Cyclisme : Axel Laurance, Kévin Vauquelin, Lenny Martinez... La recette française pour former les grands coureurs de demain

Porté par une nouvelle génération aux résultats prometteurs, le cyclisme français espère retrouver le chemin de la victoire sur les plus grandes courses. Grâce à son investissement dans la formation, notamment.
Article rédigé par Mateo Calabrese
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Axel Laurance, Kévin Vauquelin et Lenny Martinez, trois promesses du cyclisme français qui brillent depuis le début de l'année 2024. (AFP)

Tout est question de cycles. Meilleure nation mondiale en 2020, la France est retombée au 7e rang du classement UCI en début de saison 2024, quittant le top cinq pour la première fois depuis dix ans. Mais la pente devrait être remontée rapidement, grâce à l'ascension fulgurante de plusieurs coureurs prometteurs appelés à devenir les têtes d'affiche du cyclisme français. Après ce qui s'apparente à un creux générationnel, les formations tricolores semblent avoir retrouvé la recette pour fabriquer des champions, et les ingrédients sont nombreux.

Lenny Martinez (20 ans) a déjà levé les bras à quatre reprises cette saison, Kévin Vauquelin (22 ans) est passé proche de la victoire sur la Flèche wallonne, Paul Magnier (20 ans) a remporté sa première course sous les couleurs de la Soudal Quick-Step, Romain Grégoire (21 ans) et Paul Lapeira (23 ans) ont chacun gagné une étape du Tour du pays basque... Parmi les coureurs de 23 ans et moins, la France est la meilleure nation en 2024, et ces jeunes pousses dominent de nouveau leurs homologues étrangers.

Dans le sillage des Tadej Pogacar, Remco Evenepoel ou Juan Ayuso, les athlètes arrivent à maturité de plus en plus tôt, comme dans beaucoup d'autres sports. "Tous les ans, il y a une grosse progression des jeunes, observe Maxime Bouet, ancien coureur et directeur sportif de l'équipe française Arkéa-B&B Hôtels, interrogé par franceinfo: sport. Certains vivent déjà comme des professionnels très tôt. Aujourd'hui, des coureurs juniors voire cadets ont accès à tous les paramètres du haut niveau, que ce soit au niveau de la nutrition, de l'entraînement, de la récupération..." Mais la France, dernièrement, va plus vite encore que les autres grandes nations du cyclisme.

Une génération dorée et mieux préparée

Axel Laurance, parmi les rares Français qui ont choisi une équipe étrangère (Alpecin-Deceuninck), est l'un des visages de ce renouveau : "Pour moi, ce n'est pas une surprise, pose le coéquipier de Mathieu van der Poel. Les garçons, je les connais depuis que je suis en cadets. On est une génération qui se tire vers le haut. Le niveau était déjà très élevé chez les juniors et on monte les marches ensemble." Une émulation saine au sein d'une génération certainement au-dessus de la moyenne.

Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance chez Decathlon-AG2R, voit aussi cette nouvelle vague comme un épiphénomène : "Il y a eu un petit creux générationnel, mais c'est le lot de beaucoup de nations. (...) Quand on vise le très haut niveau, il faut des athlètes exceptionnels. Les exceptions, par définition, on n'en a pas tous les ans." Mais les talents, aussi reluisants soient-ils, doivent être polis. Les équipes françaises s'y affairent, y accordent de plus en plus de ressources, et permettent l'émergence au plus haut niveau de ces coureurs.

Dans le cyclisme plus que dans tout autre sport, la détection et la formation sont fondamentales pour devenir ou demeurer une équipe de haut niveau. Sur les vingt meilleurs coureurs au classement UCI, treize ont découvert le World Tour avec leur équipe actuelle. Les plus grands noms du cyclisme brillent là où ils ont éclos : Jonas Vingegaard, Tadej Pogacar, Remco Evenepoel, Mathieu van der Poel, Mads Pedersen ou encore Wout van Aert n'ont jamais quitté l'équipe qui les a repérés puis amenés au plus haut niveau.

