JO 2022 : "C'est un grand pas en avant pour Haïti", savoure Richardson Viano, premier Haïtien à participer aux Jeux olympiques d'hiver
Pour la première fois de son histoire, Haïti sera représenté aux Jeux olympiques d'hiver, à Pékin, avec Richardson Viano, un skieur alpin de 19 ans qualifié en slalom et en géant.
Richardson Viano a d'ores et déjà laissé une trace dans le livre des belles histoires olympiques. Après avoir validé le seul quota attribué à Haïti, l'athlète de 19 ans est le premier skieur haïtien à participer aux Jeux olympiques d'hiver. Si le pays a déjà participé à 17 éditions des Jeux d'été, et y a glané deux médailles, c'est bien la première fois qu'il sera représenté aux Jeux d'hiver. Pays sans neige à l'instar du Timor-Oriental, qui compte dans ses rangs le Franco-Timorais Yohan Goutt Goncalves, Haïti va donc découvrir les Jeux d'hiver par l'intermédiaire de Richardson Viano.
Né à Haïti et adopté à l'âge de trois ans par un couple d'Italiens vivant en France, il sera engagé en slalom et en géant. Le franco-italo-haïtien concourt pour son île natale depuis 2019. La saison dernière, lors des championnats du monde à Cortina d'Ampezzo (Italie), il avait terminé 35e du géant. Sa meilleure performance. À Pékin, son objectif ne réside pas dans le résultat mais surtout dans le fait de représenter au mieux Haïti et de "savourer ce moment unique". Pour franceinfo: sport, Richardson Viano revient sur cette participation olympique "inespérée".
franceinfo: sport : Pour la première fois de son histoire, Haïti participera aux JO d'hiver. Qu'est-ce-que cela représente pour vous ?
Richardson Viano : C'est un grand honneur pour moi. Je suis fier de porter les couleurs d'Haïti. Pour moi, participer aux Jeux olympiques était un rêve depuis que je suis enfant. Petit, je disais à mes parents : "Quand je serai grand, j'irai aux JO". J'ai toujours du mal à y croire. C'est un grand pas en avant pour Haïti. Participer était inespéré. C'est magnifique ce qu'il se passe, pour le pays, pour la Fédération haïtienne de ski et pour moi.
Quel est votre objectif à Pékin ?
Le but sera de montrer du bon ski, de représenter le mieux possible les couleurs d'Haïti, d'emmagasiner le maximum d'expérience, prendre du plaisir et profiter d'un moment si unique. Je n'ai pas d'objectif de résultats car cela serait me mettre une pression pour rien. Je n'ai pas le niveau pour monter sur un podium. Je suis très jeune, et j'ai beaucoup de travail à faire pour m'améliorer.
Vous allez prendre le départ aux côtés des meilleurs skieurs au monde. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
C'est un honneur pour moi de participer à des événements comme les JO, aux côtés de grands champions. Depuis que j'ai 10 ans, je regarde le ski avec passion à la télévision. Et aujourd'hui, je vais concourir sur la même piste que les meilleurs mondiaux. C'est un rêve. L'an passé, j'avais déjà pris le départ lors des championnats du monde. C'était un avant-goût.
Représentant d'une petite nation, l'écart est grand entre vous et les grands pays de ski, tant sur le financement de la saison, la logistique, les équipes techniques...
Oui, ce n'est pas facile, car on est nouveaux. On découvre encore beaucoup de choses et on est confrontés à des athlètes qui ont le soutien de grosses fédérations, avec des gros staffs. Les skieurs français vont peut-être arriver avec vingt paires de ski chacun, alors que moi je vais arriver avec seulement quatre paires. Face à des nations aussi fortes, on se sent petits.
Mais il ne faut pas penser à cela. Il faut, quoi qu'il arrive, se donner à fond, et ne pas baisser les bras même si on est face aux meilleurs skieurs du monde. Et si j'arrive à progresser, on pourrait, peut-être, avoir une deuxième place pour un autre skieur aux JO. Cela serait un autre rêve pour Haïti.
Comment financez-vous votre saison ?
Pour boucler mon budget, je peux compter sur mes parents, mes sponsors, et j'ai aussi touché une bourse olympique de la part du CIO.
Dès trois ans, à votre arrivée en France, votre père vous a mis sur les skis. Vous avez ensuite gravi tous les échelons jusqu'au niveau international mais vous n'avez pas réussi à intégrer l'équipe de France, faute de résultats. Vous avez alors failli raccrocher les skis quand un coup de fil a tout bousculé...
Oui, mon père, qui était guide de haute montagne, m'a tout de suite mis sur les skis. À mon arrivée en France, c'est la première chose que j'ai faite. Et vers 16 ans, à l'âge où tout se joue, où on choisit de continuer ou d'arrêter, je n'avais pas d'assez bons résultats. Alors, j'ai décidé d'arrêter. Mais deux semaines plus tard, le président de la Fédération haïtienne de ski, Jean-Pierre Roy, m'a appelé et m'a demandé : "Est-ce que tu veux skier pour Haïti ?"
"Au début, je n'y ai pas cru. J'ai pensé à une blague. Puis, en me renseignant sur Internet, j'ai effectivement constaté que la Fédération haïtienne de ski existait."
Richardson Viano, skieur franco-haïtienà franceinfo: sport
J'ai alors accepté. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Je ne savais pas si le projet était sérieux au niveau sportif, ou si l'objectif était seulement de faire de la pub à Haïti. Finalement, c'est le meilleur choix que j'ai pu faire, pour continuer le ski, participer à des Coupes du monde, des championnats du monde et les Jeux olympiques.
Avez-vous reçu des soutiens des Haïtiens ?
Je sais que beaucoup de médias parlent du parcours du premier Haïtien qui participe aux JO d'hiver. Le président de la Fédération, Jean-Pierre Roy, me dit qu'ils sont tous derrière moi, et qu'ils sont fiers. C'est important pour moi, car représenter Haïti est aussi un moyen de renouer avec mon île d'origine. Je n'y suis encore jamais retourné.
Haïti a subi de nombreuses catastrophes naturelles et le pays reste instable politiquement. Dans ce contexte, quel symbole est-ce pour vous de représenter Haïti sur la scène internationale à travers le sport ?
C'est un message d'espoir. Le sport est un moyen de sortir de la misère, de s'accrocher à quelque chose. Je veux passer un message aux Haïtiens afin de leur dire de toujours croire en eux et en leurs rêves et de ne jamais abandonner. Malgré les épreuves, il faut toujours y croire. Tout est possible. J'en suis la preuve.
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