SÉRIE. Paris 2024 : le carnet de bord des Jeux paralympiques - épisode 2 : la routine d'entraînement

À 265 jours du début des Jeux paralympiques d'été de Paris 2024 - les premiers de l'histoire en France - franceinfo: sport donne la parole à trois athlètes en situation de handicap, amenés à briller l'été prochain.
France Télévisions - Rédaction Sport
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Ugo Didier (para natation), Guillaume Toucoullet (para tir à l'arc) et Nélia Barbosa (para canöe) prennent la parole sur franceinfo: sport pour le deuxième épisode du carnet de bord des Jeux paralympiques de Paris 2024. (G. Picout / AFP)

Quel est le quotidien d'un athlète paralympique ? Comment se prépare-t-il à une échéance comme les Jeux de Paris 2024 ? Est-il possible de faire changer le regard sur le handicap à travers un tel événement ? Ces questions - et bien d'autres - ont conduit la rédaction de franceinfo: sport à proposer un format où la parole reviendrait directement aux sportives et sportifs tricolores qui visent les Jeux paralympiques.

Pour le deuxième épisode de ce carnet de bord mensuel, Ugo Didier (natation), Guillaume Toucoullet (tir à l'arc) et Nélia Barbosa (kayak) reviennent sur leurs habitudes d'entraînement.

Ugo Didier • 22 ans • natation S9 (malformation à la naissance, pieds bots et membres inférieurs atrophiés)

"J'ai une routine hebdomadaire qui me permet de suivre mes cours quand je le peux"

Ugo Didier lors des World Series de paranatation à Limoges, le 25 mai 2023. (PICOUT GREGORY)

C'est un peu le début de la saison pour moi. Mi-novembre, j'étais aux Interclubs valides à Montpellier avec mon club de Cugnaux [Haute-Garonne]. C'est une compétition très particulière, la seule par équipes sur le circuit valide, donc il y a de l'émulation et la volonté de performer. Je suis un peu déçu des résultats, sur mon épreuve individuelle je suis à deux secondes de mon meilleur temps sur le 400 mètres. Il y a pas mal de frustration qui en est ressortie, par rapport au travail qu'on a effectué dans la modification de la technique de la nage, et sur les allures de course. On a les championnats de France en bassin de 25 mètres les 9 et 10 décembre à Saint-Nazaire. J'espère pouvoir hausser mon niveau pour être meilleur. 

Pour l'instant il n'y a pas de stage prévu, pas de déplacement jusqu'en janvier. Cela me permet de planifier la saison autrement et je suis aussi beaucoup plus serein d'avoir déjà mon billet pour Paris 2024. Mais c'est une période un peu difficile, il y a le contrecoup de la compétition et de la fatigue accumulée. On n'affûtera pas davantage le corps pour les championnats de France. Je veux en profiter pour travailler avec beaucoup d'intensité, de volume, et d'engagement technique et physique.

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Avec mon entraîneur, on a calé notre plan de bataille pour l'année. J'ai une routine hebdomadaire, chaque jour ça change un peu. En ce moment, je m'entraîne deux fois par jour sauf le mercredi : deux fois dans l'eau, une fois en musculation, une fois dans l'eau, et cette routine me permet de suivre mes cours quand je peux.

Durant le premier semestre, je fais à peu près la moitié d'une année étudiante normale. Au semestre prochain, je ferai près d'un tiers d'une année lambda. Je ne voulais pas totalement arrêter pendant ma préparation des Jeux. Je voulais garder un peu de vie sociale et du travail scolaire à l'INSA à Toulouse. Comme bulle de décompression, j'essaie de voir les copains le week-end, ça me permet de penser à autre chose. La musique aussi ça m'aide à fond, à faire la transition entre les cours et l'entraînement notamment quand je suis dans la voiture. Un de mes seuls regrets, c'est de ne pas avoir fait un sport où on peut écouter de la musique et parler en même temps !

Guillaume Toucoullet • 39 ans • tir à l'arc classique (accident de moto en 2010 et perte d’usage du bras gauche)

"Je ne me mets pas de routine, j'ai une rigueur qui fait que ça roule et que je m'entraîne bien. On ne peut pas avoir de routine quand on a un petit garçon !"

Guillaume Toucoullet lors des phases finales de la Coupe d'Europe de paratir à l'arc, en septembre 2023. (GT)

Ma saison s'est terminée en octobre. En novembre, j'ai fait un point matériel avec des tests. J'ai augmenté la puissance de l'arc de manière significative pour pallier plusieurs problèmes que j'ai pu avoir durant la saison. Maintenant je dois m'entraîner pour me familiariser, automatiser mon tir et voir comment l'arc et les flèches réagissent.

Je suis numéro deux mondial dans ma catégorie (open arc classique). J'ai déjà obtenu mon quota lors des championnats du monde. Ensuite, il y aura le comité de sélection fin janvier qui décidera ou non si la place pour Paris 2024 me revient.

