Eurocoupe : Paris-Bourg-en-Bresse en finale, le choc des deux mondes du basket français

La finale de la deuxième compétition du continent, l'Eurocoupe, va mettre aux prises deux clubs français, le Paris Basketball et la JL Bourg, à partir de mardi.
Article rédigé par Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Nadir Hifi (Paris Basketball) contre Zaccharie Risacher (Bourg-en-Bresse), l'affiche de la finale de l'Eurocoupe 2024 de basket (MARCUS BRANDT / AFP - Hafner/Newscom/MaxPPP)

Bourges et Valenciennes, adversaires en Euroligue féminine en 2001, ainsi que Nanterre et Chalon-sur-Saône (en Fiba Europe Cup en 2017) ont désormais des successeurs. Mardi 9 avril, le Paris Basketball reçoit la Jeunesse laïque de Bourg-en-Bresse pour la première manche du titre de l'Eurocoupe, le deuxième échelon des compétitions continentales. L'affiche entre deux formations si opposées rend plus croustillant encore cet affrontement au meilleur des trois matchs (match retour le 12 avril, belle éventuelle le 15 avril).

Entre Paris et Bourg, "ce sont deux histoires complètement différentes" résume Simon Darnauzan, consultant pour la chaîne Skweek, diffuseur de l'Eurocoupe, et ancien joueur professionnel. D'un côté, le club de la capitale, tout neuf ou presque à l'échelle du basket français et à l'ascension météorique. De l'autre, la JL Bourg, séculaire (fondé en 1910) et à la progression méthodique. A travers ce face-à-face, ce sont les deux visages du basket professionnel masculin qui se confrontent dans le succès : celui des "nouveaux riches" de la balle orange, face au "basket de clocher".

Club du Grand Paris contre "PME de l'Ain"

Le Paris Basketball arbore fièrement sur son logo sa jeunesse, et un acte de naissance en 2018, mené notamment par l'Américain David Kahn, président du club et ancien dirigeant en NBA, du côté de Minnesota. Pour exister, le club a payé sa place en deuxième division en rachetant la licence de Hyères-Toulon. Et pour passer un cap parmi l'élite, il s'est servi l'été dernier d'une recette qui avait déjà fait ses preuves en dépouillant le club allemand de Bonn, vainqueur de la Ligue des champions (troisième échelon européen), de six joueurs, son entraîneur et trois assistants.

Le projet parisien n'a pas lésiné sur les moyens pour décoller. Il a surtout su allier à la vitesse grand V les résultats sportifs et une image urbaine dépoussiérée, après les nombreux échecs d'un club d'envergure dans la capitale. "C'est toujours compliqué quel que soit le sport, Paris c'est à part, décrypte Simon Darnauzan. Tout ça a du sens dans le contexte de Paris : le show qu'ils arrivent à mettre pendant les matchs, cette identité très "showtime"… Ils ont bien ciblé leur cœur de supporters et cela fonctionne très bien."

Pour preuve, Paris aura l'avantage du terrain dans son écrin flambant neuf, l'Adidas Arena de la Porte de la Chapelle et ses 8000 places, calqué sur le modèle des enceintes NBA et que David Kahn présentait à L'Equipe en janvier dernier comme la future "meilleure salle de basket en Europe".

Il aura fallu près de deux ans et demi de travaux avant d'inaugurer la nouvelle résidence du Paris basket-ball.
De nombreuses personnalités ont fait le déplacement pour assister au premier match dans l'Adidas Arena qui accueillera certaines épreuves des Jeux 2024.
L'inauguration de l'Adidas Arena Il aura fallu près de deux ans et demi de travaux avant d'inaugurer la nouvelle résidence du Paris basket-ball. De nombreuses personnalités ont fait le déplacement pour assister au premier match dans l'Adidas Arena qui accueillera certaines épreuves des Jeux 2024. (.)

Bourg-en-Bresse compte dans ses rangs un grand espoir français avec Zaccharie Risacher, annoncé successeur de Victor Wembanyama comme premier choix de la prochaine draft NBA, et néo-international tricolore comme le Parisien Nadir Hifi. La "Jeu" s'est elle aussi construit son chaudron, la salle Ekinox, en avance sur son temps à sa sortie de terre en 2014, mais dont le club est passé par toutes les étapes, d'un yo-yo entre la première et la deuxième division dans les années 2010 à une première participation européenne il y a seulement quatre ans.

