ENTRETIEN. Cyclisme : ambitions, développement, la vie avec van der Poel... La pépite française Axel Laurance se livre

Le puncheur de 23 ans est l'un des visages de la nouvelle génération de coureurs tricolores qui s'illustrent depuis le début de l'année.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8 min
Axel Laurance sur le podium de l'Etoile de Bessèges après sa victoire sur la 2e étape à Rousson, le 1er février 2024. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Il est l'une des révélations du début de saison. Après avoir découvert cette année Milan-San Remo et le Tour des Flandres, le Français Axel Laurance va faire ses premiers pas sur un troisième Monument, Liège-Bastogne-Liège, dimanche 21 avril. Il y est attendu comme l'un des lieutenants de l'ogre Mathieu van der Poel, décidé à s'imposer pour la première fois sur la "Doyenne des classiques". 

Celui qui vient de fêter ses 23 ans s'est illustré en remportant deux victoires en 2024, sur une étape de l'Etoile de Bessèges devant l'ex-champion du monde Mads Pedersen, puis en World Tour sur le Tour de Catalogne. Depuis son arrivée en 2023 chez Alpecin-Deceuninck, le Morbihannais a franchi un cap.

Sélectionneur de l'équipe de France et consultant pour France Télévisions, Thomas Voeckler lui promet un avenir "très prometteur" : "Il a une base solide. Sa progression est régulière et les bases sont saines. C'est ça qui va faire qu'il va durer".  En interview, l'intéressé est à l'aise, sûr de lui, mais ne veut surtout pas brûler les étapes.

Franceinfo: sport : Vous attendiez-vous à un aussi bon début de saison ?

Axel Laurance : J'ai senti dès cet hiver que j'avais vraiment passé un palier. Je me sentais beaucoup plus solide. Le but, c'était d'être en forme d'entrée de jeu pour être performant au Grand Prix La Marseillaise et à l'Etoile de Bessèges. J'ai travaillé dur tout l'hiver et ça a payé dès la première course de la saison. Quand tu gagnes rapidement, ça te lance, ça te donne une totale confiance pour la suite.

Il y a moins de deux ans, vous viviez la disparition de votre équipe B&B Hotels-KTM alors que vous veniez de vivre votre première saison complète chez les pros. Quel regard vous portez sur votre trajectoire ?

Forcément, ce ne sont pas des choses qu'on peut imaginer. Avec cette histoire, il y a eu beaucoup de changements et de rebondissements, il a fallu un peu se précipiter sur le coup, mais j'ai continué sur ma lancée en ne voulant pas griller les étapes. Pour moi, ça reste la suite logique de ma progression. Chaque année, je passe un palier. J'ai fait l'année 2023 en développement et maintenant je me retrouve sur les plus grosses courses du calendrier. Je procède étape par étape. Tout ça fait que cette année j'arrive à montrer mon plein potentiel.

En ce qui concerne votre profil, est-ce qu'on peut vous qualifier de puncheur ?

Dans les grandes lignes, on peut dire ça. Mais c'est vrai que j'ai un profil assez particulier, un peu comme un Michael Matthews avec qui je me vois de plus en plus de ressemblances. Je suis assez rapide, mais je ne fais pas encore partie des vrais puncheurs qui passent vraiment bien les bosses. Je suis un peu entre les lignes. J'aime bien les classiques en général : les pavés, les Ardennaises... Mais je peux m'exprimer sur pas mal de terrains. Je pense qu'on peut me qualifier de puncheur-sprinteur.

Axel Laurance célèbre sa victoire face à Mads Pedersen sur l'Etoile de Bessèges, le 1er février 2024. (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Sur quelle course rêveriez-vous de vous imposer un jour ?

J'ai toujours dit que ce serait les Strade Bianche. Cette année, j'ai participé à pas mal de grosses courses et c'est vrai qu'un Tour des Flandres, quand on voit le public, [c'est tentant]. Je pense qu'à Liège ce sera pareil... Je n'ai plus tellement une course en particulier en tête, mais les grands rendez-vous me font envie.

Dans quel état d'esprit êtes-vous avant Liège-Bastogne-Liège, quelques jours après cette Flèche wallonne aux conditions météorologiques terribles ?

On ne s'attendait pas spécialement à ramasser autant. C'était l'une de mes journées les plus dantesques sur un vélo. C'était horrible, mais le fait d'avoir terminé la course (18e sur la ligne d'arrivée et seulement 44 coureurs l'ont franchie), ça m'a donné un peu de confiance. Si je suis capable de survivre à cette journée-là, c'est que je suis capable de le refaire dimanche.

Quel sera votre rôle autour de Mathieu van der Poel dimanche ?