La formation, une stratégie payante

Pour accompagner les coureurs repérés au plus jeune âge, les formations investissent de plus en plus dans leurs équipes juniors et U23 (moins de 23 ans). Jean-Baptiste Quiclet explique ce tournant pris par les équipes tricolores : "Il y a des structures qui peuvent miser sur leur pouvoir financier. Des équipes comme UAE ou Ineos, si, demain, elles veulent se payer un champion, elles vont l'acheter. Des structures comme la nôtre ont tout intérêt à investir dans la formation pour révéler des champions et les fidéliser."

Avant cette saison, Groupama-FDJ était la seule équipe française avec une équipe de développement en catégorie Continentale (troisième division). Celle-ci a façonné plusieurs des plus grandes promesses du cyclisme français depuis sa création : Lenny Martinez, Romain Grégoire ou encore Paul Penhoët. Des coureurs qui, au-delà de leur potentiel insondable, incarnent déjà le présent du cyclisme français. Les U23 ont inscrit plus de la moitié des points français au classement UCI en 2024.

Decathlon-AG2R et Arkéa-B&B Hotels ont réformé leur système de formation cette année, en intégrant chacune une équipe de développement, qui adoptent des stratégies différentes. Decathlon-AG2R, comme Groupama-FDJ, mise sur les talents de son giron, souvent issus de son équipe junior et du cru français, tandis qu'Arkea-B&B Hôtels a recruté "des coureurs très différents entre eux, avec des nationalités et des expériences diverses pour tirer le groupe vers le haut", confie Maxime Bouet, qui a personnellement choisi une partie des coureurs de l'équipe de développement.

Aller plus haut, plus tôt

Ces formations continentales sont devenues un maillon essentiel aux équipes de haut niveau : sur les 18 équipes World Tour, 12 ont une équipe de développement. "Le but est d'accompagner les coureurs depuis les juniors jusqu'au World Tour, précise Maxime Bouet. Cela tisse un lien avec la cellule de recrutement qui organise des stages pour créer une affinité et les connaître depuis le début, puis leur propose une évolution et un suivi de carrière." Un argument de plus, aussi, pour convaincre les plus grands talents, qui peuvent se frotter au plus haut niveau plus tôt.

"L'équipe de développement nous permet d'accélérer les processus d'apprentissage, et de faire monter temporairement des coureurs avec le groupe World Tour pour acquérir une expérience supplémentaire"

Jean-Baptiste Quiclet, directeur de la performance de Decathlon-AG2R,

à franceinfo: sport

Romain Grégoire avait quitté la formation junior d'AG2R en 2022 pour l'équipe de développement de Groupama-FDJ, alors qu'AG2R n'en était pas encore dotée. Même s'il avance d'autres raisons, notamment géographiques, Jean-Baptiste Quiclet admet : "Cela a un peu été un élément déclencheur pour engager la réforme. Je ne sais pas si Romain serait resté. (...) Cela aurait pu changer le cours des choses, mais ce n'est pas sûr." Désormais mieux armée, Decathlon-AG2R espère conserver d'autres promesses, comme Noa Isidore ou Léo Bisiaux (19 ans) qui brillent déjà chez les jeunes.

La jeunesse française, aussi talentueuse que diverse dans ses profils, porte les promesses d'un renouveau qui se faisait désirer alors que le cycle des trentenaires Romain Bardet, Arnaud Démare, Julian Alaphilippe ou Thibaut Pinot (déjà retraité) approche de son crépuscule. Une génération dorée en chasse une autre, ternie par l'usure du temps : "Cela met un coup de pied au cul à ceux qui sont installés, mais dans le bon sens du terme, résume Thomas Voeckler, sélectionneur de l'équipe de France. De la concurrence saine, cela fait du bien."

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