Cyclisme : le duel entre Mathieu van der Poel et Wout van Aert existe-t-il encore vraiment ?

Au-delà du cyclo-cross, où le Néerlandais mène 3-0 cet hiver face à son rival belge, Mathieu van der Poel a également pris l'ascendant avec son palmarès sur la route.
France Télévisions - Rédaction Sport
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Mathieu van der Poel (à gauche) et Wout van Aert, à Mol (Belgique), le 22 décembre 2023. (DAVID PINTENS / BELGA via AFP)

Depuis leurs plus jeunes années, leur rivalité est épiée, scrutée, montée en épingle, parfois. Que ce soit sur la route ou dans les labours, où Mathieu van der Poel et Wout van Aert se présenteront à nouveau face-à-face, samedi 30 décembre, à Hulst (Pays-Bas). Lors de cette 11e étape de la Coupe du monde de cyclo-cross, le second tentera de mettre fin à l'invincibilité du premier. Car cette saison hivernale confirme une tendance déjà observée sur la route : le Néerlandais domine son rival belge.

En trois confrontations dans la boue et le sable cette saison, Van der Poel s'est toujours imposé face à Van Aert avec des écarts importants (29 secondes d'écart à Anvers, 36 à Gavre et 1'17'' à Mol). "Il est vraiment au-dessus : physiquement, c'est indéniable, mais surtout techniquement", analyse Steve Chainel, consultant sur Eurosport.

La différence est pour l'instant flagrante avec la saison dernière où WVA avait remporté le duel (6-5), tout en laissant échapper la course la plus importante : les Mondiaux de la discipline qu'il n'a plus gagnés depuis 2018, alors que son rival a glané quatre titres sur les cinq dernières années. Elle peut s'expliquer, avant tout, par des programmes bien distincts concernant la saison de cyclo-cross puisque MVDP l'aborde comme un objectif en tant que tel, alors que son adversaire a réduit la voilure pour préparer au mieux le prochain exercice sur route.

"Van der Poel et son équipe visent des cibles plus précises"

"Par le passé, l'écart a toujours été important, rappelle Emmanuel Brunet, ancien manager des équipes de France de cyclo-cross. Van der Poel a toujours gagné davantage que Van Aert." Les chiffres sont éloquents. En 2011-2012, âgés de 17 ans, le petit-fils de Raymond Poulidor écrasait littéralement son rival dans la catégorie juniors : 15 victoires à 1 lors de leurs confrontations directes. Il a encore remporté le duel en 2019-2020 (6-0).

Ce parallèle existe aussi sur route malgré une domination moins impressionnante. Si le Belge termine plus régulièrement devant le Batave, que ce soit la saison dernière (17/14, soit 55 %) ou depuis leur arrivée en professionnel (47/44, soit 52 %), il le devance nettement moins lorsque l'intérêt de la course augmente. Ainsi, le fils d'Adrie van der Poel a terminé huit fois sur onze (73 %) devant Van Aert lors d'un Monument et deux fois sur trois lors des Mondiaux (66 %). La seule fois où le coureur de la Jumbo-Visma a devancé celui d'Alpecin-Deceuninck aux championnats du monde, ce dernier avait abandonné, à Wollongong (Australie), après avoir passé une partie de la nuit précédente au poste de police.

"Il n'y a pas de différence physique ou technique, estime Steve Chainel. Mais Van der Poel et son équipe sont plus intelligents car ils visent des cibles plus précises au contraire de Van Aert, qui mitraille avec 40 balles dans la cartouchière." Le palmarès s'en ressent : quatre Monuments (2 Tours des Flandres en 2020 et 2022, Milan-San Remo 2023 et Paris-Roubaix 2023) et un Mondial d'un côté ; un Monument (Milan-San Remo 2020) et neuf étapes sur le Tour de France de l'autre.

Van der Poel unique leader, Van Aert partage la vedette

D'où la volonté de ne pas trop se fatiguer dans les labours, cet hiver, pour Wout van Aert. "Je ne veux rien laisser au hasard concernant le printemps. C'est pourquoi, le cœur lourd, je cours un programme plus limité, détaillait-il, en novembre, sur le site de sa formation. Pour la première fois, ce sera différent de ce que j'ai l'habitude de faire, mais avec un plus gros objectif en tête." Celui d'enfin triompher sur Paris-Roubaix et le Tour des Flandres avant de s'aligner sur son premier Giro.

Il faut également considérer la place qu'occupent les deux coureurs dans leur équipe respective. Mathieu van der Poel est l'unique leader de la formation belge Alpecin-Deceuninck tandis que Wout van Aert doit se muer en équipier modèle pour Vingegaard sur les grands tours. "Wout coûte très cher pour la Jumbo-Visma, alors on le met un peu partout, on le presse énormément", juge Steve Chainel.

"C'est évident que le rôle et la place dans une équipe ainsi que son organisation influencent les comportements et les résultats, mais je ne dirais pas que c'est la cause, reprend Emmanuel Brunet, désormais responsable performance à la Fédération française de cyclisme. C'est quand même la qualité des deux qui provoquent ce qu'ils font. Dès que Mathieu a été sur la route, il a été performant tout de suite." Le Néerlandais a notamment été champion du monde juniors en 2013 alors que son homologue a disputé ses premiers Mondiaux en 2020, directement dans la catégorie seniors.

Van Aert, l'art de la polyvalence

"Wout van Aert a rattrapé son retard, voire un peu devancé son adversaire" en étant capable de briller sur tous les terrains (sprint - il a ramené le maillot vert du Tour de France à Paris en 2022, contre-la-montre, montagne), affirme Emmanuel Brunet. De son côté, MVDP reste dans son profil d'attaquant, davantage tourné vers les courses d'un jour.

"Le bilan sera à tirer après les classiques printanières", indique Steve Chainel. Ensuite, leurs chemins se sépareront : Van Aert sur le Giro pendant que Van der Poel préparera les Jeux olympiques de Paris 2024 (du 26 juillet au 11 août) en VTT.

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