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Euro 2021 : comment les Danois peuvent-ils surmonter le traumatisme Eriksen ?

Réanimé sur le terrain après un grave malaise cardiaque lors du match contre la Finlande, Christian Eriksen a poussé ses coéquipiers à reprendre la compétition, malgré un choc psychologique important.

Article rédigé par franceinfo: sport - Pauline Guillou
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Un portrait de Christian Eriksen a été dessiné sur les murs du "Football Village" de Copenhague, après son malaise cardiaque sur le terrain du stade en plein match. (MADS CLAUS RASMUSSEN / RITZAU SCANPIX / AFP)

Ils rêvaient de réitérer l'exploit de leurs aînés, vainqueurs inattendus de l'Euro en 1992. Ils ont vécu l'un des moments les plus durs de leur vie de footballeur. Marquée par le grave malaise cardiaque de leur coéquipier Christian Eriksen à la 42e minute de jeu contre la Finlande, la sélection danoise navigue entre deux eaux. Dans quel état entreront-ils sur le terrain face aux Belges, jeudi 17 juin ? Éléments de réponses.

"Cet accident rappelle ce qui importe le plus dans la vie : les personnes les plus proches de vous, les amis et la famille", confiait le sélectionneur du Danemark, Kasper Hjulmand, en conférence de presse, ému aux larmes. De retour sur la pelouse où ce premier match de l'Euro 2021 aurait pu virer au drame, ses hommes vont tenter d'oublier. Défaits par la Finlande (1-0), après avoir manqué un penalty à la 74e, ils ont montré que leur esprit était ailleurs, à juste titre. 

Tout donner "pour Eriksen" ou relativiser la suite ? 

Difficile de revenir au Parken Stadium, après les images bouleversantes de Christian Eriksen sur la pelouse du stade de Copenhague. Le milieu de terrain, toujours hospitalisé, mais dans un état stable, a appelé ses coéquipiers à tout donner pour la suite de la compétition. Son sélectionneur a annoncé "vouloir jouer pour Christian". Mais en réalité, chaque joueur "vivra la suite du tournoi de manière différente", explique Sophie Huguet, psychologue du sport. Pour elle, cet épisode peut se révéler positif pour le groupe : "J'ai tendance à penser que cet évènement pourra se transformer en force pour eux". Pour Fabrice Allouche, préparateur mental et triple champion du monde de kick-boxing :"Il y aura certainement une part d'honneur dans les prochains matchs. Les joueurs montreront qu'ils ont envie d'être à la hauteur de Christian Eriksen."

Au delà d'une force fédératrice pour ces joueurs, une autre réaction pourrait aussi être observée selon un psychologue, préparateur mental et ancien joueur professionnel de football :"Il est possible que certains joueurs ne voient plus d'intérêt à la suite de ce tournoi, et qu'ils se disent que ce n'est que du sport..."  Un rapport différencié, une envie de se battre plus ou moins forte pour une compétition qui aurait pu coûter la vie à l'un des leurs. "Chacun a un rapport différent à la mort", souligne Sophie Huguet, "en fonction de leur histoire, de leur éducation et religion".

Certaines images seront à effacer, ou du moins à accepter, "pour tirer le meilleur des joueurs, il faut tirer le meilleur de leurs émotions", explique Fabrice Allouche. Même si le monde du football se cache de plus en plus derrière d'épaisses barrières, rendant les joueurs imperméables à beaucoup de critiques, "cet accident va rajouter une pression supplémentaire, parce qu'il est loin d'être anodin"

Extérioriser les émotions

Au vu de la vague émotionnelle et des nombreuses réactions de la planète football, tout ramène une fois de plus à la force collective. Après avoir formé une ligne de front autour du corps de Christian Eriksen, pour le cacher des caméras et du public, les Danois pourront puiser dans cette force commune pour créer un atout pour la suite du tournoi. "On ne parle plus d'une équipe, on parle d'une vraie camaraderie. Ils sont meilleurs amis et liés pour la vie" , décrivait Kasper Hjulmand, la voix brisée après le match. "Les joueurs devront oser extérioriser leurs émotions, respecter le ressenti de chacun", affirme Sophie Huguet. C'est au capitaine, au coach et aux cadres de l'équipe que reviendra certainement la responsabilité du bien-être collectif après le drame. Brassard serré autour du bras droit, Simon Kjaer a d'ores et déjà endossé ce rôle, en appliquant les gestes de premier secours à Christian Eriksen, puis en réconfortant sa compagne en larmes au bord du terrain.

"Simon Kjaer a été remarqué pour sa bravoure, il aura un rôle important pour la suite du tournoi"

Sophie Huguet

à franceinfo: sport

La suite ? "Extérioriser, et s'exprimer après des images violentes", affirment unanimement les trois psychologues du sport et préparateurs mentaux. Fabrice Allouche attache une certaine importance à la cohésion d'équipe, encore plus dans des compétitions de cette envergure : "C'est le groupe qui est important, plus encore quand on attache une certaine importance à la sélection" détaille-t-il. 

Les Danois réunis autour de Christian Eriksen après son arrêt cardiaque sur le terrain, lors de Danemark - Finlande à l'Euro, samedi 12 juin 2021. (FRIEDEMANN VOGEL / POOL)

Faiblesse psychologique ou force collective ?

"Certains joueurs pourraient être transcendés par l'évènement", explique le préparateur mental. C'est vrai pour les compatriotes d'Eriksen, directement affectés par les faits, mais aussi pour leurs adversaires, comme Romelu Lukaku, coéquipier du Danois à l'Inter Milan. L'attaquant de la Belgique, qui fera face au Danemark, lui a dédié ses deux buts marqués contre la Russie peu après l'accident. En grande forme sur le terrain, il avouait néanmoins avoir beaucoup pleuré avant la rencontre, "toutes mes pensées étaient avec Christian Eriksen", affirmait-il en conférence de presse.

Les adversaires des Danois pourraient-ils profiter d'une brèche psychologique pour en découdre ? "Naïvement, je pense qu'en phases de poules, les joueurs auront tendance à la compassion. Mais un sportif de haut niveau est un compétiteur, l'enjeu de l'Euro peut prendre le dessus", glisse l'ancien joueur de foot devenu préparateur mental. Fabrice Allouche est du même avis : "Ce n'est pas un match amical. Je ne pense pas que les autres équipes partent sans viser la victoire." Avant le choc de jeudi contre la Belgique, les Danois ont à coeur de sauver leur Euro, en s'appuyant sur la vague de soutien d'un pays bouleversé par cet accident.

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