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Reportage JO 2022 : "Il a montré qui est le patron !" Le clan français bluffé par Clément Noël, nouveau roi du slalom

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Yanqing
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le skieur français Clément Noël, champion olympique de slalom, durant la remise des médailles, le 16 février 2022, à Yanging (Chine). (DIMITAR DILKOFF / AFP)

C'est une première pour un Français en ski alpin depuis les Jeux de Turin : Clément Noël a été sacré champion olympique de slalom, vendredi. Franceinfo sport a vécu cette journée historique dans les traces du skieur de Val d'Isère et son équipe.

Seize ans. Depuis le titre d'Antoine Dénériaz en descente en 2006, la France n'avait plus goûté aux joies d'une médaille d'or olympique en ski alpin. Une attente invraisemblable vu les champions tricolores des dernières années, et qui a pris fin mercredi 16 février 2022 à Yanqing, grâce à la victoire en slalom de Clément Noël. 

Rarement sur ces Jeux aura-t-on vu une telle effervescence autour d'une épreuve de ski alpin. Si les tribunes de l'Alpine National Ski Centre de Yanqing sont loin d'être garnies à quelques minutes de la première manche du slalom, cela s'agite tout autour.

Les Haïtiens supporters des Bleus

La raquette d'arrivée prend des airs de fourmilière, remplie par toutes les délégations venues assister au grand spectacle promis par ce slalom olympique. Français, Suisses, Autrichiens, Norvégiens, Allemands ou encore Italiens : tous sont au rendez-vous. Même les Haïtiens.

Le petit pays caribéen compte un athlète au départ : Richardson Viano, 19 ans, premier et seul Haïtien ayant participé aux Jeux. Basé à Brides-les-Bains toute la saison, il est entraîné par le Français Thierry Montillet. "C'est un peu le troisième Français au départ. Certaines personnes disent qu'il y a deux équipes françaises : la France et Haïti. On est aussi à fond derrière Alexis Pinturault et Clément Noël", sourit le cousin de Carole. 

Thierry Montillet et la délégation haïtienne au bas de la piste de slalom, le 16 février 2022 à Yanqing. (AH / FRANCEINFO: SPORT)

La délégation haïtienne, qui détonne avec ses manteaux bigarrés, n'est pas la seule à afficher son soutien pour le duo tricolore. A quelques mètres de là, il y a de l'animation au départ du télésiège. "Le télésiège d'entraînement est dans l'arrivée du slalom, ça tombe bien", sourit Mathieu Faivre, médaillé de bronze en slalom géant dimanche. Aux côtés du Niçois, une large partie du groupe France assiste à la course, notamment Tessa Worley, Thibaut Favrot, Cyprien Sarrazin ou encore Nils Allègre. "On est venus un peu plus tôt pour soutenir les gars au slalom. Il fait beau, toujours un petit peu frais mais le soleil est là, on n'est pas trop mal", apprécie Faivre.

Avant leur entraînement pour le parallèle par équipes, les Bleus déchaussent les skis : "On est là pour Clément et Alexis, mais quand on est dans le portillon de départ, on est le seul acteur de cette performance à l'instant T, même si, évidemment, il y a une équipe derrière qui est là pour soutenir. Tout seul, ce serait compliqué, on a besoin de cet état d'esprit collectif-là."

Les skieurs français sont venus soutenir leurs compatriotes Clément Noël et Alexis Pinturault lors de la première manche de slalom des JO, le 16 février 2022 à Yanqing (Chine). (AH / FRANCEINFO: SPORT)

Avec son dossard 4, Clément Noël fait partie des grands favoris. "Vas-y mon petit, allez !" : les encouragements français (et suisses) vont bon train. Sixième de la première manche, le slalomeur tricolore a assuré. "Le job est fait, on va tout lâcher en seconde manche", promet Noël, qui confie avoir eu du mal à s'adapter à la piste. "Elle n'est pas très sélective en soi, mais la neige n'est pas facile. En haut, c'est correct, en bas, c'est plus glacé, plus compliqué. C'est bien d'être en bas et d'avoir quelque chose à jouer en seconde manche." Clément Noël file au chaud tandis qu'Alexis Pinturault, toujours touché à l'épaule, signe le 15e temps provisoire. 

"C'est une manche plutôt correcte. Il faut que je trouve ce second souffle, du plaisir, de la folie dans mon ski. Je me trouve extrêmement fatigué psychologiquement. Il faut que je m'amuse sur les skis. On va essayer de s'amuser en seconde manche."

