ai peut-être gaspillé un peu de jus en voulant poursuivre l’échappée. Ensuite j’ai crevé et c’est le jeu, c’est aussi ce qui fait la beauté de Paris-Roubaix".

Amandine Fouquenet a terminé Paris-Roubaix le visage couvert de poussière. (HORTENSE LEBLANC/ FRANCEINFO:SPORT)

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