Reportage Paris 2024 : à Antibes, les Bleus du basket fauteuil ne laissent pas passer leur dernière chance de se qualifier aux Jeux paralympiques
"Ce qui ne tue pas rend plus fort." La maxime, tatouée tout le long du bras droit du meneur de jeu des Bleus Jérôme Duran et éclairée par les spots lumineux de l'Azur Arena d'Antibes, est presque un mantra pour l'équipe de France de basket fauteuil. Seule équipe collective non-qualifiée d'office malgré le statut de pays-hôte des Jeux paralympiques, cette différence a pu nourrir au mieux de l'incompréhension, au pire de l'injustice pour le collectif tricolore. Un sentiment qui s'est effacé, lundi 15 avril, après la large victoire face au Maroc (87-60) lors du dernier match du tournoi de qualification paralympique (TQP), synonyme de participation aux Jeux cet été.
Malgré la pression, un parcours sans tache pour les Bleus
Pendant quatre jours dans les Alpes-Maritimes, la pression du repêchage "de la dernière chance pour Paris 2024" (#LastChanceForParis sur les réseaux) a pourtant plané sur les joueurs de Franck Bornerand. Mais le premier succès, vendredi en ouverture face à l'Iran (63-62), troisième nation mondiale, a donné le ton devant un public logiquement acquis à la cause des Bleus. Samedi, c'est le Canada (61-55) qui a subi la loi de Rémi Bayle et ses partenaires.
Impressionnant dans la raquette, l'ancien rugbyman en Fédérale 3 a fait parler son physique pour gêner ses adversaires à l'intérieur. "J'aime le combat, c'est ce qui me plaît dans ce sport, confiait le gaillard de 34 ans, devenu paraplégique après un accident survenu dix ans plus tôt. Mais rien n'est fini, il nous reste deux rencontres pour remplir le contrat."
Pour la finale de la poule A, dimanche, l'équipe de France a retrouvé sur sa route un adversaire qu'elle connaît par cœur : les Pays-Bas. Une sorte de bête noire au regard des deux dernières compétitions majeures où les formations se sont affrontées (défaite en poules lors du Mondial 2022 (77-46) et défaite en quarts de finale des championnats d’Europe 2023 (63-60). Impressionnant d'intensité et d'engagement, le match a vu s'enchaîner duels rugueux et shoots spectaculaires. L'immersion dans l'univers du basket fauteuil – dépeint avec pertinence par Takehiko Inoue dans son manga Real – était totale.
L'art de bien défendre, ou le pragmatisme tricolore
Sous le regard du nageur paralympique David Smétanine, présent aux abords du parquet pour soutenir les joueurs tricolores, les Bleus sont parvenus à cadenasser les tentatives adverses. "La consigne, c'était de bien blinder la raquette et de ne pas trop sortir sur leurs tireurs à l'extérieur", expliquait le capitaine Audrey Cayol après la partie. Une consigne respectée, à laquelle s'est ajouté un manque de réussite des Néerlandais dans les deux derniers quart-temps, et qui a fait pencher le score en faveur des Français (48-43). En tête de son groupe, la France était assurée – au petit jeu des matchs de croisement – de retrouver le dernier de l'autre poule, le Maroc, pour la rencontre décisive.
"On a mis une structure en place il y a un mois et, depuis le début du tournoi, on voit qu'elle porte ses fruits et qu'on progresse", analysait le coach assistant Steve Caine. Médaillé d'argent aux Jeux paralympiques d'Atlanta en 1996 avec la Grande-Bretagne, il a rejoint le staff des Bleus l'été dernier pour leur faire franchir un cap, notamment sur le plan défensif. "En France et dans d’autres pays, on fait beaucoup d’attaques mais on travaille parfois un peu moins la défense car c’est un peu moins évident, c’est un travail de l'ombre, plus ingrat. En 2018, j'étais dans le staff britannique et on a gagné le Mondial en ayant une grosse défense. C’est ce que j’essaie d’expliquer aux joueurs. Dans un gros tournoi, tu ne peux pas te ruer sur le panier, il faut tenter de garder ton adversaire à un score le plus faible possible. On l’a fait sur ces trois matchs, c’est vraiment bien, tout le monde a pris confiance."
Un avis partagé par le meneur de jeu tricolore Sofyane Mehiaoui, qui a vu une nette évolution en l'espace de quelques semaines. "Les moyens mis à notre disposition ont tout changé. Aller en Belgique ou en Espagne pour jouer face aux meilleures nations mondiales, cela nous a fait progresser beaucoup plus vite et nous a permis de nous améliorer, d'encore mieux souder le groupe. Il y a un mois, on s’est pris des fessées face à des nations comme le Canada, l’Australie, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas… On a perdu presque tous nos matchs. Ça a été une leçon, pour nous rendre compte de l’intensité qu'il fallait mettre défensivement."
"On a tapé les meilleures équipes du monde, maintenant on en fait partie"
Lundi matin, en marge d'un forum pour l'emploi organisé au sein de l'Azur Arena, la centaine de bénévoles présents sur l'événement prenaient place pour une dernière réunion d’information avant une journée chargée, avec quatre tickets pour Paris à distribuer. Située à quelques centimètres du panier en tant que chargée de l'aire de compétition, Véronique avait même l'honneur de remettre le premier "golden ticket" à l'équipe néerlandaise, large vainqueure face à la Colombie.
Habituée au bénévolat sur plusieurs événements sportifs internationaux, elle a découvert le parasport à Tokyo, en 2021. Et en l'espace de quatre jours de compétition, elle est tombée sous le charme du basket fauteuil. "Je suis impressionnée par leurs qualités athlétiques, d'adresse, de cohésion d'équipe, de vélocité... Et c'est très esthétique ! Certains se mettent sur une roue et parviennent à enrouler leur bras au moment de tirer, c'est incroyable à voir, un très joli geste."
Après les qualifications de l'Allemagne et du Canada, les tribunes de l'enceinte des Sharks d'Antibes se remplissaient en fin d'après-midi de supporters vêtus de bleu, de blanc et de rouge. Caroline et Grégory, plus sobres, venaient, eux, donner de la force à deux joueurs du coin évoluant à Hyères, Jérôme Duran et Nicolas Jouanserre. "Face au Maroc, on y croit, il n'y a pas de raison que ça ne le fasse pas. On n'a pas encore pris nos places pour les Jeux paralympiques mais s'ils se qualifient ce soir, on ira c'est clair !"
Pour Caroline et Grégory, le rendez-vous est pris. Les Bleus verront bel et bien la capitale française l'été prochain à l'occasion des Jeux paralympiques, une première depuis vingt ans pour cette équipe de France de basket fauteuil. "C'est un rêve, pour tout sportif le rêve c'est les Jeux" savoure, ému, l'entraîneur tricolore, Franck Bornerand. "On a tapé les meilleures équipes du monde, maintenant on en fait partie", prévient Nicolas Jouanserre, désormais prêt à aller décrocher l'exploit de sa vie.
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