Alexis Pinturault, slalomeur français

à franceinfo: sport

Après avoir emprunté la crème solaire de l'ancien skieur Julien Lizeroux, toujours là pour soutenir les Bleus, Mathieu Faivre embarque lui sur le télésiège d'entraînement, encouragé par Anne-Chantal Pigelet, la présidente de la Fédération de ski. "La journée peut être très belle. C'est assez serré. Tout est jouable. Nos garçons sont prêts", prévient-elle. De quoi avoir enfin un skieur français en or ? "Pourquoi enfin ? coupe-t-elle en riant. Oui, on l'attend cet or, c'est tout ce que je peux leur souhaiter et puis il y a le parallèle samedi. On a encore quelques cartouches"

L'or de la revanche

Pendant la pause déjeuner et les trois longues heures qui séparent les deux manches, Clément Noël ne pense plus au ski. Ou du moins, il tente : "Ce n'est pas une journée agréable à passer. Ça reste des moments d'attente, sous tension, où on essaye de décrocher entre les deux manches. J'aime bien avoir des gens pour discuter, parce que si je suis seul, je réfléchis trop". Le skieur est bien entouré ce mercredi. A l'entame de la deuxième manche, les Bleus sont redescendus de leur entraînement. Le staff est là aussi.

Pour les Tricolores, la seconde manche est d'abord marquée un long silence après la course d'Alexis Pinturault (16e). Mais ce sont bien les Français qui font le plus de bruit ensuite dans la raquette d'arrivée. Sous des tribunes assez vides, le clan bleu-blanc-rouge hurle sa joie à l'arrivée de Clément Noël, puis à chaque coureur venu se classer derrière lui. De quoi faire sourire les bénévoles des JO, moins les Autrichiens et Norvégiens.

Puis finalement, la délivrance. Leader à l'issue de la première manche, Johannes Strolz termine à la deuxième place. Clément Noël est officiellement champion olympique. Les Bleus déferlent sur les barrières pour saluer leur héros. "C'est juste énorme ce qu'il a fait, c'est cool, hein ? Elle restera gravée à vie celle-ci. C'est un magicien. Il a montré qui est le patron", exulte son coach Fred Perrin.

"Je l'adore quand il prend des risques comme ça. Je déteste le voir dans le contrôle, ça ne lui va pas du tout. C'est une énorme médaille olympique sur une course très relevée avec tous les cadors, et aucun qui sort. C'est le patron du slalom mondial, il confirme."

Fred Perrin, entraîneur national du ski alpin français

à franceinfo: sport

Frustrée par les 5 et 6e places de Meillard et Yule, la délégation suisse sourit toutefois en voyant ce joyeux bazar tricolore : "Finalement, on va l'entendre cette Marseillaise !" 

Près d'une heure après être monté sur le podium, Clément Noël en finit avec l'interminable protocole médiatique, sans jamais perdre son sourire, même lorsque la télévision hongroise le demande : "Ah ouais, carrément ?" se marre le Français. Pendant ce temps, les Haïtiens dansent et chantent quelques mètres plus loin, contents que Richardson Viano ait fini sa course (34e).

"Hyper touchant de voir l'équipe comme ça"

Assis dans la salle de presse, enfin au chaud, le Vosgien savoure : "C'est un sentiment assez magique. Je ne pensais pas trop à la médaille ce matin. Pour profiter des Jeux, il faut 'performer'. Pas juste profiter du village olympique"

Petit à petit, Clément Noël commence à réaliser. Encore un peu de patience, et il pourra fêter cela au village olympique avec le clan tricolore qui l'a porté sur l'Olympe. "C'est ça aussi qui fait le moment, de voir les copains, les coachs, mon technicien hyper heureux en bas. C'est hyper touchant de voir l'équipe comme ça et c'est aussi grâce à eux que j'ai cette médaille".

Premier slalomeur français champion olympique français depuis vingt ans, le Vosgien, formé à Val d'Isère, est considéré comme le meilleur slalomeur du monde depuis plusieurs années.  Son premier titre international vient confirmer cette opinion. Après avoir jeté un coup d'œil à sa médaille d'or autour du coup, l'intéressé est aux anges : "C'est un accomplissement, il n'y a pas grand chose de plus fort qu'une médaille olympique. Mais je ne suis encore pas trop vieux…"  Au terme d'un mercredi de fête, Noël s'est offert le plus beau des cadeaux.

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