Début décembre, je vais repartir à Compiègne (Oise) pour m'entraîner avec le club. Là, je le fais tout seul chez moi, au Pays basque. Un ami m'a mis à disposition un petit bout de terrain. J'ai planté une cible, une petite tente et je m'entraîne à 200 mètres de chez moi. J'aime bien me retrouver seul, ça me fait du bien.

Au niveau de ma préparation, j'ai mis de côté la pelote basque et je me suis inscrit au badminton, c'est intéressant au point de vue cardio. Les mecs tapent fort, ils me font courir... Ils me font disjoncter ! Je m'entraîne 12h par semaine au badminton. Le tir, c'est entre 12 à 16h par semaine, avec aussi de la course à pied.

Je ne me mets pas de routine, pas d'obligation. J'ai une rigueur qui fait que ça roule et que je m'entraîne bien. On ne peut pas avoir de routine quand on a un petit garçon ! Quand je fais du tir à l'arc, par contre, j'ai des routines : je prépare mon arc toujours de la même façon, j'ai la même façon de tirer... Sur les moments cruciaux, oui j'ai besoin de ces habitudes. 

La déception de ma performance à Tokyo (éliminé en 16es de finale) est digérée. J'étais jeune dans la discipline, je ne connaissais pas assez mon matériel. Une partie de l'arc s'est cassée, dans la tête je n'y étais pas. Je n'avais pas assez de confiance et de pratique... Mais derrière, j'ai su m'organiser, mettre des choses en place pour faire vice-champion du monde à Dubaï en 2022. Donc je ne suis pas trop inquiet, j'ai appris de mes erreurs. J'ai envie de tout casser à Paris. Même si je fais la plus belle des médailles, je n'arrêterai pas. Je continuerai avec les Jeux de Los Angeles si mon petit garçon vit bien la situation et tous mes déplacements.

Nélia Barbosa • 25 ans • canoë KL3 (amputée de la partie inférieure de la jambe droite en 2017)

"Une journée-type ça va être de la musculation le matin. Ensuite, je vais faire un transfert en bateau. Le soir, un entraînement en kayak... et des étirements que j'ai tendance à zapper !"

Nélia Barbosa entourée de ses concurrentes, Félicia Laberer et Laura Sugar, à l'issue de la finale du 200 mètres KL3 des Mondiaux de para canöe à Duisbourg, le 27 août 2023. (MARIUS BECKER / DPA)

Ma saison s'est terminée début septembre avec le test event à Vaires-sur-Marne. Je n'ai pas trop coupé. J'ai fait un peu de surf, beaucoup de musculation, de slalom en kayak et j'ai eu besoin de retrouver un peu mon club de Champigny. Après les Étoiles du sport, je pars en Guadeloupe pour un stage d'hiver de trois semaines. Ensuite il y aura un nouveau stage de préparation physique en janvier.

Les sélections équipe de France auront lieu en mars, mais je ne sais pas si j'y prendrai part car j'ai déjà débloqué un quota. Je pense surtout m'aligner sur des compétitions nationales en slalom avec les valides, pour faire des départs, avant les championnats du monde et d'Europe fin mai-début juin et les Jeux en août.

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Cet été j'ai décroché l'argent lors des Mondiaux mais il y avait un peu de frustration. Cela avait été une semaine compliquée. Je m'étais qualifiée pour la finale un mercredi et ma finale était quatre jours après. J'ai eu le temps de cogiter, de voir certains athlètes en larmes. J'étais arrivée assez épuisée sur le dernier jour, physiquement et mentalement. J'avais hâte de finir la course pas tellement pour la performance mais pour me libérer et partir en vacances. Quand on part dans cette optique-là, ce n'est jamais bon signe. C'est quelque chose que je ne veux absolument pas reproduire pour Paris. Malgré tout, il y a du positif. Je termine 2e. Je décroche un quota... Et ça me rassure de me dire que je n'ai pas fait la manche de ma vie. Il y a une marge de progression.

Au niveau de mes entraînements, je n'ai pas de routine bien "timée", sinon je m'ennuie rapidement et je tombe dans un cercle vicieux. Mais j'ai quand même un cadre. Une journée-type ça va être de la musculation le matin. Ensuite, je vais faire un transfert en bateau et le soir un entraînement en kayak. Si je suis motivée je vais faire des étirements, c'est un peu le travail sur lequel je vais devoir progresser car j'ai tendance à zapper ! En termes de nutrition, je ne suis pas particulièrement suivie. Je n'ai pas l'épreuve de la balance comme dans certaines disciplines. J'essaie de manger équilibré, de rester la plus sèche possible au moment des compétitions et d'avoir un bon rapport poids-puissance.

L'aspect mental, aussi, c'est quelque chose que j'ai longtemps négligé et qui m'a coûté cher aux Mondiaux. Je suis en train de chercher un préparateur mental. D'ailleurs, je lance un appel ! J'aimerais avoir un travail en continu sur toute l'année pour ne pas arriver en panique la veille des Jeux. Sinon, pour sortir de la pression, j'essaie d'avoir plusieurs soupapes. J'aime beaucoup les jeux vidéo. Je fais de la musique, du violon et de la guitare. Je dessine aussi... J'essaie de varier pour ne jamais m'ennuyer.

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