Paris 2024 : pourquoi disputer les Jeux olympiques à domicile rapporte toujours plus de médailles au pays hôte

France Télévisions - Rédaction Sport
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Avec combien de médailles terminera la délégation tricolore lors de Jeux olympiques de Paris 2024 ? (HENRI LAURIANO / FRANCEINFO: SPORT)
L’histoire veut que le pays organisateur bénéficie quasiment toujours d'un gain de médailles aux JO, mais sera-ce le cas pour la France en 2024 ?

"Je vous le dis très clairement, on doit faire beaucoup plus ! Beaucoup plus. Parce que ce sont nos Jeux, à la maison, et c'est attendu (...). La France peut très clairement intégrer un jour durablement le top 5 olympique et paralympique. J'y crois". À l’heure d’accueillir les médaillés des Jeux de Tokyo, en septembre 2021, la déception de n’avoir terminé que huitième au classement des médailles était à peine digérée qu’Emmanuel Macron lui-même avait fixé la barre très haut, à trois ans de Paris 2024.

Réaffirmé à plusieurs reprises, l’objectif est resté le même pour la délégation tricolore. Intégrer le top 5 du tableau des médailles serait une première depuis les JO d’Atlanta en 1996 et, si l’on jette un œil aux résultats des derniers Jeux, il faudrait au moins 20 médailles d’or pour être dans les clous, soit deux fois plus qu'à Tokyo.

La tradition a toujours voulu que chaque pays hôte fasse son maximum pour bien figurer à domicile. Dans l’histoire des Jeux olympiques d'été (depuis 1896), 84% des pays à avoir organisé au moins une édition ont établi leur record de médailles à domicile. Seules exceptions : les Pays-Bas, la Finlande et l’Italie, hôtes en 1928, 1952 et 1960.

Connaissance des lieux et investissements

Autre constat statistique, être pays hôte coïncide presque toujours avec une augmentation significative du nombre de médailles par rapport à l’édition précédente. Depuis l’après-guerre, boycotts soviétiques et américains mis à part (en 1980 et 1984), le fait d’organiser les JO aboutit à un gain moyen de 12 médailles. Seuls les États-Unis (101 médailles à Atlanta 1996 contre 108 à Barcelone) et la Finlande (six médailles à Helsinki 1952 contre huit à Londres) n’ont pas connu cette croissance.

Historien du sport et délégué ministériel aux Jeux olympiques et paralympiques entre 2018 et 2022, Thierry Terret dresse la liste des facteurs à l’origine de ce phénomène, qui a notamment permis à la Chine de passer de 63 à 100 médailles entre les Jeux de 2004 et ceux de 2008, ou à la Grande-Bretagne de passer de 51 podiums en 2008 à 65 en 2012. "Le premier, c'est que les athlètes ont une meilleure connaissance de l'environnement. C'est aussi bien l'infrastructure que le climat, les horaires. Ce n'est pas la même chose d'avoir à se déplacer au Japon pour un Français que d'être chez lui, car son organisme est complètement prêt à performer dans les conditions qu'il connaît", analyse-t-il.

À Tokyo en 2021, le décalage horaire et la très forte humidité avaient perturbé des athlètes étrangers, là où le Japon avait réalisé la meilleure édition de son histoire (58 médailles, dont 27 titres).

"Le deuxième réside dans le fait de produire une performance devant davantage de proches et de citoyens. C'est un facteur de stimulation et donc de meilleure performance, dès lors que les athlètes ont été préparés psychologiquement", poursuit Thierry Terret. Un atout d’autant plus important que la pression supplémentaire de résultat à domicile est désormais beaucoup mieux gérée d’après Yann Cucherat, manager de la haute performance à l'Agence nationale du sport (ANS), créée en 2019 pour mettre sur orbite les meilleures chances de médailles françaises à Paris. "Quand on sent qu'un athlète peut être écrasé par le poids de la pression, on tente de lui donner les outils pour y remédier : des préparateurs mentaux pour mieux canaliser cette adrénaline, des routines d'entraînement pour être dans sa bulle le jour J ou des témoignages de champions", détaille-t-il.

"Pour moi, c'est clairement une force. Les Jeux à la maison, ça ne peut être que magnifique."

Mathilde Gros, cycliste sur piste

lors de l'événement Demain Le Sport

Maître d'œuvre de la réussite française à domicile, l'ANS cornaque ses meilleures chances, réduites au nombre de 600 athlètes, en allant par exemple chercher les meilleurs entraîneurs étrangers. "La cellule de performance de l'agence a vocation à identifier les athlètes qui ont montré qu'ils étaient en capacité de faire des médailles ou qui en sont tout proche, en assurant notamment un revenu minimum annuel de 40 000 euros. L'ANS a augmenté d'environ 25% les aides financières aux Fédérations, de 75% aux sportifs et de 130% à l'encadrement", précise Yann Cucherat, annoncé pour prendre la suite de Claude Onesta, actuel manager de l'agence, à la fin de l'année 2024.

Délégation élargie et choix des disciplines 

L’Agence nationale du sport s’est vue octroyer un budget historique de 461 millions d’euros pour 2024. Dès l'annonce du choix de la ville d'accueil, "le pays se donne les moyens supplémentaires de préparation de sa délégation", développe Thierry Terret. "Nous avons beaucoup fait et investi pour l'excellence sportive", s’est réjoui Emmanuel Macron lors de ses vœux olympiques en janvier, parlant d'une "augmentation de 68% du budget pour la haute performance" et de "75% de l'accompagnement individuel des sportifs".