On sera tous autour de Mathieu. Il faut qu'on soit plus intelligents [que nos adversaires] parce qu'il ne sera pas forcément le grand favori. Tadej Pogacar sera là avec une grosse équipe. Nous, on sera dans une position plus défensive par rapport aux courses précédentes. Ce n'est pas à nous de gérer la course. Le schéma sera différent. Sur des courses comme celles-là, il y a du positionnement mais à la fin, la différence se fait à la pédale. Les difficultés s'enchaînent tellement que tu ne peux pas trop mentir.

Comment se passe le quotidien aux côtés d'un coureur comme Mathieu van der Poel ?

C'est un gars très simple. On se rend compte que c'est un humain. C'est une personne super simple, relâchée et calme. Il ne paraît jamais nerveux ou, en tout cas, il ne le montre pas.

"Maintenant, Mathieu a une expérience qui lui permet de se connaître à la perfection. C'est une personne à part. Peu de monde est capable de reproduire ce qu'il fait."

Axel Laurance

à franceinfo: sport

Le jour où il prendra sa retraite, on se rendra compte de tout ce qu'il a réalisé. Quand on est au départ de Milan-San Remo ou du Tour des Flandres, et que c'est lui le leader, c'est très plaisant parce qu'il y a toujours un enjeu et un but.

Qu'est-ce qui vous marque le plus dans la manière dont Alpecin-Deceuninck court et encadre ses coureurs ?

C'est une équipe très efficace. Elle n'a pas le plus gros budget du peloton, mais tout est calculé. Il y a une très bonne atmosphère. Entre coureurs, on s'entend tous super bien. Quand on vient sur les courses, on s'amuse. On est à la recherche de la performance mais aussi du bien-être du coureur. Pour moi, c'est vraiment important de se sentir libre, de ne pas avoir quelqu'un sur son dos en permanence à te dire quoi manger par exemple. Ils nous laissent faire. Ils partent du principe que si tu es professionnel, tu sais ce que tu dois faire. 

A quel point le fait de passer une année en équipe de développement vous a permis de vous développer ?

J'ai appris à entrer dans l'esprit de l'équipe. C'était totalement différent pour moi. On court en équipe. Avec B&B, l'idée c'était de voir qui était bien et de s'adapter dans le final. Les choses étaient moins établies. Là, sur chaque course, il y a un plan à respecter. Le but, c'était aussi de rester dans une catégorie où je peux gagner des courses. Avec mon profil, c'est important. Il fallait que je garde cette grinta pour le final. Ça a été le bon choix parce que j'ai gagné trois courses l'année dernière. On a beaucoup moins peur quand on sait qu'on est capable de gagner.

Comment avez-vous digéré votre titre de champion du monde Espoirs 2023 ? Certains de vos prédécesseurs n'ont pas confirmé après ce titre...

J'ai pris les choses du bon côté je pense. Je ne me suis pas laissé emporter par l'enjeu. Tout de suite, j'ai essayé de switcher, de me dire que c'était une course comme une autre et qu'il fallait que je gagne à nouveau. Ça m'a fait plus de bien qu'autre chose. Ça m'a permis de relativiser et de prendre les courses beaucoup plus calmement. Je suis moins stressé, je me mets moins de pression inutile. Ça m'a vraiment changé.

Vous avez pratiqué le cyclo-cross et le cyclisme sur piste également. Ça vous sert aujourd'hui sur route ?

J'ai même commencé par le BMX, pendant huit ans. Ensuite, j'ai pratiqué les trois disciplines en même temps. Ça m'a donné tout un bagage technique et tactique. Je suis capable de m'adapter à quasiment toutes les situations. C'est ce qui fait ma force et ce qui me permet aujourd'hui d'être un coureur complet. J'ai une très bonne vision tactique. C'est un grand atout, même sur les chutes, parce qu'il faut être assez technique sur son vélo [pour les éviter]. Je suis assez habile et j'arrive à bien gérer ces situations-là.

Peut-on vous imaginer au Tour de France ou à la course en ligne des Jeux olympiques ?

L'équipe ne m'a pas prévu sur un Grand Tour. Le Tour de France, on n'en a jamais parlé. Ce sera articulé autour de Jasper Philipsen. Je pense que je n'ai rien à faire là-bas parce que je ne fais pas partie de son train [de sprint]. On ne va pas dire que c'est encore trop tôt, parce que je pense que je suis capable d'y participer. Mais je n'ai pas envie d'aller sur le Tour de France juste pour dire que je l'ai fait. Le jour où je viendrai, c'est que je serai capable de gagner une étape. 

Pour les Jeux olympiques, c'est encore un peu trop tôt. Il n'y a que quatre places. Ce n'est rien, surtout pour une nation comme la France. C'est une course particulière, avec 90 coureurs et beaucoup de kilomètres. Des coureurs comme Christophe Laporte, eux, peuvent l'avoir dans la tête. Si on m'appelle, oui c'est incroyable et je ferai tout pour être au rendez-vous mais c'est surréaliste, pour moi, d'en faire un objectif personnel cette année. 

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