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Zurich: Mekhissi, le jour d’après

S’ils reconnaissent tous la faute de Mahiedine Mekhissi, les acteurs de l’athlétisme français ne digèrent toujours pas le recours déposé par l’Espagne la veille pour retirer au spécialiste du 3.000 m steeple sa victoire aux Championnats d’Europe de Zurich.
Article rédigé par franceinfo
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Philippe Dupont et Mehdi Baala réconfortent Mahiedine Mekhissi à l'arrivée du 1.500 mètres

Qualifié pour la finale du 1.500 mètres au prix d’un finish spectaculaire, Mahiedine Mekhissi n’avait pas le cœur à s’en féliciter. Les yeux rouges, des trémolos dans la voix et une couverture de survie sur le dos, le demi-fondeur a la mine triste. "Avec ce troisième titre de champion d’Europe consécutif, j’aurais marqué l’histoire. C’est ça qu’on m’a enlevé hier". Le Rémois n’en dira pas plus. Au lendemain de sa disqualification sur 3.000 m steeple, le clan français est revenu à plus de mesure dans ses propos.

Dupont à Mekhissi: "Tu n'avais pas le droit de faire ça"

"Ce retrait de maillot ne correspond pas à l’éthique de l’athlétisme, raconte son entraîneur Philippe Dupont. Après la course je lui ai dit : 'Tu n’avais pas le droit de faire ça'. Il ne savait pas. Je l’ai repris : 'Oui, mais tu ne l’as jamais vu avant'. Et il m’a répondu : 'J’ai pas réfléchi, je pensais que c’était un moment de partage avec le public'. Tout faux, évidemment !" Présents dans les gradins au moment de l’arrivée triomphale du demi-fondeur, Antoine et Arnaud, 22 et 27 ans, partagent l’avis du technicien. "La disqualification est regrettable mais il y a des règles, commence le premier. C’était risqué comme geste." "Je l’ai vu retirer son maillot et je me suis dit : 'Chouette'. Puis, j’ai pensé qu’un athlète avait l’obligation de garder son maillot du départ à l’arrivée pour montrer son dossard aux juges et aux télés". Les deux jeunes hommes originaires de la région bordelaise pratiquent l’athlétisme depuis plusieurs années.

Le président de la Fédération française d’athlétisme Bernard Amsalem abonde dans leur sens. "Mahiedine a fait une faute, le règlement est très précis là-dessus (les articles 143.1 et 143.7 du règlement de l’IAAF) : on ne peut pas enlever son maillot tant que l’on n’a pas fini course ou concours. Il n’aurait jamais dû faire ça". S’il est prompt à blâmer son athlète, le patron de la FFA pense qu’il n’a pas fait à mal. "Ce n’est pas de l’arrogance ni de la provocation. On connaît tous Mahiedine, c’est un instinctif qui fait parfois les choses sans réfléchir". "C’est quelqu’un qui a besoin de manifester sa joie et qui tombe dans l’euphorie. Mais ce n’est pas de la frime. Il essaie d’offrir du spectacle au public lorsqu’il court."

Amsalem: "C'est disproportionné"

Déguisé en power ranger avec son compère Arnaud, Antoine a lui aussi ressenti plus de maladresse que de suffisance dans le geste de Mekhissi : "Il fait souvent des bêtises mais il vit pour son sport. Il se laisse déborder par l’émotion et en oublie les règles". Si son ami regrette qu’en tant qu’athlète pro il n’arrive pas à rester concentré du début à la fin d’une course pour éviter ce genre de péripéties, il condamne la sanction infligée au vice-champion olympique du 3.000 m steeple. "Dans le sport, on ne peut invoquer le manque de fair-play pour contester une décision arbitrale. Si le juge a mis un carton jaune, il doit assumer et ne pas revenir dessus." Antoine aussi s’insurge : "C’est sévère de retirer une médaille. La plupart des juges ont été athlètes, ils savent ce que ça fait. Ça peut miner sa carrière. Enlever son maillot, c’est un manque de respect ? Et quand Kemboi termine sa course couloir 8 aux Jeux, que Mo Farah va dans le peloton pour chambrer et mieux repartir à l’avant, c’est quoi ? Je trouve la réclamation de l’Espagne un peu poussée."

Philippe Dupont va même plus loin. "L’attitude des Espagnols est méprisable. Et ça m’emmerde que ce soit Mullera, leur athlète au passé un petit peu trouble en 2012 qui en profite. Essayer de faire récupérer une médaille à ce type-là, c’est triste." Pour sa part, Bernard Amsalem déplore la dureté de la sanction. "Je trouve qu’avec la faute qui est réelle, condamnable et qui a reçu un avertissement, puis la disqualification, on est sur une double peine. C’est disproportionné par rapport à l’acte commis." Et si Mekhissi avait aussi payé pour ses frasques passées ? "Mahiedine a un passif entre son histoire avec la mascotte d’Helsinki et l’accrochage avec Baala au meeting de Monaco, analyse Amsalem. Les juges et acteurs de l’athlé ne l’ont pas oublié." Et Mekhissi l’a peut-être payé d’un titre de champion d’Europe.

Vidéo: La course de Mekhissi

La course de Mekhissi

Vidéo: L'annonce de la disqualification de Mekhissi

L'annonce de la disqualification de Mekhissi

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