Tous ces facteurs participent à la réussite d'une nation à domicile, mais ils s'accompagnent d'autres avantages. Tout d'abord, les quotas : en tant que pays d'accueil, la délégation française bénéficie de qualifications automatiques, notamment dans les sports collectifs, ce qui lui permettra de présenter plus d'athlètes que n'importe quel autre pays. "On aura la plus grande délégation olympique et paralympique qu'on ait jamais eue. On risque d'être à peu près à 560 athlètes olympiques [contre 403 à Tokyo] et 280 paralympiques [contre 137 à Tokyo], c'est plus d'une fois et demie les délégations traditionnelles", note Yann Cucherat.

Autre faveur pour le pays hôte : la possibilité de choisir quatre des 32 disciplines au programme, et donc maximiser ses chances de médailles. En 2021, le Japon avait remporté six de ses 26 titres dans ses disciplines choisies (baseball, softball, skate, karaté). En choisissant le surf (Johanne Defay, Vahiné Fierro), l'escalade (les frères Bassa et Mickael Mawem, Oriane Bertone), le skateboard (Aurélien Giraud) et le petit nouveau, le breaking (Dany Dann, Syssy), la France a choisi des sports à fort potentiel de médailles, comme l'a fait Los Angeles pour 2028 avec le flag football, le cricket ou le lacrosse.

La Française Vahine Fierro dans la vague de Teahupo'o, le 19 août 2022. (JEROME BROUILLET / AFP)

Pour autant, les sportifs réalisent-ils vraiment de meilleures performances lorsqu'ils disputent des Jeux olympiques à domicile ? De très nombreuses études se sont penchées sur la question depuis la fin des années 1990. Les deux plus récentes aboutissent au même constat : l’avantage existe, mais il est de plus en plus léger. Celle de l'université de Reading, publiée en 2021, parle d'une augmentation de deux points de pourcentage dans leur ratio de médaillés et finalistes pour les pays hôtes entre 1988 et 2016 par rapport aux performances de leurs sportifs à l'étranger. Un différentiel dix fois plus faible que lors des JO organisés de 1896 à 1936.

Un avantage de moins en moins net

D'après cette étude, l'augmentation du nombre d'athlètes, des pays et des disciplines a brisé la surreprésentation dont bénéficiaient les pays hôtes jusqu'au milieu du XXe siècle et la mondialisation s'est chargée d'affaiblir les autres avantages. Se déplacer jusqu'au lieu des Jeux olympiques est désormais bien plus rapide et pratique. Par ailleurs, une grande partie des athlètes n'arrive plus en terrain inconnu le jour J, parce que le nombre de compétitions internationales a largement augmenté dans chaque discipline et que les test events sur les sites des compétitions avant les Jeux sont devenus la norme.

La dernière étude sur le sujet, publiée en 2023 dans la revue Nature, a confirmé la tendance. Elle relève par ailleurs que les bénéfices d’évoluer à domicile se notent plus facilement chez les hommes et dans les disciplines où l’arbitrage joue un rôle important. Mais elle ajoute surtout que l’effet n’est plus automatique. D'après Gergely Csurilla et Imre Ferto, deux chercheurs hongrois, si l'on ajoute des variables socio-économiques (dont le PIB par habitant et le nombre d'habitants du pays), l’avantage est neutralisé dans certains pays développés. 

C'est pourquoi ils recommandent aux candidats à l'organisation de Jeux olympiques d'être "prudents dans leur attente de remporter plus de médailles que d'habitude" et insiste sur le fait que le retour sur leur investissement financier "ne peut être clairement démontré", prenant l'exemple de la Grèce en 2004, qui a connu un prolongement difficile après avoir dépensé des sommes colossales pour accueillir les Jeux.

Quoi qu’il en soit, les stratèges de la réussite française tablent sur une nette amélioration par rapport à Tokyo. "On s'attend à une progression, sans atteindre les 80 médailles de Laura Flessel [ministre des Sports de mai 2017 à septembre 2018]. Tous les modèles annoncent autour de 50 médailles, avec un nombre de titres quasiment multiplié par plus de deux par rapport à Rio ou Tokyo, ce qui pourrait placer la France à la cinquième position", assume Thierry Terret, pour qui "une troisième ou quatrième position est même envisageable".

Sans prendre en compte le biais de l’organisateur, l’institut américain Gracenote prédit 52 médailles et 27 titres pour la France en 2024. Son modèle statistique se base sur les résultats individuels et collectifs des sportifs aux précédents Jeux olympiques, championnats et coupes du monde. D’après lui, les Bleus termineront au cinquième rang au total de médailles avec 27 en or, 14 en argent et 11 en bronze, derrière les États-Unis (121 médailles), la Chine (85), la Grande-Bretagne (65) et le Japon (53).

Mais surtout, avec 27 titres, qui déterminent la position au tableau des médailles, la France terminerait... troisième. Elle serait toujours derrière les Etats-Unis et la Chine (37 titres) mais devant la Grande-Bretagne (16) et le Japon (15). Seule inconnue, non prise en compte dans cette projection en raison de son incertitude : la place des athlètes russes sous bannière neutre, qui avaient ramené 20 médailles d'or en 2020 (5e) et qui pourraient priver la France de ce top 5 tant espéré.

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