Dans ce profil assumé de petit à la table des grands, Bourg impose un nouvel entre-deux. "Bourg-en-Bresse a fait un boulot extraordinaire dans la durée, avance Simon Darnauzan, qui a terminé sa carrière au sein du club entre 2013 et 2015. Déjà quand j'y étais à l'époque, ce club était surdimensionné pour la Pro B dans les structures et il ne manquait que les résultats sportifs. Le club était déjà prêt pour le plus haut niveau. C'est rassurant pour le basket français de voir des clubs comme Bourg qui ont su prendre le temps de travailler, de se structurer, financièrement notamment. Pour une ville comme Bourg-en-Bresse, c'est magique."

"On converge tous vers un même objectif de gagner, affirme à franceinfo: sport Julien Desbottes, président de la JL Bourg. On veut garder notre esprit de famille mais on cultive l'idée d'être une famille de vainqueurs." Parmi les premiers clubs en France à avoir étoffé son staff médical par de la préparation mentale, ou à avoir doté son staff d'un binôme de directeurs, un pour le sportif, l'autre pour l'administratif, Bourg réussit le défi de mêler mesure et ambition. Le tout permis par une identité locale forte et une transformation d'un club de basket en "une belle PME du département de l'Ain" comme l'évoque Julien Desbottes.

"Cette structure, c'est l'essence-même du projet que l'on porte. Je pense que notre modèle a les mêmes fragilités que les autres sur certains aspects [blessures, erreurs de casting…], mais je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de clubs qui consacrent autant de temps et de moyens pour essayer de ne pas se tromper."

Julien Desbottes, président de la JL Bourg

à franceinfo: sport

"Tout le modèle économique sur lequel repose le club n'est pas dépendant de son président, poursuit-il. Même si à un moment il y aura forcément des difficultés, je veux que le club soit le moins dépendant possible de moi-même. Quand je vois le modèle de développement des clubs qui nous concurrencent aujourd'hui, c'est différent et ces modèles ont aussi leurs fragilités."

Cet éloge de la patience va désormais se heurter au jeu frénétique du Paris Basketball, meilleure attaque et de loin de l'Eurocoupe (98,4 points par match). "Pendant 40 minutes, c'est une intensité constante, un rythme fou… Ce qu'ils proposent en termes de qualité de jeu, c'est du jamais-vu pour moi dans le championnat de France" s'enthousiasme Simon Darnauzan. Mené par le coach finlandais Tuomas Iisalo, élu meilleur entraîneur de la compétition, Paris reste sur 17 victoires de rang toutes compétitions confondues. Bourg aussi a des arguments, avec l'ancienne légende de Pau-Orthez Freddy Fauthoux sur le banc, et qui vient de prolonger trois ans dans l'Ain.

Une invitation parmi le gratin européen en jeu

A la rentrée, le club pourrait gravir un échelon et se retrouver en Euroligue, l'élite du basket européen, pour la première fois de son histoire. Mais, même s'il récupère le billet promis au vainqueur de l'Eurocoupe, le club aindinois n'est pas sûr d'y participer. "Ce serait irresponsable de ne pas se projeter dans cette hypothèse, avance Julien Desbottes. Néanmoins, on le fait avec beaucoup de modestie, de sagesse parce qu'on sait bien qui on est, et on sait bien qui on n'est pas. Je ne vais pas être kamikaze non plus, il y aura beaucoup de préalables et de conditions à lever". Le cahier des charges de l'Euroligue a de nombreuses exigences, dont une salle avec au minimum 5 000 places assises, ce que l'Ekinox n'offre pas (3548 places).

L'Euroligue, Paris en rêve ouvertement et a déjà été invité à la table des négociations. "Avec leur arena, et Bercy également proche, c'est un marché que nous souhaitons investir, comme Londres et Berlin" évoquait à L'Equipe Paulius Motiejunas, PDG de la plus grande compétition européenne. Vainqueur de son premier trophée, la Leaders Cup (compétition entre les huit premiers du championnat de France à la mi-saison), Paris peut remporter l'Eurocoupe avant même d'avoir disputé son premier match de playoffs, les phases finales du championnat de France, pour lesquelles il a validé son ticket samedi pour la première fois depuis sa jeune existence. Un point de passage obligatoire qui doit lui permettre de gagner en légitimité, et de suivre les traces de Monaco, passé par cette étape et désormais locomotive du basket français.

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