Paris 2024 : médaille d'or, record olympique et exploit diplomatique... La soirée hors norme de Arshad Nadeem, lanceur de javelot pakistanais

Il a battu le record olympique, ramené la première médaille d'or en individuel du Pakistan et vaincu le rival indien, tenant du titre. Arshad Nadeem est devenu un héros dans son pays où de nombreux cadeaux lui sont maintenant promis.
Article rédigé par franceinfo - Simon Kremer
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Arshad Nadeem durant la finale olympique du javelot au Stade de France, le 8 août 2024. (BEN STANSALL / AFP)

Les utilisateurs de X (anciennement Twitter) ont été nombreux à se poser cette question, vendredi 9 août : que cache le mot dièse #ArshadNadeem ? Il s'agit en réalité du nom du nouveau champion olympique du javelot, le Pakistanais Arshad Nadeem, qui a signé un double exploit historique. Il a donc été sacré jeudi champion olympique du lancer de javelot et apporte à son pays la première médaille olympique en athlétisme de son histoire. 

Avec un jet à 92,97 m à son deuxième essai, Nadeem a pris la tête du concours, explosant au passage le record olympique de plus de deux mètres. Il a devancé l'Indien Neeraj Chopra, titré à Tokyo en 2021, qui s'est approché de son record avec 89,45 m et le Grenadien Anderson Peters (88,54 m). Du haut de ses 27 ans, Arshad Nadeem, vice-champion du monde en 2023, était déjà entré dans l'histoire de son pays aux JO de Tokyo : il était alors devenu le premier athlète de son pays à se qualifier pour une finale olympique d'athlétisme.  

Des exploits olympiques célébrés toute la nuit à Mian Channu, son village du Penjab frontalier de l'Inde. À l'annonce de sa victoire, les rues se sont enflammées de joie. "Il a réalisé l'impossible. Il ramène la première médaille depuis 32 ans, l'or, alors que nous n'avons rien", exulte Muhammad Azeem, maillot vert et blanc du Pakistan sur le dos. Autour de lui, on danse, on chante, comme le montre des images postées sur les réseaux sociaux.

"Arshad Nadeem est un enfant de Mian Channu. Il est venu d'un petit village et a porté haut les couleurs pakistanaises à l'international", affirme fièrement Rasheed Ahmed, l'entraîneur qui l'a repéré en 2011. Il faut dire que rien ne prédestinait ce colosse de 1,90m, père de deux enfants, à la gloire mondiale. Ni même au lancer de javelot. Comme beaucoup de Pakistanais, Arshad Nadeem a longtemps rêvé de cricket. Repéré pour ses qualités dans la discipline, il se tourne finalement vers l'athlétisme, sur les conseils d'un de ses frères.

Sur son temps libre, Arshad Naheem a tout tenté. Lancer du poids, javelot, disque, marteau, saut en longueur, en hauteur, triple saut, et même 100m et 200m. En 2015, il est embauché par l'Office pakistanais de l'eau et de l'électricité, une autorité gouvernementale dotée d'un budget de soutien aux talents sportifs. C'est le tournant de sa carrière dans un pays ou le revenu moyen mensuel est de 167 euros. Il découvre alors la professionnalisation, les entraînements intensifs, les voyages pour la formation.  

Il devance l'Indien Neeraj Chopra, un symbole fort 

Jeudi soir, Arshad Nadeem a explosé son record de plus de cinq mètres pour devancer l'athlète indien Neeraj Chopra, qui l'avait battu aux Championnats du monde de Budapest. Un autre symbole très fort. Depuis 1947, et la partition violente du Pakistan avec l'Inde, la rivalité est, en effet, très grande entre les deux nations. Le souvenir de cette période violente, ayant fait plusieurs centaines de milliers de morts et entraîné le déplacement de 12,5 millions de personnes, l'un des plus grands déplacements de population de l'histoire, est encore douloureux.

Arshad Naheem et Neeraj Chopra, qui sont amis, se sont régulièrement retrouvés sur le podium. Mais d'habitude, l'Indien montait sur la plus haute marche. Juste après le concours, le Pakistanais a rejoint Chopra et pris une photo sous son drapeau indien. Une image qui restera de ces Jeux olympiques... et qui est particulièrement commentée sur les réseaux sociaux.

Au Pakistan, Arshad Nadeem n'a eu, longtemps, aucune infrastructure derrière lui. "Les athlètes devaient se contenter de bâtons de bois enroulés dans une corde pour javelots, raconte Parvaiz Ahmed Dogar, un ancien responsable du sport au Penjab. Quand on a vu qu'Arshad progressait en flèche, on a réussi à lui obtenir un vrai javelot qu'on a fait venir de Sialkot", à 400 kilomètres de là. 

Mais ce 8 août, tout a changé. Désormais, politiciens et hommes d'affaires se pressent pour annoncer, en grande pompe et à coups de posts sur les réseaux sociaux, combien de cadeaux, ils veulent faire au nouveau héros national. 

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