: Reportage Paris 2024 : quand les sportifs partagent leur expérience pour faire grandir les champions de demain

"On m'a dit que j'allais prendre plusieurs mois voire plusieurs années de maturité en l'espace de cinq jours." Nélia Barbosa a été mise au parfum. Pour sa première participation au rendez-vous annuel des Étoiles du sport, la para kayakiste, vice-championne du monde du 200 mètres (catégorie KL3, des athlètes capables d'utiliser au moins une jambe ou prothèse) cet été à Duisbourg, arrive les yeux pétillants à Tignes.

Entre le 25 et le 30 novembre, c'est ici, dans la station savoyarde, que 165 athlètes olympiques et paralympiques ont élu résidence pour un moment de partage hors du temps. "Cela permet de prendre de la distance sur nos entraînements, notre routine quotidienne, explique la vice-championne paralympique à Tokyo. Et puis le fait de pouvoir échanger avec des sportifs retraités, des tout jeunes qui découvrent le monde du sport de haut niveau ou d'autres déjà bien établis comme Alexis Hanquinquant [champion paralympique en triathlon], c'est hyper formateur."

Sébastien Foucras est à l'origine, avec Benoît Eycken, de la création des Etoiles du sport, qui fêtent leur 22e anniversaire. L'ancien champion de ski freestyle (médaillé d'argent en saut acrobatique aux Jeux d'hiver en 1998, et vainqueur du globe de cristal de la Coupe du monde en 1996) se souvient de la genèse du projet : "À l'époque, on se disait qu'une expérience de vie de haut niveau, si elle n'est pas transmise, elle est perdue. Aujourd'hui, pour 80% de nos sportifs invités aux Étoiles, le seul moment capital, c'est les Jeux. Et même quand tout va bien, tu n'es pas toujours sûr de réussir à gagner une médaille. Pour optimiser ces chances de performer, rien de tel que de bénéficier de l'expérience de celles et ceux qui sont passés avant. Cette année, la programmation est très axée sur les derniers détails qui vont leur permettre de faire la différence. On revient sur la nutrition, le sommeil, la cohérence cardiaque, la respiration, la bonne récupération... "

Parrains-espoirs, la formule gagnante des Étoiles du sport

En marge de ces moments d'échanges, un programme de tutorat avec 20 parrains et marraines accompagnés de 20 jeunes espoirs constitue le moteur des Étoiles du sport. Au programme, moments de sport, d'autres plus festifs et une mise à nu à travers une minute d'éloquence pour les futur(e)s champion(nne)s. Marraine de cette édition 2023, Nélia Barbosa a convié Nina Pesce-Roué, une kayakiste de 18 ans qui évolue avec elle dans son club de Champigny.

"Je la connais depuis plus de 10 ans, elle est hyper compétitrice et a un caractère très fort, analyse la vice-championne paralympique. Elle va aller très loin, pour moi le choix était naturel, j'ai envie qu'elle rencontre toutes ces personnes extraordinaires en début de carrière. Ça ne peut que la propulser dans sa construction d'athlète de haut niveau."

Dans la course pour décrocher son billet pour Paris 2024 en kitefoil (voile), Théo de Ramecourt prend le temps de débriefer quelques secondes avec sa "filleule" Lysa Caval après sa minute d'éloquence. "C'était compliqué de se laisser aller, de se confier, confesse la jeune femme de 18 ans, championne du monde U21 dans sa discipline. J'ai essayé d'expliquer comment j'ai réussi à me débloquer mentalement sur certaines choses."

Les deux amoureux du "kite", qui évoluent au pôle de Hyères, profitent de ces cinq jours pour "ouvrir les yeux sur plein de sports". "Nous pratiquons une discipline encore jeune, dans un milieu où tout est à faire, précise Théo. Nous n'avons pas la même gestion de notre corps que beaucoup d'athlètes. Il y a beaucoup de paramètres extérieurs à prendre en compte avec le vent, le matériel, la navigation... Avoir des témoignages si différents, ça nous nourrit."

L'expérience des Jeux à la maison

Le temps d'un après-midi, mercredi 29 novembre, parrains, marraines, espoirs et autres ambassadeurs du sport français se rassemblent à Tignespace, un centre sportif. Le capitaine de l'équipe de France de rugby fauteuil, Jonathan Hivernat, s'essaie au "scratching" sur une platine DJ avec l'un des membres de la formation C2C tandis qu'à quelques mètres de lui, Nélia Barbosa demande à la judokate Julia Tolofua de filmer quelques unes de ses prouesses en "breaking". Théo de Ramecourt et Lysa Caval, eux, reçoivent les conseils de Matthias Dandois lors d'un essai de BMX flat. La transmission, toujours.

Quelques heures plus tard, l'étoile de l'année, récompensant celui ou celle qui a le plus impressionné durant ces cinq jours, est remise par le sauteur en longueur Jules Pommery, lauréat de l'édition 2022, à... Nina Pesce-Roué. 

À l'heure de refermer le rideau de cette édition, Sébastien Foucras se rappelle, avec émotion, d'une séquence avec le champion olympique de ski de bosses en 1992 à Albertville, Edgar Grospiron. "Gagner en France, c'est ce qui va se passer dans quelques mois à Paris. Il y a 21 ans, Edgar disait à Jean-Claude Killy avant sa course : 'Ne t'inquiète pas, dans deux heures je suis champion olympique'. À l'époque, il était la star attendue et il a réussi à tenir le cap, à briller dans ce contexte des Jeux à la maison. Il y a des éléments à retenir, une confiance impactante, même si c'était il y a 30 ans. Si cela peut en inspirer quelques-un(e)s, j'en serai le plus heureux." A Paris dans quelques mois, et peut-être aussi dans les Alpes françaises en 2030...