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Zurich: la folle soirée de l'équipe de France

L'équipe de France d'athlétisme a vécu l'une des heures les plus agitées de son histoire lors des Championnats d'Europe de Zurich. Titré sur 3.000 m steeple, Mahiedine Mekhissi a été disqualifié pour avoir retiré son maillot avant la ligne d'arrivée. Quelques minutes plus tard, c'est Dimitri Bascou qui perdait le bronze pour avoir posé ses pointes dans le couloir du Hongrois Baji.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Tout avait pourtant si bien commencé. Lesueur ayant découvert un filon d'or la veille, ses compatriotes ont voulu l'exploiter. Double tenant du titre sur 3.000 m steeple, Mahiedine Mekhissi s'apprête à tripler sa couronne. Largement en tête d'une course qu'il a dominé en patron, le fondeur manifeste sa joie en retirant son maillot dans la dernière ligne droite. Domicile des Grasshoppers Zurich, le Letzigrund a déjà vu ce geste une centaine de fois. Mais dans sa configuration football. Version athlé, c'est moins bien vu: "je lui ai dit de le remettre après l'arrivée, je connais l'athlétisme", lâchera d'ailleurs le DTN Ghani Yalouz plus tard. Tout à son bonheur, Mekhissi coupe la ligne les bras en l'air et le dossard dans la bouche. Les juges n'ont pas le temps de l'approcher que le clan bleu l'a déjà happé et  Yalouz embrassé. Sur la piste, les officiels européens s'agitent. Comme une traînée de poudre, la rumeur se répand dans les tribunes. L'athlète tricolore pourrait être écoper d'une sanction allant jusqu'à la disqualification. Son entraîneur Philippe Dupont désamorce: "C'est de la joie, on s'en rend compte. Il marche à l'instinct et c'est un malade de foot donc il a fait ça. Quand Mo Farah fait son signe dans la dernière ligne droite, ça ne dérange personne..."

Vidéo: l'arrivée du 3.000 mètres steeple

Le juge lui aurait infligé un carton jaune. L'Espagne, dont le représentant s'est classé quatrième à la régulière, aurait déposé un proteste. Les bruits circulent mais rien n'est officiel. Sur le tartan, Benjamin Compaoré fait oublier ces tracas en posant un bond à 17,46 mètres et ses mains sur l'or. Annoncé comme le grand favori du 110 mètres haies, Pascal Martinot-Lagarde perd lui à la bagarre avec le Russe Shubenkov, le Britannique Sharman et son camarade d'entraînement Dimitri Bascou. Quatrième, PML s'empare pourtant d'un drapeau et entame un tour d'honneur... Il apprend finalement sur le plateau de France Télévisions qu'il n'est pas sur le podium... Dans la foulée, l'idée que Bascou puisse être disqualifié pour avoir posé son pied dans le couloir voisin fait son chemin. "Après la dernière haie je fais une faute et je passe un peu dans le couloir d'à côté. J'ai tout fait pour tenter d'éviter le contact donc ça devrait aller", explique l'un des poulains de l'écurie Giscard Samba. 

Vidéo: la finale du 110 m haies 

Bascou médaille de bronze sur 110m haies

Bascou, un disqualifié parti fêter sa médaille

Sous ses pieds, quelques étages plus bas, Mekhissi raconte son titre en zone mixte en compagnie de son dauphin Yoann Kowal, auteur d'un finish magistral. C'est là qu'un membre du staff de l'équipe de France vient lui apprendre sa disqualification. Il quitte précipitamment les lieux, laissant son compatriote démuni et vert de rage. "Je ne suis pas champion d'Europe, je ne monterai pas sur la première marche du podium. Les Espagnols sont vraiment des renards. Ils font tout pour gratter une médaille". A ses côtés, coach Dupont contrôle un peu mieux ses nerfs. "Quand on connaît Mahiedine en dehors, c'est un mec super bien. Là, il a un peu perdu le contrôle. Mais il n'a gêné personne. Ce n'est pas fair play de la part de l'Espagne, car si leur Fédération ne dit rien, il ne se passe rien".

Vidéo: la réaction de Mekhissi à l'issue de la course

La réaction de Mekhissi après sa victoire

Plus terrible encore, le sort réservé à Dimitri Bascou. Le hurdler dit aux micros des médias sa joie d'être en bronze durant de longues minutes. Il a disparu en direction du club France pour fêter sa médaille quand la nouvelle tombe: il ne la conservera pas. Cindy Billaud, venue en spectatrice, est horrifiée, Pascal Martinot-Lagarde désormais 3e, en apesanteur : "Dim a mérité sa médaille. C'est horrible que je passe 3e comme ça. Apparemment, il a mordu la ligne. Mais moi je suis venu ici pour l'or ou rien. Et je n'ai rien. Je pense que j'aurais dû gagner. Je me sens comme le meilleur européen malgré tout".

Yalouz : "C'est petit de la part des Espagnols"

Le délire est total. Deux heures environ après l'arrivée de Mahiedine Mekhissi, Yalouz fait enfin une déclaration publique sur la situation. "Je retiens la facilité avec laquelle Mahiedine s'est imposé alors qu'il souffrait d'un point de côté. L'Espagne a un comportement anti-sportif. C'est vraiment lamentable lorsque l'on voit la façon dont il gagne. Peut-on oublier le grain de folie et la joie que procure une victoire en Championnat? Il faut laisser s'exprimer tout cela. Il n'a gêné personne, était largement devant et a exprimé sa joie à sa manière. C'est très petit de la part des Espagnols. On ne l'oubliera pas. Maintenant, il faut remotiver Mahiedine (pour le 1.500 mètres)". L'ancien lutteur détaille la procédure qui a provoqué la disqualification du fondeur. L'Espagne a porté réclamation contre le juge ayant brandi le carton jaune à Mekhissi. Réclamation refusée puis finalement acceptée en appel.

Pour contester cette décision, la France a déposé un recours. Il a été rejeté... De l'autre côté de la fine cloison, l'Ibère Angel Mullera, médaillé de bronze grâce à ces modification est au téléphone avec un de ses proches. Il sourit: "Cette disqualification est juste parce que ce geste est contraire aux valeurs de l'athlétisme. Sur la piste Mekhissi a été le meilleur mais il a manqué de repect à ses adversaires. C'est l'un des plus grands athlètes de 3.000 steeple de l'histoire, mais ce soir, il aura été le meilleur en course et le pire à la fin. Je comprends que les Français puissent être énervé mais je n'ai rien fait. Ce n'est pas moi qui ai retiré mon maillot". Les Bleus des tenues tricolores ont déteint sur les âmes. Partie pour une soirée de rêve, l'équipe de France a délaissé cette fièvre festive pour une autre. Celle qui fait mal à la tête.  

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